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CHAPITRE I POPULATION CIBLE : BESOINS ET CARACTERISTIQUES

III. L A NOTION DE FRAGILITE

III.2. Notre définition

Un examen de la littérature sur la fragilité a révélé qu’actuellement il n’y a aucun consensus concernant la signification et l’utilisation du terme de fragilité [48]. De plus, il n’y a pas de directives conceptuelles pour établir les critères pour décrire un sujet donné comme fragile. Ainsi, nous croyons qu’il est nécessaire de développer une définition et un cadre conceptuel qui peuvent aider à comprendre la nature et les facteurs (ou déterminants) de la fragilité, ce cadre peut fournir une méthode de discussion de la fragilité selon les paramètres (ou les facteurs) établis. Nous avons besoin d’une approche alternative qui incorpore les concepts clés qui manquent dans les modèles et les définitions actuelles. Afin de favoriser une meilleure compréhension des causes, des conséquences et de la trajectoire de la fragilité par des termes compréhensibles par les non professionnels de santé, et afin d’accroître la qualité de vie des personnes à risques de devenir fragiles par la création des nouvelles technologies qui répondent à leurs besoins réels et anticipés, nous avons essayé d’élaborer notre propre définition de la fragilité.

Nous comprenons par le terme fragile :

«Les personnes fragiles sont les personnes qui peuvent assurer leurs activités

quotidiennes d’une façon autonome,, mais en courant des risques pour leur propre santé

ou pour leur entourage».

Nous désignons par les activités quotidiennes les activités nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux de tout être humain. Pour cela nous nous en tiendrons aux besoins décrits par Virginia Henderson déjà cités ci-dessus. La satisfaction de tous ces besoins permet à la personne d'être complètement indépendante ; un besoin non satisfait peut mener à une sorte de fragilité. Il s'agit donc de la capacité de se rendre aux toilettes, de s'alimenter, de se vêtir, de prendre soin de soi, de se laver, de se déplacer (voiture, à pieds), faire les courses, de pouvoir communiquer à distance (utilisation des moyens de communication), d'assumer la responsabilité habituelle pour la prise des médicaments et pour la gestion de son budget [42].

Nous ne considérons pas que la fragilité soit en évolution permanente comme le font beaucoup de modèles de la littérature. Nous croyons que la fragilité n’est pas forcément liée à l’âge, un enfant enrhumé se classe comme étant fragile pendant le temps de sa maladie [41]. Le déclin cognitif ainsi que les symptômes de dépression pourraient également faire partie des composantes de fragilité surtout que la dépression est la cause majeure de suicide chez les personnes âgées [49]. D’autres composantes doivent être considérées telles que l’isolement social. Selon des études sur le vieillissement, il y aurait un lien entre certaines habitudes de vie (par exemple : exercice, alimentation, éducation, statut socio-économique, activités sociales et intellectuelles) et l’apparition de la fragilité. Grâce à ces résultats de recherche, des interventions pourront être mises en œuvre afin de promouvoir le vieillissement sain, diminuer l’incidence de la fragilité, retarder son apparition et/ou réduire la durée de la période de dépendance en élaborant de nouveaux outils adaptés aux besoins spécifiques de ces personnes.

III.2.1.Les indicateurs de fragilité

Pour nous, les facteurs psychologiques, biologiques, sociaux, cognitifs et environnementaux constituent les déterminants de la fragilité. Pour déterminer les facteurs de protection qui influencent l’apparition et la progression de la fragilité, il faut considérer à la fois les facteurs présents durant la jeunesse et ceux qui surviennent à un âge plus avancé. Le profil d’un sujet à un instant donné t est déterminé par l'ensemble des Facteurs de fragilité Fk, k=1,…,7,tel que Fk = s et :

• F1= Critères liés à la sénescence physiologique

La sénescence selon le grand dictionnaire [50] est l’état de vieillissement normal entraîné par l'avancée en âge d'un organisme. Bien que les termes «aging», «ageing» et «vieillissement» soient parfois employés comme synonymes de « sénescence », ils comportent une idée d'évolution, et devraient en ce sens être utilisés pour désigner le processus de vieillissement, alors que « sénescence » (et son équivalent anglais) désignent plutôt l'état qui résulte du processus de vieillissement. La sénescence désigne les changements qui apparaissent avec le passage du temps dans les structures anatomiques, les changements physiologiques et psychologiques en l’absence de maladie [27]. Elle comporte entre autres :

o La modification des facultés affectées au vieillissement : diminution de vitesse de réaction, diminution de la capacité à se concentrer, diminution de l'acuité sensorielle (ouïe, vision…), baisse de la capacité d'accomplir les tâches de la vie courante augmentation, de sensation de fatigue et augmentation de pertes cognitives.

o La présence de troubles mentaux : par exemple, l’attitude excessive et caractérielle d’une personne face à l’entourage lors de situations banales de la vie quotidienne.

o La présence de douleurs.

o Les troubles du comportement : contrôle de soi-même, instabilité ou altération de l'équilibre ce qui cause les chutes et qui confine à l'immobilité et la dépendance, lenteur de la marche.

o Les comportements alimentaires défavorables de la personne âgée : carence alimentaire, alimentation déséquilibrée, non respect du rythme de repas, perte d'appétit, aliments contre-indiqués.

• F2 = Critères personnels

o Présence d'un comportement à risque : abus d'alcool, tabagie, situation dangereuse (ex : ne pas prendre en compte son âge).

o Faiblesse dans la formation : niveau de vie familial, façon de s'habiller (talons…), niveau d’éducation (brevet élémentaire, illettré…)

o Rupture des habitudes de vie : événement impromptu, éloigné des habitudes.

o Incapacité de se déplacer hors de la maison : incapacité de conduire.

• F3= Critères liés à la santé

o Présence de certaines pathologies et/ou présence d'un handicap : Alzheimer, Parkinson, dextérité, Sarcopenia, ostéoporose, hypotension orthostatique,

arthrite, arthrose, fracture de la hanche, insuffisance rénale, accidents cérébraux vasculaires, maladies chroniques, dépression…)

o Variations brusques de certains paramètres physiologiques stables : tension artérielle, perte de poids involontaire remarquable...

o Rétrécissement du domaine de variation des paramètres normalement variables : la fréquence cardiaque qui ne s'adapte pas à l'effort…

o Risques d'intoxication médicamenteuse : problème de polymédication, problème de surmédication, effets secondaires néfastes.

o Consultation et hospitalisations régulières : surveillance, check-up, radiographies, traitements lourds.

o Risques post-hospitalisation : suite à certains événements médicaux, suite à une intervention chirurgicale, soins infirmiers.

• F4= Critères relatifs à la sénescence psychique

o Présence d'un sentiment d'isolement, d'abandon.

o Présence d’un sentiment de solitude et d’ennui.

o Présence d'un sentiment d'angoisse, de crainte et de peur.

• F5 = Critères relatifs à l'habitat

o Habitat Isolé.

o Habitat inadapté : habitat mal équipé, mal organisé, ayant une mauvaise architecture.

o Situation de la maison : quartier dangereux, quartier riche, quartier insalubre.

• F6 = Critères liés à l'entourage

o Évènements perturbateurs : deuils, séparation, échecs, etc.

o État familial : le degré d’isolement familial (veuvage, célibat, etc).

o Soutien social.

o Moyen de communication : communication interpersonnelle, conditions environnementales favorisant les déplacements.

• F7= Critères saisonniers

o La saison : par exemple, certaines personnes âgées se sentent moins bien en hiver qu’en été

o L'heure de la journée.

o Conditions atmosphériques : la chaleur et le froid.

Les critères environnementaux, sociaux et relationnels sont à prendre en compte autant que les critères pathologiques tels que les états dépressifs, la dénutrition ou les maladies organiques pour expliquer la fragilité au cours du vieillissement. Ces critères sont liés généralement entre eux et ne sont pas indépendants l'un de l'autre. Par exemple la réduction de la capacité de déplacement de la personne peut conduire à une augmentation du sentiment d'isolement, la réduction de l'autonomie et la baisse de la qualité de vie de la personne.

La présence d'un ou de plusieurs facteurs de fragilité rend la personne peu autonome ou bien à risque de perdre son autonomie et les deux cas peuvent conduire soit à une fragilité temporaire soit à une fragilité permanente. La fragilité peut être temporaire, comme elle apparaît parfois après une sérieuse maladie, une opération, la perte d’un être cher, ou d’autres [38]. Elle peut être aussi permanente (présence de maladies chroniques, insuffisance rénale…) mais la personne peut devenir moins fragile parfois ou très fragile d’autres fois (Figure 2).

Figure 2 Les différents états de l'autonomie.

Evidemment, au niveau individuel, les facteurs de fragilité n’ont pas la même importance. Les facteurs ne sont pas indépendants. Comme c’est déjà cité dans [37], tout est dépendant de tout dans un organisme complexe. Dès lors, n’importe quel changement d’un sous-système peut affecter les autres. Par exemple, un problème de vision peut être engendré par plusieurs causes. Il peut indiquer des problèmes plus sérieux (par ex. diabètes, attaque d’apoplexie, etc). Ce découpage permet de mieux préciser les besoins et de préciser des stratégies préventives. Par exemple, une personne qui présente une fragilité au niveau des indicateurs de la santé et/ou de sénescence, aura besoin de télésurveillance du point de vue de la santé et d'une aide si elle souhaite rester chez elle.

III.2.2.Synthèse

La fragilité est un concept difficile à cerner. Notre première contribution est de mettre ensemble toutes ses facettes en un modèle unifié, simplifié, non exhaustif mais suffisant pour alimenter et instruire le processus de conception d’un système d’aide qui envisage d’atténuer le sentiment de fragilité.

Cette thèse n’a pas pour objectif de fournir un modèle computationnel de la fragilité, surtout que dans la littérature, personne n’a pu jusqu’à maintenant créer un modèle général de fragilité. Les chercheurs ont encore de grandes difficultés à définir et préciser le terme fragile et le lient souvent à l’avancement en âge. Nous sommes conscients des limitations de notre étude, mais nous n’avons pas l’intention de créer un modèle clinique pour préciser et évaluer la fragilité, ni de créer un modèle de fragilité pour l’utiliser dans des stratégies de prévention de santé. La précision de la nature et du degré des liens entre les différents critères de fragilité ont besoin d’études plus approfondies par exemple des

modèles de régression comme dans [37]. En modifiant les facteurs de la fragilité ou en les maintenant, on peut intervenir sur la fragilité. Nous ne sommes pas des spécialistes dans le domaine pour intervenir sur les facteurs médicaux mais nous pouvons par nos compétences et par les progrès technologiques réalisés, améliorer les facteurs sociologiques et psychiques de ces personnes, ce qui leur permet de retarder la fragilité.

Il est clair que les recherches doivent se poursuivre pour une compréhension juste et approfondie de la fragilité sur les plans biologiques, cliniques, sociétaux et sociaux. Certaines questions clés doivent être étudiées davantage, notamment la différence entre la fragilité et le vieillissement, l’identification de ses caractéristiques, ses déterminants et sa pathophysiologie, les facteurs modulateurs de sa progression et l’interaction entre les facteurs d’ordre biologique, cognitif, psychologique et social.

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