C. Pollution du bassin de GGD
1. Notions générales sur les polluants
a. Définition de polluant chimique
Selon Ramade (2007), "constitue une pollution toute modification anthropogénique d'un
écosystème se traduisant par un changement de concentration des constituants chimiques
naturels, ou résultant de l'introduction de substances chimiques artificielles ; toute perturbation
du flux de l'énergie, de l'intensité des rayonnements, de la circulation de la matière ; toute
altération d'une biocénose naturelle provoquée par une modification due à l'homme de
l'abondance de certaines de ses espèces ou à la pullulation d'espèces exotiques introduites dans
des habitats éloignés de leur aire d'origine". Le terme de polluant regroupe donc un ensemble de
molécules de nature, d'action et de mode de dispersion variés. Du fait de la diversité des
molécules concernées (plus de 100 000 substances chimiques d’usage courant en Europe, voir
Figure 6
, page 34), il est impossible de faire un point exhaustif de l'état de contamination d'un
milieu (European Environment Agency, 2012). Ainsi nous nous concentrerons dans cette partie
sur les molécules les plus répandues dans le bassin de GGD et qui ont fait l'objet d'études
scientifiques.
Figure 6 : Proportion des plans d'eau classés en différents bassins versants touchés par les pressions de
pollution, pour (a) les rivières et les lacs et (b) les eaux côtières et de transition (EuropeanEnvironmentAgency,
2012).
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b. Notion de biodisponibilité d'un polluant
La notion de biodisponibilité décrit de nombreux procédés complexes, y compris le
transfert de masse et l'absorption de contaminants dans les organismes. Elle est déterminée par les
propriétés de la substance, du compartiment, la biologie des organismes et est également
influencée par les conditions climatiques. La fraction biodisponible d'un contaminant représente la
dose à partir de laquelle celui-ci pourra être intégré et/ou agir sur un organisme (Anderson and
Hillwalker, 2008).
Des millions de composés organiques naturels ou de synthèse ont été dispersés dans
l'environnement par la production de carburants, aliments, produits d'hygiène personnelle et
d'autres produits manufacturés. A l'instar des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAPs)
et des PolyChloroBiphényles (PCBs) au sein d'un même groupe de produits chimiques, l'étendue
des propriétés physico-chimiques est grande, de même que leur distribution dans l'environnement
et donc leur biodisponibilité.
La forme chimique, ou spéciation, des contaminants inorganiques joue un rôle majeur
dans leur biodisponibilité. Une propriété importante des métaux est leur capacité à se lier avec la
matière organique, les cations et anions dans les eaux, les sols et les sédiments (Anderson and
Hillwalker, 2008).
Dans les systèmes aquatiques, la fraction biodisponible est influencée par l'ensemble des
paramètres de l’environnement, tels que le pH, les anions, la température, la teneur en oxygène et
la teneur en carbone organique. Même le type de carbone organique, tels les acides fulviques et
humiques, l’humine, le kérogène, le charbon, la suie, et le noir de carbone, affectent la distribution
des contaminants et de la fraction biodisponible.
L'effet du temps sur la biodisponibilité d'un composé ne peut être négligé. Le
vieillissement d'un contaminant dans des environnements en phase solide (sols et sédiments)
modifie sa biodisponibilité. Les contaminants organiques et métalliques deviennent généralement
moins biodisponibles avec le processus de vieillissement, car ils diffusent ou sont absorbés
dans/sur les minéraux et matrices organiques dans les sols et les sédiments. Plus le contaminant
est en contact avec un substrat tel que de la matière organique, plus ces processus se produisent
aisément. Ainsi, à l'heure actuelle, la capacité de prévision des changements de biodisponibilité
est faible car elle dépend de l'évolution dans le temps du site considéré.
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c. Notions de bioconcentration, bioaccumulation et de bioamplification
Bioconcentration est définie comme la séparation d'un contaminant à partir de la phase
aqueuse dans un organisme. Cela se produit lorsque l'absorption est supérieure à l'élimination.
Une conséquence de stockage contaminant par un organisme est bioaccumulation (Gobas and
Morrison, 2000). La bioaccumulation est l'enrichissement net d'un organisme en contaminants par
rapport à sa présence dans l'environnement. C'est le résultat de l'ensemble des processus
d'absorption, par la respiration et l'alimentation, et de perte par excrétion, diffusion passive ou
transfert à la progéniture. Un contaminant absorbé par un organisme n'entraine pas nécessairement
une bioaccumulation dans celui-ci. L'organisme peut modifier le mélange de contaminant absorbé.
Certains contaminants sont conservés tandis que d'autres, généralement hydrosolubles, sont
éliminés (Borgå, 2013). Ce phénomène a été observé chez différentes espèces d'esturgeons à des
stades variés de développement et pour divers contaminants. Chez les juvéniles d'esturgeon
chinois Acipenser sinensis, l'exposition au plomb (Pb) a conduit à une accumulation de ce métal
dans la peau, les branchies et le foie (Feng et al., 2010). Chez cette même espèce, Peng et al.
(2012) ont montré une accumulation dans le cœur et un transfert dans les ovocytes d'un
insecticide (le déchlorane). Le zinc (Zn), le cuivre (Cu) et le manganèse (Mn) ont montré un
comportement similaire chez l'esturgeon perse Acipenser percicus (Mashroofeh et al., 2012). Il en
va de même pour l'esturgeon étoilé Acipenser stellatus et l'esturgeon beluga Huso huso avec le
cadmium (Cd), le Zn et le Pb (Mashroofeh et al., 2013).
Le terme de bioamplification est classiquement défini comme la condition pour laquelle la
concentration d'un contaminant dans un organisme est supérieure à la concentration de celui-ci
dans son alimentation quand la voie principale de contamination est l'alimentation. De façon
générale la bioamplification est facilitée quand le contaminant est particulièrement hydrophobe.
Ce phénomène a été étudié chez les juvéniles d'esturgeon blanc Acipenser transmontanus pour
lesquels une bioamplification du mercure et du méthyl-mercure a été montrée dans divers tissus
(Huang et al., 2012). A l'inverse, l'exposition d'esturgeons chinois Acipenser sinensis à
l'avermectin B1 par sons alimentation (insecticide naturel produit par les bactéries du genre
Streptomyces spp.) n'a pas montré de bioamplification (Shen et al., 2005).
d. Synergie, antagonisme et additivité
Les principes théoriques de synergie, d'antagonisme et d'additivité d'effets dans un
mélange de polluants sont aujourd'hui bien connus (Ferguson and Bingham, 1966). Selon le
principe d'additivité, la toxicité de plusieurs composés en cocktail serait identique à la somme de
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leur toxicité s’ils étaient seuls. L'antagonisme implique que la toxicité d'un composé en mélange
serait moindre que sa toxicité à lui seul. Enfin, la synergie signifierait que la toxicité d'un
composé en mélange augmente par rapport à sa toxicité s'il était seul (Verma et al., 1981).
Ces principes s'appliquent non seulement entre composés chimiques, mais également entre
les composés et certaines variables environnementales comme le pH, le température, la matière
organique ou encore la présence d'autres espèces biologiques (Burton Jr, 1991). Selon ce dernier
auteur, l'étude combinée des paramètres environnementaux est la façon la plus efficace
d'appréhender la toxicité d'un milieu à un instant donné.