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Informer la gestion par l’utilisation de modèles écosystémiques nécessite toutefois le déve-loppement d’indicateurs quantitatifs afin de mettre en évidence les propriétés émergentes du système et de pouvoir suivre leurs évolutions. De nombreux indicateurs dérivés des modèles ont été développés afin d’informer sur l’état de l’écosystème (e.g. Cury and Christensen [2005]; Fath et al. [2007]; Heymans et al. [2014]; Coll and Steenbeek [2017]). L’analyse de réseaux écologiques (EN A, Ecological Network Analysis)(Ulanowicz and Abarca-Arenas [1997]), issues de la théorie de communication, inclue des indices combinant à la fois les aspects qualitatifs (diversité des flux) et quantitatifs (quantité des flux) de la dynamique trophique [Kones et al., 2009]. Ils per-mettent une quantification de la structure trophique, des processus de recyclage de la matière organique, de la taille de l’écosystème et de son organisation [Fath et al., 2007]. Donnant ainsi la possibilité aux gestionnaires d’évaluer non pas juste les processus dominants mais bien l’en-semble du réseau trophique, les indices EN A ont le potentiel d’être des outils efficaces d’aide à la gestion.

Bien que la modélisation écosystémique tende vers une vision holistique des systèmes éco-logiques, l’homme est souvent considéré comme une entité externe à ces modèles, négligeant ainsi l’incertitude associée au comportement humain [Fulton et al., 2011a]. Proposer des stra-tégies de gestions efficaces, nécessite d’intégrer dans nos approches modélistiques le contexte socio-économique et socio-écologique qui influence comment les sociétés interagissent avec l’éco-système. Les approches de modélisation basées sur des agents peuvent intégrer ces concepts en modélisant le comportement individuel des pêcheurs qui peut être soumis à un large éventail de règles de décision [Utomo et al., 2018].

1.8 Objectifs et démarche de l’étude

Comme nous l’avons vu, les récifs coralliens fournissent des services écosystémiques essen-tiels aux populations insulaires mais évoluent aujourd’hui dans des régimes de perturbations qui dépassent leur capacité d’adaptation rendant les trajectoires de récupération incertaines. Contrairement aux Caraïbes, certaines îles du Pacifique affichent encore des capacités de récu-pération importantes mais une gestion efficace des usages locaux est essentielle pour le maintien de ces capacités. Il devient donc urgent d’identifier les mécanismes naturels et humains qui sous tendent ces capacités de récupération et de déterminer les stratégies de gestion qui permettent de les favoriser.

Cette thèse propose donc, au travers de différentes approches modélistiques, de revisiter une période de perturbation naturelle d’un récif corallien du Pacifique, au cours de laquelle le corail a présenté une trajectoire de récupération.

— Comment une perturbation naturelle se propage-t-elle le long de la chaîne trophique ? Le système récupère-t-il vraiment ? Quelle est sa trajectoire ? Et, en retour, comment la réponse à la perturbation s’organise-t-elle le long de la chaîne trophique ? Ces questions seront abordées dans le Chapitre 3.

— Comment la pêche influence-t-elle les trajectoires de récupérations de l’écosystème ? La récupération est-elle une propriété intrinsèque de certains écosystèmes quand le niveau de pression anthropique ne dépasse pas des seuils donnés ? Les pêcheurs, sont-ils juste bénéficiaires de cette apparente résilience des écosystèmes coralliens ou en sont-ils des acteurs ? Ces questions seront abordées dans le Chapitre 4.

— Comment appréhender le comportement des pêcheurs face à différents plans de gestion ? Quels sont les comportements à favoriser ? Ceux à éviter ? Quelles stratégies de gestion faut-il mettre en place pour assurer des bénéfices à la fois écologiques et sociaux ? Les mêmes plans de gestion doivent-ils être à l’œuvre selon que l’écosystème subit ou non une perturbation environnementale ? Ces questions seront abordées dans les Chapitres 5 et 6.

Cette thèse se compose de 6 chapitres : Le Chapitre 1 est constitué par cette présente introduction. Le Chapitre 2 présente la méthodologie utilisée pour la construction des modèles écosystémiques. Il présente le récif corallien de Moorea, en Polynésie Française, utilisé comme cas d’étude tout au long de cette thèse, l’approche de modélisation EwE utilisée dans les Cha-pitres 3 et 4 et rassemble un ensemble de données scientifiques collectées en grande partie par des études et des suivis conduis à Moorea au sein du CRIOBE. Le Chapitre 3, présente une analyse de réseaux écosystémique (EN A) de trois modèles trophiques construis avant, pendant et apres une perturbation naturelle. Dans ce chapitre nous analysons les différentes trajectoires de récupération de l’écosystème corallien de Moorea. Ce chapitre a fait l’objet d’un article publié dans la revue scientifique Ecosystems [Dubois et al., 2018]. Dans le Chapitre 4, différents

scé-1.8 Objectifs et démarche de l’étude

narios d’effort de pêche ont été appliqués à un modèle trophique dynamique afin de comprendre l’influence de la pêche sur l’écosystème corallien et ses trajectoires de récupération. Dans le

Chapitre 5 nous présentons un travail de modélisation multi-agents dans lequel différents

scé-narios de gestion ont été testé. Finalement le Chapitre 6 présente une discussion transversale de l’ensemble des résultats de cette étude et ses perspectives.

CHAPITRE

2

Building food web models of Moorea

2.1 Study case of Moorea

Moorea is a volcanic high island located in the central south Pacific, 20 km north-west of Tahiti, at 17°29’S and 149°50’W. The island is enclosed by an offshore barrier reef, the fore reef, that defines a shallow lagoon (Figure 2.1). The island has three types of coral reef habitats : fringing reef, back reef and fore reef.

● ● ● ● ●● 0 20 40 60 80 100 Coral cover (%) Haa piti Afareaitu Papetoa i Paopao Teava ro

Figure 2.1 – Map of Moorea island. Colorbar illustrate the coral cover. Black dots are locations of annual

transect surveys conducted by the CRIOBE. Gray areas are Moorea Marine Protected Areas (MPA).

In the past several decades, the coral communities of Moorea have been subjected to repeated disturbances, including cyclones, bleaching events and outbreaks of COTS (Crown-of-Thorns Seastars) [Done et al., 1991; Adjeroud et al., 2009; Adam et al., 2011; Trapon et al., 2011]. In each case, these have resulted in drastic loss of coral cover on the fore reef, as well as a turnover in fish communities, followed by a return to coral dominance within about a decade (Adjeroud et al. [2009]; Kayal et al. [2012] Figure 2.2). The last two major disturbances occurred in 2007 and 2010 (Figure 2.2). The first was an outbreak of COTS that rapidly reduced the cover of live coral on the fore reef. The second was a cyclone that hit the island in February 2010. Immediately after those disturbances, coral cover in the fore reef was close to 0%. The fore reef has been covered by a mixture of filamentous turf algae and crustose coralline algae, but

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young coral is rapidly becoming established. Between 2008 and 2010, roving herbivorous fishes such as parrotfishes on the fore reef doubled in density and tripled in total biomass, and they have remained elevated since. This tremendous numerical and biomass response was the key factor in the control of macroalgae on the forereef [Adam et al., 2011]. Reefs are now recovered to levels around 40% similar to those before the environmental disturbances, suggesting that system will not undergoing phase shift. The coral reef shifts and subsequent recovery on Moorea present a unique opportunity to explore which mecanisms may favour recovery trajectory of these ecosystems.

Figure 2.2– Temporal dynamics in living coral cover at a Moorea’s fore reef from 1979 to 2011. Colors refer to

a period of recovery before the 1991 hurricane, a period of decline following the hurricane in 1991, a new period of recovery prior to the 2006 COTS outbreak and a new period of decline following the 2006 COTS outbreak (taken from Lamy et al. [2016]).

The island has over 17,000 inhabitants [Insee-ISPF , 2012] and reliance on reef fish for income and food security is high [Aubanel, 1993; Kronen et al., 2008; Leenhardt et al., 2012]. Per capita consumption of fish in French Polynesia is one of the highest in the world and Moorea is no exception with annual consumption of 110 kg per inhabitant. Approximately 23% of Moorea’s population is involved in some kind of reef fishing or gleaning activity with spear fishing as the most widely employed technique [Brenier , 2009]. Fishing activities are important in socio-economic terms because they provide cash as well as food security and subsistence

[Aubanel, 1993]. The island is also popular tourism destination with about 70,000 visitors every years [Insee-ISPF , 2012]. Moorea’s population experienced a high growth rate (annual mean of 2.39% over the past 36 years), which in turn impacts the vulnerability of coral reef ecosystems to environmental stressors.

In response to these threats, French Polynesian government has establish in 2004 a "Ma-nagement Plan for Marine Areas" named PGEM (Plan de Gestion de l’Espace Maritime) for Moorea, including eight marine protected areas (MPAs) (Figure 2.1). The ecological and social effectiveness of the PGEM, however, is controversial, with many reported conflicts between the various stakeholders and widespread non-compliance by local communities [Thiault et al., 2017b, 2019]. The differing aims of subsistence fishing and tourist development have been especially problematic [Gaspar and Bambridge, 2008; Mahe, 2005].

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