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Partie I Le Culte du Bwiti : Eléments de Contextualisation 53

Chapitre 3 – Description du rituel 133

1.1 Les objectifs 133

Le bwiti est d’abord ce qui se fait. « Faire son bwiti » est la première expression que chaque initié donne pour décrire sa relation au culte. Le ngozo constitue la pratique rituelle principale qui permet aux hommes et aux femmes de « communier » et de prier ensemble pour résoudre un problème collectif ou individuel. Les initiés se réunissent généralement pendant trois nuits21 (le terme vernaculaire fang « ngozo » signifie : se réunir, faire quelque chose ensemble22) afin d’établir une communication avec le monde spirituel. La pratique du ngozo sert de blindage pour contrer le silence et l’obscurité de la nuit, environnement où les sorciers exercent leurs attaques et, elle permet de communiquer avec le monde spirituel afin de demander protection aux ancêtres et à Dieu.

Le succès de la rencontre avec les esprits et le blindage contre les sorciers dépendent de la manière dont la pratique rituelle a été réalisée. Selon les initiés, le rituel doit être effectué à la perfection pour que les objectifs de la cérémonie soient atteints. L’efficacité des rites dépend                                                                                                                

21 Le nombre de nuits peut varier selon les circonstances. Il est déterminé par la

« consultation » (divination) réalisée par l’initiateur avant l’organisation du ngozo, mais également selon les finances de la communauté.

22 Mary a collecté ce terme sous la forme « ngoze » et écrit qu’il est également employé par

les Mitsogho pour désigner la cérémonie (Mary, 1985 : 63-64). Les initiés affirment que c’est un terme fang et expliquent la différence de prononciation « ngozé » et « ngozo » par les différences de dialecte entre le canton nord et le canton sud. Le terme endogène provenant des Tsogho a-t-il été assimilé au point de devenir un terme fang ou du moins « fangtisé » au

moins de l’intériorisation des significations rituelles par les initiés que de la juste forme de l’acte accompli.

Le ngozo est également une représentation de l’univers bwiti. Les trois nuits de la cérémonie sont le lieu de mises en scène du monde spirituel et retracent les moments clés du scénario initiatique : la naissance (disumba), la mort (kombi) et la renaissance (édèmba)23. Lors du

ngozo, divers recours symboliques permettent de mettre en action la convocation des esprits et

leurs multiples interventions sur la scène liturgique : des personnages sont « joués » par différents initiés qui ont découvert leur vocation rituelle au cours de leur vision initiatique. Chacun de ces acteurs24 détient une place précise dans le temple et possède un costume, des objets cultuels, des activités cérémoniales et des « jeux scéniques », à l’image de l’entité spirituelle et mythique qu’il incarne. Non seulement les acteurs mais toutes les composantes du rituel (les objets, les instruments de musique, les espaces) constituent une représentation de l’univers bwiti et renvoient aux thématiques de la cosmogonie et à celles de la vie et de la mort.

Au cours des cérémonies, chaque déplacement des initiés et des objets rituels suit des circuits précis, déterminés par des interdits et des prescriptions. Chaque initié doit assumer différentes fonctions pour le bon déroulement du rituel et c’est en terme de rigueur que les actes seront évalués. Le respect des différents rendez-vous horaires fixes qui structurent le rituel participe également à la bonne réussite de la cérémonie. La ritualisation de l’éradication du mal dans le déroulement du ngozo est essentiellement fondée sur la purification des lieux, des objets et des personnes, par le recours aux procédés symboliques comme l’aspersion, l’action des torches et la bénédiction. L’ensemble de l’énergie investie à travers la mobilisation collective des banzi dans l’accomplissement des rites sert à contrer l’action des sorciers mais également à créer la communication avec le monde spirituel. L’hyper-codification de la pratique rituelle participe à la dimension éprouvante et sacrificielle de l’activité cérémonielle. Les initiés parlent des cérémonies en terme de « travail » et le discours sur l’épreuve et le sacrifice est constamment présent. Ils doivent travailler dur, tenir jusqu’à l’aube en luttant contre le

sommeil et en réalisant au mieux l’ensemble des actes (danses, chants) qui ont été prévus pour la cérémonie.

La pratique rituelle principale est ouverte à la fois aux hommes et aux femmes. La communauté s’organise autour d’un temple (mbandja) de manière autonome vis à vis des autres communautés. Bien que tout néophyte puisse venir assister aux rituels, la nette séparation entre initiés et profanes repose sur le rôle fondamental du secret et de la manducation de l’eboga. L’intégration dans la société initiatique passe par la consommation ritualisée de cette plante. Au cours du rite de passage, le néophyte absorbe de grandes quantités de râpures des racines de l’eboga à des fins visionnaires. Il effectue un voyage dans le monde de l’au-delà au cours duquel il rencontre différentes entités spirituelles et ses ancêtres qui lui donneront un nom initiatique. Ce nouveau nom lui confère une fonction qu’il devra occuper au sein de la société et notamment au cours de la pratique rituelle principale. Quelle que soit la circonstance (initiation, deuil, maladie…), l’ensemble des initiés consomment au cours du rituel les racines de cette plante cette fois en petite quantité afin de tenir lors des trois nuits de la cérémonie.

Outre l’initiation, le ngozo est organisé pour d’autres circonstances : pour le décès, une maladie, un problème familial, un retrait de deuil…

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