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CHAPITRE 4 : DISCUSSION GÉNÉRALE

4.1. N UISANCE DES TAONS EN ESTIVE ET IMPLICATIONS DANS LA TRANSMISSION DE LA BESNOITIOSE BOVINE

4.1.1. Nuisance des taons en estive

Les taons sont des insectes nuisants à cause de leur vol persistant autour de l’hôte, de leur piqûre douloureuse et de la perte de sang consécutive aux piqûres (Mullen & Durden 2002). La nuisance subie par le bétail est ainsi très liée à l’abondance des populations de femelles adultes. Les collectes effectuées sur les parcours méditerranéens montrent que, malgré la diversité des espèces rencontrées (14 en Crau et 21 en estive), la nuisance est constituée, pour l’essentiel, par quelques espèces dominantes.

Que ce soit en plaine ou en montagne, T. bromius est l’espèce la plus capturée puisqu’elle représente 70% des collectes en Crau et 21% des collectes en estive (bilan 2011-2012). Tabanus bromius est une espèce ubiquiste, largement distribuée en Europe (Chvála et al. 1972; Krčmar et al. 2010; Altunsoy & Kiliç 2012). En Crau, la deuxième espèce majeure est A. quadrifarius

(28%). Cette espèce, qui privilégie les biotopes semi-désertiques, a une aire de répartition limitée au pourtour méditerranéen et au Moyen-Orient (Chvála et al. 1972; Müller et al. 2011). Les larves de T. bromius et d’A. quadrifarius sont semi-aquatiques et se développent dans la vase ou la terre humide autour des points d’eau. Ce sont des espèces « très agressives » (Rageau & Mouchet 1967).

En estive, P. aprica est l’espèce la plus abondante (38%). Cette espèce est très répandue en Europe notamment dans les zones vallonnées. Les larves sont plutôt terrestres et se développent dans la litière des forêts (Andreeva et al. 2009). Les Hybomitra spp. (H. auripila, H. caucasica,

H. montana et H. distinguenda) représentent 26% des espèces collectées. Ces espèces sont souvent rencontrées en montagne. Les larves d’Hybomitra sp. sont généralement aquatiques à semi-aquatiques (tourbières, marais, bords des points d’eau) (Teskey 1969; Auroi 1983).

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Haematopota pluvialis, enfin, est en faible proportion dans les collectes (7%) pourtant cette espèce représente près d’un quart des piqûres observées sur les vaches. C’est une espèce très commune en Europe, présente dans des biotopes variés, surtout à proximité des cours d’eau ou des milieux lentiques (gîtes larvaires) (Chvála et al. 1972; Krčmar 2004).

Les pièges Nzi (Mihok 2002) utilisés dans le cadre de la thèse se sont révélés très efficaces pour la capture des espèces moyennes à grandes (T. bromius, P. aprica, Hybomitra spp.) responsables de plus de 75% de la nuisance pour les vaches en estive. Pour P. aprica, le nombre quotidien de femelles capturées est d’ailleurs positivement corrélé au nombre quotidien de piqûres observées sur les bovins. En revanche, les collectes sous-estiment la présence des espèces plus petites, en particulier H. pluvialis. C’est pour cela que nous avons finalement peu d’informations sur la distribution spatiale et temporelle de cette espèce.

Nous avons observé une succession des espèces dominantes au cours de la saison estivale (H. auripila émergeant fin juin suivi de T. bromius et P. aprica) et un pic d’abondance en juillet-août. Ce profil saisonnier est classiquement observé chez les taons et il est très lié aux conditions climatiques mais aussi à l’altitude et à l’exposition (Krčmar 2005b; Hackenberger et al. 2009; Altunsoy & Kiliç 2012). Par rapport aux collectes faites en plaine, l’activité des taons démarre beaucoup plus tardivement en montagne. Ainsi, T. bromius est très abondant fin juin sur la plaine de Crau (10 m) alors qu’il très abondant début août dans les estives de la Mouline et de Mantet (>1500 m). Par ailleurs, en estive, l’altitude influence positivement H. auripila et négativement T. bromius et P. aprica. On peut ainsi définir des zones plus ou moins à risques en fonction de l’émergence des principales espèces et de leur distribution. En début d’été, H. auripila est surtout abondant dans les zones de haute altitude (>1800 m) alors qu’en milieu d’été, T. bromius et P. aprica sont surtout abondants dans les zones de moyenne altitude (≤1800 m). De plus, les zones fragmentées milieux ouverts – forêts sont particulièrement favorables à T. bromius et P. aprica

car elles rassemblent les principaux habitats nécessaires au cycle de vie des taons : des milieux humides pour les gîtes larvaires, du couvert végétal pour les sites de repos et des espaces dégagés qui facilitent la localisation des hôtes (Kingston et al. 1986; Barros 2001; Andreeva et al. 2009).

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Les collectes de taons au moyen de pièges Nzi fixes et disposés selon un gradient altitudinal ont donc permis de suivre l’abondance des principales espèces au cours de la saison et d’identifier des habitats préférentiels. Cependant, afin de mieux caractériser la nuisance des taons, il était important de suivre leur activité atour d’un troupeau de bovins, par l’observation directe des piqûres et par la collecte d’insectes à l’aide de pièges Nzi mobiles et disposés à proximité des animaux.

Il est ainsi apparu que la nuisance des taons était relativement constante entre 10h et 16h alors que les suivis journaliers avaient montré un pic d’activité pour les principales espèces entre 11h et 13h (GMT+1). Seules les femelles H. pluvialis sont significativement moins actives le matin (Chvála et al. 1972). Les conditions climatiques conjointement au moment de la journée sont les déterminants qui conditionnent l’activité de piqûre des femelles (Van Hennekeler et al. 2011). De plus, en montagne, l’influence des vents thermiques semble être un facteur décisif (Chvála 1979). Les espèces réagissent aussi différemment aux variations des conditions climatiques. L’activité des espèces moyennes à grandes (Tabanini, Diachlorini) est surtout influencée par le vent et l’humidité alors que celle des espèces petites (Haematopini) est surtout influencée par la température.

L’altitude, quant à elle, a un effet modéré sur le nombre de piqûres des taons et cet effet s’explique par son influence sur les variables météorologiques (Körner 2007). En revanche, la structure paysagère forêts – milieux ouverts n’a aucune influence sur la nuisance. Les taons ont une grande capacité de vol qui leur permet de rechercher des hôtes sur de vastes étendues, particulièrement les espèces de taille moyenne à grande (P. aprica, T. bromius et Hybomitra spp.) (Konstantinov 1993). De plus, un troupeau constitue une entité très attractive pour des femelles à jeun.

Il semble donc difficile pour les animaux d’éviter les piqûres de taons dans les estives compte-tenu de la distribution et de l’activité des principales espèces. On peut considérer que la nuisance est maximale lors du pic d’abondance des espèces majoritaires (T. bromius et P. aprica) et lors des journées favorables à leur activité (vent et humidité faibles).

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