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1. Les notions sous-jacentes au rôle des sociétés de capital-

1.2. La notion d’alliance stratégique retenue

Les alliances stratégiques font l’objet de nombreux travaux, principalement dans la littérature stratégique (Teece, 1986; Kogut, 1988; Gomez et al., 2001; Ingham et Mothe, 2003; Jaouen, 2006; Hoffmann, 2007; Lavie, 2007; Wang et Zajac, 2007). Selon Barney (2002), Barney et Hersterley (2006), une alliance stratégique existe à chaque fois que deux ou plus de deux organisations indépendantes coopèrent pour développer, produire ou vendre des produits ou des services3. Gulati (1995, pp. 620-621) rejoint la definition précédente en définissant l’alliance comme toute forme volontaire de cooperation inter-entreprises, impliquant l’échange ou le développement conjoint et incluant la contribution des partenaires sous forme de capitaux, de technologies ou d’actifs spécifiques.

Dans la littérature française, de façon plus restrictive, certains auteurs précisent que seules sont des alliances, les coopérations entre entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes (Mayrhofer, 2007, p. 126 ; Koenig, 2004, Ingham et Mothe, 2003, p. 4), par opposition aux partenariats qui concernent les accords entre entreprises non concurrentes, c’est- à-dire relevant de secteurs différents. Lehmann-Ortega et al. (2013 p. 470), cependant précisent que cette condition (que des entreprises soient concurrentes ou potentiellement concurrentes) « non nécessaire mais fréquemment vérifiée ».Les mêmes auteurs soulignent que les alliances sont souvent formalisées. Elles peuvent donner lieu, par exemple, à des participations croisées, à des accords commerciaux (ce qui est souvent le cas lors de relations client-fournisseur), à des contrats de licence, à la création d’une entité commune aux entreprises prenant part à l’alliance (on parle alors de joint-venture), à des contrats d’alliances (contrat librement rédigé entre les parties définissant les termes de l’alliance). Bien que cela semble moins courant au sein de la

3 Selon Barney et Hersterley (2006, p. 278), « A strategic alliance exists whenever two or more independent

littérature, une alliance stratégique n’exclut cependant pas le cas où la coopération est informelle (Elmuti et Kathawala, 2001, p. 205 ; Hellman et al., 1992 ; Lewis, 1990), ce qui fréquent lorsque l’objet de l’alliance consiste en l’échange de pratiques organisationnelles.

La question de recherche posée conduit à porter l’attention sur des alliances stratégiques spécifiques, à savoir, celles dont la formation implique au moins une entreprise accompagnée par CI. Il s’agit donc typiquement d’alliances comprenant au moins une jeune PME, non cotée en bourse, active dans un secteur innovant ou de haute technologie et accompagnée par CI. Se pose alors la question des spécificités de ce contexte. Les jeunes entreprises non cotées et innovantes sont habituellement caractérisées par (Nooteboom, 1993) :

- des investissements spécifiques en capital humain,

- un manque de ressources,

- l’omniprésence du dirigeant,

- des relations personnalisées avec l’environnement,

- un réseau d’entreprises qui est assimilable à celui du dirigeant,

- des connaissances tacites et des informations non formalisées,

- la présence d’incertitude en raison du contexte innovant et du stade précaire de développement dans lequel se trouvent ces entreprises.

En raison de ressources restreintes et d’une forte spécialisation, ces entreprises construisent généralement des réseaux qui leur permettent de se procurer à l’extérieur ce dont elles ont besoin. Des coopérations sous forme d’alliances leur semblent donc utiles. La littérature portant sur les alliances entre PME précise qu’entre ces dernières, la formalisation des alliances reste rare et que les modes de communication informels sont souvent privilégiés (Jaouen, 2006, p. 2). Les alliances sont donc plutôt de type informel et elles se justifient plus souvent et en premier lieu par le manque de ressources internes (Jaouen, 2006, p. 5 ; Puthod, 1995). La condition de concurrence - ou de potentielle concurrence - entre les partenaires de l’alliance, bien que souvent vérifiée, semble ne pas être systématiquement satisfaite dans le cadre d’alliances entre PME. Ainsi, Puthod (1996, p. 1) définit l’alliance entre PME comme « un moyen de partager des ressources rendues nécessaires pour le développement de la PME. » sans faire allusion à

la condition de concurrence. Jaouen (2006, p. 1) précise que l’alliance diffère d’une simple coopération inter-firme par son caractère stratégique. Il semble donc, en particulier pour les PME, que la concurrence ne soit pas une condition nécessaire pour qu’on puisse qualifier une coopération interfirmes d’alliance stratégique. Autrement dit, la notion d’alliance stratégique ne semble pas indissociable de la notion de « coopétition ».

Ainsi, en nous référant aux définitions posées notamment par Barney (2002), Barney et Hersterley (2006), Gulati (1995), ainsi qu’à la littérature française, plus proche de notre thématique, portant sur les alliances entre PME (Jaouen 2006, Puthod, 1996), nous considérons, au sein de ce travail, qu’une alliance est un accord de coopération conclu entre au moins deux entreprises indépendantes qui a pour objectif de créer un avantage mutuel. Elle permet une gestion commune d’actifs ainsi qu’une poursuite d’objectifs communs (Yin et Shanley, 2008, p. 473) tout en permettant aux entreprises de conserver leur autonomie en dehors de la relation d’alliance. L’alliance est qualifiée de stratégique si elle vise à obtenir un avantage concurrentiel et à créer de la valeur à long terme (Koenig, 1996). Ainsi, dans le cadre de relations d’alliances, les entreprises associent leurs ressources et savoir-faire afin d’atteindre des objectifs qui auraient été hors de leur portée, si elles avaient fait cavalier seul. Parmi les objectifs les plus cités, on retrouve :

- l’accès à des ressources complémentaires,

- la création de synergies,

- la réalisation d’effets d’échelles ou de champ (pour les domaines tels que la R&D),

- le transfert ou l’apprentissage de connaissances, le partage de risques,

- la conquête de nouveaux marchés (géographiques ou sectoriels),

- l’obtention d’une taille critique.

Une alliance permet donc le partage de risques et de coûts, mais également de gains, dans le cas d’une création conjointe de nouvelles compétences.

Des exemples courants d’alliances stratégiques peuvent être des relations entre entreprises permettant le développement conjoint de nouveaux produits ou services, le développement de relations client-fournisseur, le développement à l’international, la réduction de coûts, l’échange

de pratiques organisationnelles, par exemple, au niveau du système de contrôle interne, de l’utilisation d’outils de gestion, de la manière de divulguer des informations (Stinchcombe, 1965, p. 149), des méthodes d’approvisionnement et de livraison, des méthodes de production, etc.

Suivant les différents cadres théoriques mobilisés, la définition posée d’une alliance stratégique sera précisée à l’aune des caractéristiques spécifiques propres à la théorie. Cela a pour conséquence que le contenu de notre variable explicative « les SCI » diffère selon le cadre théorique retenu (Penrose, 1995, p. 10). Dans notre étude, nous mobiliserons les théories contractuelles, les théories cognitives ou les théories sociologiques des réseaux. Les premières comprennent la théorie des coûts de transaction et la théorie positive de l’agence. La théorie des coûts de transaction présente les alliances comme un mode hybride de gouvernance, se situant entre la hiérarchie et le marché et permettant de réduire les coûts de transaction (Williamson, 1991b, p. 271). La théorie de l’agence met l’accent sur les conflits d’intérêts et présente l’alliance comme un nœud de contrats permettant le maintien de l’équilibre des intérêts des parties contractantes à un moment donné (Jensen et Meckling, 1976, p. 310-311 ; Alchian et Demsetz, 1972, p. 779). Les théories cognitives qui englobent, elles aussi, différents cadres théoriques mettent notamment l’accent sur les ressources et compétences clés, inimitables, qui apportent un avantage concurrentiel. L’alliance est alors définie comme une coopération entre entreprises restant autonomes mais mettant en commun leurs ressources et compétences afin de développer une activité, de générer des synergies ou de permettre une croissance qu’elles n’auraient pu atteindre sans une telle coopération (par exemple Hoffmann, 2007, p. 829 ; Menguzzato-Boulard et al., 2003, p. 4 ; Persais, 2001, p. 12). Le concept de capital social permet de prendre en compte la structure de l’environnement social dans lequel sont incrustées les entreprises. La relation d’une entreprise avec son ou ses partenaires au sein d’une alliance représente alors une partie de son capital social (Hoffmann, 2007, p. 829). Cette relation constitue d’un côté une opportunité donnant accès à des ressources au-delà des frontières de l’entreprise (Uzzi, 1996, p. 675) et lui permettant simultanément d’atteindre une certaine légitimité face à son environnement externe. D’un autre côté, elle peut également représenter un frein au développement de l’entreprise (Uzzi, 1997, p. 35 ; Hoffmann, 2007, p. 830).

Mais quel peut-être le rôle d’une SCI dans la formation d’alliances ? Est-ce un phénomène répandu dans le contexte du CI ou cela ne concerne-t-il qu’une minorité des entreprises accompagnées par CI ? Avant de nous pencher sur ces questions, il peut être intéressant de se

rendre compte que le contexte spécifique du CI dans la formation d’alliances permet de distinguer certains types d’alliances.

Premièrement, nous distinguons les alliances intra des alliances extra. Deuxièmement, il est intéressant de noter une seconde différenciation possible des types d’alliances dans le domaine du CI qui est a priori spécifique au contexte français. Tel que nous l’avons présenté au point 1.1.2.2.2., il existe deux principales formes juridiques de véhicule d’investissement dans le domaine du CI français : les FCPR et les SA/SCR. Dans le cas où le véhicule d’investissement prend la forme d’un OPCVM, les investisseurs détenteurs de parts sont en principe indépendants de la société de gestion qui prend les décisions d’investissement. En revanche, dans le cas où le véhicule d’investissement prend la forme d’une société par actions, les actionnaires peuvent influer sur les prises de décisions. Une alliance peut ainsi être plus facilement formée entre une entreprise en participation auprès de la SCI et un actionnaire à la SCI. L’alliance peut alors être qualifiée de « verticale » par opposition aux alliances « horizontales » formées entre entreprises en participation auprès de la SCI (alliances intra) ou avec une entreprise externe à la SCI (alliances extra). Dans notre étude empirique, une SCI, SCI anonyme, présente de telles possibilités d’alliances.

Enfin, il est utile de clarifier un terme utilisé au cours de ce travail. Etant donné que nous nous intéressons au rôle d’une SCI dans la formation d’alliances pour les entreprises qu’elle accompagne, notre intérêt est particulièrement porté à la personne au sein de la SCI qui est en relation étroite avec les dirigeants des entreprises accompagnées. Nous considérons qu’il s’agit du directeur d’investissement aussi appelé directeur des participations. En pratique, il peut également s’agir d’un associé ou partner. Ces termes ne sont d’ailleurs pas utilisés de manière uniforme au sein des différentes SCI comme nous l’enseigne principalement notre enquête par questionnaire et les retours verbaux que nous avons eus lors de discussions téléphoniques avec, justement, des directeurs d’investissement ou de participations, associés ou partners. Au sein de ce travail, nous utilisons principalement les termes directeur de participations ou d’investissement de façon équivalente. Ces termes désignent toute personne au sein d’une SCI qui accompagne directement les dirigeants des entreprises en participation. Il peut donc s’agir notamment d’un associé ou partner.

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