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Les nouveaux objectifs politiques et militaires : traverser ou non le 38 e parallèle?

CHAPITRE II – LA CONTRE-OFFENSIVE ONUSIENNE :

1. LA CONTRE-OFFENSIVE ONUSIENNE

1.2 Les nouveaux objectifs politiques et militaires : traverser ou non le 38 e parallèle?

Au début du mois d’octobre les forces combattant sous mandat de l’ONU atteignent leur but : le 38e parallèle. Des discussions s'enclenchent alors dans les cercles militaires et politique occidentaux, pour déterminer s’il faudrait ou non le traverser, et s’il y a lieu de pousser jusqu’au fleuve séparant la Corée de la Chine, le Yalu, ou d’instaurer une zone tampon afin de ne pas provoquer Pékin et l’URSS. Le Times et le New York Times relèvent les différents arguments et s’interrogent également sur les possibles réactions de la Chine communiste et de l’URSS, qui elle aussi partage une courte frontière avec la péninsule coréenne.

1.2.1 La traversée du parallèle : une nécessité?

Traverser ou non le parallèle? La question est à la fois politique et militaire, tant pour le

Times que le New York Times. Pour le quotidien britannique, une attaque rapide empêcherait les

Nord-Coréens de se regrouper et mettrait rapidement fin à la guerre. Toutefois, rappelle un éditorial du 30 septembre, la résolution du Conseil de Sécurité du 27 juin appelait les États membres à seulement repousser l’invasion nord-coréenne d’où elle était venue, soit le 38e parallèle17. Le New York Times de son côté souligne que l’avancée très rapide des soldats onusiens vers la frontière a pris les diplomates par surprise18, mais qu’il faudrait à tout prix éviter

16 Burton Kaufman, The Korean War…, op.cit., p. 78.

17 « Next Steps in Korea : Military Choice Before U.N. », The Times, no. 51 810 (30 septembre 1950), p. 4. 18 « 38o – and after : What Next in Korea », The New York Times, vol. 100, no. 33 853 (1er octobre 1950), p. E1.

de réunifier la Corée en traversant unilatéralement la frontière – toute artificielle soit-elle19. Des termes de cessez-le-feu jugés cléments devraient être proposés à la Corée du Nord avant de prendre une quelconque décision. S’ils sont rejetés, toutefois, les deux quotidiens s’entendent sur le fait que les forces de l’ONU doivent pouvoir traverser la frontière et empêcher les Nord- Coréens de se regrouper et se réarmer. D’autant plus que la restauration de la paix et de la sécurité dans la péninsule prévue dans la résolution nécessitent des garanties de Pyongyang, et que sa parole ne vaut pas beaucoup aux yeux de la plupart des membres des Nations Unies, selon le Times20.

L’absence de réponse du Nord aux appels de cessez-le-feu de MacArthur du début de mois d’octobre rend nécessaire une traversée du parallèle, selon le Times et le New York Times. La résolution présentée conjointement par la Grande-Bretagne et sept autres pays, qui stipule que la frontière établie au 38e parallèle est non naturelle et n’existe(ra) plus, est appuyée par des éditoriaux et articles des deux quotidiens21. La légitimité nécessaire a été donnée par les Nations Unies (47 votes en faveur, cinq contre, et sept abstentions), et la « ligne imaginaire » peut et doit être traversée afin d’assurer l’indépendance de la Corée.

En fait Washington donne à MacArthur l’ordre de traverser le 38e parallèle dès le 27 septembre, tout en s’assurant un soutien de l’Assemblée générale de l’ONU (les Soviétiques sont de retour au Conseil de Sécurité, et appliqueraient leur veto à une quelconque résolution). La Grande-Bretagne rédige une telle résolution, et la présente le 30 septembre22. Les forces sud-

19 James Reston, « Soviet Tries to Save what it Can in Korea », The New York Times, vol. 100, no. 33 853 (1er

octobre 1950), p. E3.

20 « Future of Korea », The Times, no. 51 807 (27 septembre 1950), p. 5.

21 « Imaginary Line », The New York Times, vol. 100, no. 33 856 (4 octobre 1950), p. 30; « Verdict of World

Opinion », The New York Times, vol. 100, no. 33 858 (6 octobre 1950), p. 26; « Proposals for Korea », The Times, no. 51 817 (5 octobre 1950), p. 7; « Final Stage in the Korean War », The New York Times, vol. 100, no. 33 860 (8 octobre 1950), p. E1; « War Aims in Korea : British Proposals Supported », The Times, no. 51 810 (30 septembre 1950), p. 4.

coréennes traversent les premières, le 1er octobre, et les forces onusiennes suivent une semaine plus tard23.

1.2.2 « The Four Months War » : la presse et la fin du conflit

À la fois le Times et le New York Times ne doutent pas que la guerre sera très bientôt terminée, à condition que les opérations militaires soient suffisamment rapides. Si ce n’est pas le cas, la Chine et l’URSS seraient tentées d’intervenir ou de réarmer les restes de l’armée nord- coréenne, souligne un éditorial du Times le 19 octobre24. Cette armée est cependant en fuite, et les combats seront à coup sûr bientôt terminés25. Un autre éditorial encore se demande pourquoi le régime de Pyongyang n’a pas répondu aux demandes de cessez-le-feu de MacArthur, mais « the silence of the North Koreans during the past week may have to be taken as their answer »26, et un dernier éditorial publié le 28 octobre parle de la fin des opérations de grande envergure en Corée : l’armée est supposée battue, et il ne reste plus que des guérillas isolées27. Celles-ci pourraient poser problème, mais la défaite du régime communiste est totale et l’armée sud- coréenne sort de ce conflit grandement renforcée et beaucoup plus professionnelle. Les auteurs de ces éditoriaux semblent ignorer totalement que, depuis le 19 octobre, des combattants chinois ont commencé à traverser le Yalu. Les combats débutent à partir du 2528.

Le New York Times abonde dans le même sens en avançant que l’armée nord-coréenne a perdu au moins 200 000 combattants, dans un article publié le 15 octobre, face aux 175 000 soldats sous le drapeau des Nations Unies appuyés par une flotte et une aviation dont les Nord-

23 William Stueck, Rethinking the Korean War…, op.cit., p. 89. 24 « American Policy », The Times, no. 51 826 (19 octobre 1950), p. 5.

25 « Next Steps in Korea : Military Choice Before U.N. », The Times, no. 51 810 (30 septembre 1950), p. 4. 26 « Accross the Parallel », The Times, no. 51 817 (9 octobre 1950), p. 5.

27 « Guerrillas in Korea », The Times, no. 51 834 (28 octobre 1950), p. 7. 28 Niu Jun, « The birth of the People’s Republic of China… », op.cit., p. 241.

Coréens sont totalement dépourvus29. Lindesay Parrott, dans le même numéro, ne croit pas à la possibilité d’un éventuel sauvetage de la Corée du Nord par la Chine ou l’Union soviétique : il y a quelques mois une telle intervention aurait été utile, mais maintenant un assaut devrait être massif et rapide – trop rapide, suppose-t-il30. Déjà la guerre est qualifiée de « Four Months

War »31 : l’armée nord-coréenne – du moins ce qu’il en reste – est en fuite vers le Yalu ou les montagnes du Nord, tout comme Kim Il-Sung et les autres dirigeants. La capitale, Pyongyang, est tombée le 20 octobre après à peine une journée de combats. La victoire semble acquise, et déjà l'ONU bénéficie désormais d'un grand prestige32.

Tant le Times que le New York Times, donc, prédisent une fin très rapide du conflit, et ce malgré une certaine incertitude quant à une hypothétique intervention chinoise ou soviétique. L'historien Chen Jian avance que le Parti communiste chinois jonglait avec l’idée d’une possible participation à la guerre de Corée, mais qu’au cours de l’été la nécessité d'une telle participation aurait été difficile à démontrer et faire accepter à la population, notamment en raison des succès nord-coréens. C’est le débarquement d’Incheon qui aurait précipité quelque peu les préparatifs, toujours selon Jian33.