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Le tableau 8 recense les gènes de virulence dont l’expression est sous le contrôle du locus agr. Ils ont été caractérisés parce que l’inactivation du locus agr se traduisait par l’absence de certains symptômes dans des modèles d’infections. Cependant, si l’ARN-III contrôle l’expression de ces gènes en interagissant avec une protéine régulatrice à effets pléiotropiques (de la même manière que l’ARN OxyS sur la protéine Hfq), ses cibles potentielles ne se limitent sûrement pas aux gènes de virulence. Dans le but d’identifier de nouveaux gènes dont l’expression est contrôlée par l’ARN-III, nous avons entrepris un projet de type protéome sur des souches agr+ et agr- de S. aureus. La figure 46 montre une expérience préliminaire qui devra être renouvelée plusieurs fois pour améliorer la séparation des protéines. L’analyse de ces résultats préliminaires montre d’ores et déjà plusieurs différences entre la souche sauvage et la souche mutante (Figure 46). Les protéines pour lesquelles l’expression varie seront identifiées par spectrométrie de masse ou par séquençage à partir de l’extrémité N-terminale. Cette approche sera utilisée sur une souche agr- complémentée par des ARN-III sauvages ou mutants afin de révéler les gènes dont

Résultats & Discussion Chapitre 2 l’expression est directement contrôlée par l’ARN-III. On peut ainsi espérer mettre en évidence de nouvelles cascades d’événements sous le contrôle de l’ARN-III.

Figure 46 : Analyse du profil d’expression protéique d’une souche de S. aureus sauvage (gauche) et agr-

(droite) par migration bidimensionnelle d’extraits protéiques sur gel de polyacrylamide. Des exemples de protéines dont le profil d’expression change entre les deux souches sont indiquées par des cercles. La gamme de pH utilisée (5 à 8 de gauche à droite) n’est pas idéale, comme l’indique la grande concentration de protéines dans la partie gauche des gels.

CONCLUSION GENERALE

Grâce à l’étude de deux riborégulateurs bactériens, nous avons pu montrer à quel point les mécanismes d’action de cette classe d’ARN pouvaient être variés et surprenants. La réplication du plasmide R1 est contrôlée par l’ARN antisens CopA au niveau post-transcriptionnel. Malgré une parfaite complémentarité avec sa cible, le complexe ARN-ARN stable et fonctionnel n’est pas un duplexe étendu et adopte une topologie originale de jonction à quatre hélices. Le mode de formation de cette structure est également particulier à la fois in vitro et in vivo, avec une progression asymétrique d’une interaction boucle-boucle initiale. Loin d’être un cas particulier, les résultats obtenus pour le système R1 sont applicables à d’autres systèmes homologues. Dans le cas de l’ARN-III, nous avons déterminé un modèle de repliement intégrant des données obtenues à la fois in vitro et in vivo et défini un domaine structural et fonctionnel indépendant. Dans les deux cas, la fonction régulatrice de l’ARN repose sur des motifs de structure particuliers.

Les ARN non codants (dont les riborégulateurs) décrits dans l’introduction de ce manuscrit et caractérisés à l’heure actuelle ne constituent probablement qu’une infime proportion de ceux présents dans les cellules, tant procaryotiques qu’eucaryotiques. Ceux-ci ont été découverts de façon fortuite dans la plupart des cas. La disponibilité des séquences génomiques de plusieurs organismes a permis de caractériser de nombreuses protéines mais pas les gènes non traduits. Ainsi, les petits ARN non codants sont passés inaperçus dans ces programmes de recherche de phases ouvertes de lecture. A vrai dire, peu de groupes avaient conscience de l’énorme variété de fonction dont l’ARN peut faire preuve. Ce n’est que récemment, devant l’intérêt grandissant de la communauté scientifique envers les propriétés régulatrices des ARN, que différentes études ont eu pour but l’identification de petits ARN non codants que ce soit dans la levure S. cerevisiae [381] ou chez les mammifères [382]. Dans ce dernier cas, 201 nouveaux petits ARN non codants (ARNsnm) ont été caractérisés dans les cellules du cerveau de souris par purification sur gel des ARN de taille comprise entre 50 et 500 nts. L’expression de plus de la moitié a été testée par hybridation de type northern. Parmi les 201 ARNsnm, 113 correspondent à des snoRNA dont certains sont exprimés de façon tissu-spécifique. Finalement, 57 ARNsnm ne font pas partie de cette dernière classe et ne correspondent pas à des produits de dégradation d’ARNm. Ils représentent par conséquent de bons candidats pour de nouveaux riborégulateurs. Récemment, deux groupes différents ont identifié de nouveaux petits ARN non codants chez E. coli [383,384]. Ces deux groupes ont caractérisé respectivement 14 et 17 nouveaux petits ARN, certains étant retrouvés dans les

Conclusion Générale deux études. Par ailleurs, ceux-ci ont montré que l’expression de certains de ces ARN était induite lors de conditions particulières de croissance (choc thermique, croissance en milieu minimal et entrée des cellules en phase stationnaire de croissance). Cette observation, et celle que 8 parmi les 17 ARN sont reconnus par la protéine chaperone Hfq, les relie aux riborégulateurs DsrA et OxyS dont les modes d’action ont été décrits dans l’introduction de ce manuscrit. Que ce soit chez la levure, les mammifères ou les bactéries, l’étape suivante et nécessaire sera de déterminer la fonction de ces nouveaux ARN in vivo.

La comparaison des ARN caractérisés à ce jour en combinaison avec le grand nombre de séquences génomiques maintenant disponibles devrait permettre d’utiliser des outils informatiques pour la recherche de nouveaux riborégulateurs. Plusieurs ARN régulateurs bactériens sont courts et contiennent un terminateur de transcription ρ-indépendant à leur extrémité 3’. Ainsi, une approche pouvant s’avérer fructueuse est la recherche de séquence promotrices et de terminaison séparées par une centaine de nucléotides. Une autre caractéristique redondante d’un grand nombre d’antisens est la présence d’une structure en tige-boucle imparfaitement appariée, coiffée par une boucle contenant une séquence très conservée de type 5’-YUNR-3’. La recherche d’un tel motif dans les génomes disponibles devrait également permettre la caractérisation de nouveaux ARN antisens. Des approches plus globales de type transcriptome et protéome devraient permettre de déterminer quels sont les gènes dont l’expression est sous leur contrôle.

Ainsi, si un monde « Tout ARN » a dû exister il y a plus de 3,5 milliards d’années, les années à venir seront inévitablement tournées vers l’étude de l’ARN et de ses multiples fonctions.