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COMMENT LA NOURRICE FAIT LA RESPONSE DE PIERRE A LA BELLE

Dans le document LA BELLE MAGUELONNE (Page 28-31)

MAGUELONNE.

La nourrice partant soy de Pierre joyeusement, car elle avoit parlé avec luy a son plaisir, disoit en soy mesmes que vraiement, bien estoit vrai ce que Maguelonne disoit que cestuy chevalier devoit estre de grant lignage, car il estoit plein de tout honneur et sagesse. Et ainsi pensant s’en vint en la chambre de la douce Maguelonne, laquelle l’attendoit en grant affection et luy alla conter tout le parlement qu’elle avoit eu avec le cheva-lier et luy présenta l’annel que Pierre luy avoit donné.

Quant Maguelonne ouyt la douce response du chevalier et vit la beauté et richesse de l’annel, dit a sa nourrice en souspi-rant : « Ma chere nourrice, ne vous avoie je pas bien dit que ces-tuy chevalier devoit estre de haute noblesse. Certes mon cueur le sentoit et le celer qu’il en faisoit me donnoit matiere qu’il es-toit tel. Pensez, ma chere nourrice, que cestuy annel n’est pas bague de bas homme, pourquoy je vous dis que ma fortune est ceste cy et ne peut estre autrement, car cestuy je veux et cestuy desire et aime, et jamais autre n’auray. Car mon cueur et mon entendement a esté en luy depuis que je le vis la premiere fois, et cogneu pour quoy seulement estoit cy venu. Et puis qu’il dit qu’il est de grant parenté et noble, je suis seure qu’il est venu icy pour moy et say qu’il est le meilleur chevalier et le plus bel du monde. Ne seroie je pas bien cruelle si je ne l’aimoie. Devant puisse je mourir a douleur que je le mette en oubly et le laisse pour un autre. Pourquoy, ma chere nourrice, je vous prie que vous luy fassiez savoir ma volenté. Et me donnez en cecy, si vous m’aimez, le meilleur conseil que vous pourrez. Et pour alleger aucunement ma douleur je vous prie que vous me laissiez l’annel, car grant plaisir ay de le voir et tenir. »

Quant la nourrice ouyt ainsi parler Maguelonne, qui si tost vouloit descouvrir sa volenté, fut fort doulente et luy dit : « Ma noble dame et ma douce fille, je vons prie que vous ne mettez tout ce propos en vostre cueur, car mechante chose seroit que tant noble dame et si belle fille comme vous estes abandonnast si tost s’amour a un estranger. »

Quant Maguelonne ouyt cecy ne la put plus escouter, mais toute courroucée dit a sa nourrice : « Ne le nommez plus es-tranger, car cestuy est mon seigneur et non autre. Pourquoy n’est pas a moy estranger, ne au monde je n’ay plus chere per-sonne que luy, car je suis toute sienne que jamais homme ne me muera de cestuy propos, pourquoy je vous prie que jamais ne me veuillez dire semblables paroles si vous voulez avoir m’amour et ma grace. »

Et lors la nourrice, regardant sa volenté, ne la voulut plus contrarier mais luy dit : « Ma chere dame et fille, je ne le dis si non pour vostre honneur, car les choses qui se font par volenté hastive et par desordonnement n’est pas honneur a celuy qui les fait ne son tant prisées de ceux qui les entendent. Je vous loue bien que vous l’aimez, car certes il en est digne, mais que vous le faciez honorablement comme se doit faire. Et si vous le voulez ainsi faire, belle Maguelonne, ne vous doubtez, car je vous don-neray le meilleur conseil et aide que je pourray et si ay espe-rance en dieu qu’il se trouvera bon remede. » Et quant Mague-lonne ouyt ainsi les bonnes paroles de sa nourrice, un petit se refraignit et luy dit : « Ma chere nourrice, je vous croiray et fe-ray tout ce que vous me conseillerez. »

Celle nuyt dormit la douce Maguelonne en son lit avec son annel, lequel souventesfois baisoit par grant amour, mandant son cueur souvent en peine de doux souspirs a Pierre son désir, jusques a ce que la plus grant partie de la nuit fust passée et force la contraignit de dormir. Et quant elle fut endormie elle al-la faire un tel songe qu’il luy sembloit qu’elle et Pierre estoient tous seuls en un jardin et elle disoit a Pierre : « Je vous prie que

vous me dites pour le bien que vous me voulez de quel pays vous estes et de quelles gens, car je vous aime sur tous les hommes du monde et je voudroie savoir qui est le chevalier qui a m’amour et de quel pays il est. » Et luy sembloit que Pierre luy respondoit : « Noble pucelle Maguelonne, il n’est pas encore heure que je le vous die et vous prie qu’il vous plaise le suppor-ter de ne le savoir quant a present, car vous le saurez en bref. » Et luy sembloit que Pierre luy donnoit un moult bel annel, plus riche que n’estoit celluy que luy avoit apporté sa nourrice.

Ainsi estoit dormant la douce Maguelonne en grant plaisir jusques a ce qu’il fust jour. Et quant elle s’esveilla conta a sa nourrice tout son songe, laquelle cogneut que ceste fille avoit mis cestuy jeune chevalier en son esprit et en son cueur et qu’elle y avoit mis s’amour, et pour ce elle la confortoit en douces paroles le mieux qu’elle pouvoit.

COMMENT PIERRE RACONTE A LA

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