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Vincent de gaulejac.

Travail, les raisons de la colère,

Paris, Seuil, col. Économie humaine, 2011 Vincent de Gaulejac a pour ambition, dans cet ouvrage, de comprendre et expliquer « les causes profondes du mal être au travail ». Si, comme le reconnaît bien volontiers l’auteur, les travaux sur ce thème commencent à abonder, il les estiment cependant trop segmentés, n’ap-portant ainsi que des réponses partielles aux questions posées. Selon lui, les causes du malaise ne peuvent être saisies que si l’on est capable de mettre en perspective quatre « registres », intriqués de manière complexe : « le registre macroéconomique » caractérisé par une « dis-jonction » entre une production toujours ancrée dans un territoire et la finance opérant sans contrôle ; « le registre politique et idéolo-gique, dominé par les théories néolibérales » ;

« le registre de la gouvernance des entreprises et des organisations toute acquise à la révo-lution managériale » ; « Le registre existentiel du côté des travailleurs » impuissants face à des mutations sur lesquelles ils n’ont pas de prise.

La méthode retenue pour atteindre cet objec-tif fort ambitieux est celle de la sociologie cli-nique qui consiste à aller « au plus près du vécu des acteurs » (p.15) pour ensuite « généraliser lorsque, au-delà de la singularité de chaque

cas, on retrouve des constantes, des invariants, des éléments communs et transversaux » car :

« chaque élément contient la totalité du sys-tème auquel il appartient ». Il ne s’agit pas seulement pour l’auteur de diagnostiquer les causes réelles du mal être, mais aussi de propo-ser pour l’éradiquer des solutions fondées sur la pertinence du diagnostic.

L’ouvrage est construit autour de trois parties d’importance à peu près égale, chacune d’elle étant divisée en chapitres assez courts (17) per-mettant à l’auteur d’évoquer un grand nombre de thèmes à la mesure de l’ampleur du sujet qu’il traite. En même temps, chacune de ces parties forme un tout relativement homogène, les liens des unes avec les autres n’étant pas tou-jours évidents.

La première partie « Le mal-être au travail, premiers constats » est consacrée, comme son titre l’indique, a une sorte de bilan de l’état des lieux. Après avoir analysé le travail comme « un phénomène sociopsychique total et contradic-toire », l’auteur décrit les mutations qu’il subit aujourd’hui au moyen des résultats de quelques sondages et de la seule enquête de 2005 sur les conditions de travail (Dares) le conduisant à affirmer, sans doute beaucoup trop rapide-ment, qu’en matière de travail, « la charge s’est

déplacée du registre physique au registre psy- 112

chique. »(p.41). La vague de suicide en 2009 chez France Télécom, chez Renault…, appa-raît ainsi comme le symptôme d’un malaise qu’on peine à nommer (violence, souffrance, risques psychosociaux) et dont le diagnostic et surtout les solutions préconisées donnent lieu à débats comme le montre l’analyse critique faite par l’auteur de quatre rapports rédigés entre 2005 et 2010 par des experts, des poli-tiques, des consultants et des chefs d’entreprise.

Les deux derniers chapitres de cette partie sont consacrés à des études de cas plus ou moins développées : France Télécom, Renault, IBM, PSA, la SNCF portant sur la manière dont les entreprises ont traité les cas de suicide ou prennent (mal) en charge la gestion des risques psychosociaux. Ces cas sont exposés à partir d’une analyse secondaire de données : rapports de l’inspection du travail ou des médecins du travail, document interne à l’entreprise, ou, très accessoirement, d’informations recueillies par l’auteur de manière anecdotique.

Alors que le secteur public ne peut arguer du prétexte de la concurrence, on y observe cependant un mal être au travail identique à celui constaté dans le secteur privé. La seconde partie de l’ouvrage est consacrée au « malaise dans les institutions publiques », malaise dû à l’importation dans ce secteur des méthodes de management appliquées dans les multina-tionales anglo-saxonnes, formalisées par les grands cabinets de consultants. Mis en pratique par les gouvernements Reagan et Thatcher le New Public Management s’est imposé à toutes les institutions internationales avant de deve-nir la doctrine exclusive de tous les gouverne-ments. Après avoir rapidement évoqué la théo-rie du capital humain et suggéré combien elle est sous-jacente au cadre conceptuel qui a pré-sidé à la mise en place de la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP), Vincent de Gaulejac dénonce les effets délétères de cette politique en prenant exemple sur la police, l’université et surtout le système hospitalier.

Il soulève, avec pertinence, l’écart croissant entre institution et organisation dans le secteur public, l’organisation contrainte par la RGPP ne permettant plus d’atteindre les normes ailleurs, la prise en compte du travail collectif.

On arrive, avec la dernière partie de l’ou-vrage, aux «sources du mal-être », déclinées en six chapitres qui reprennent en partie et en les spécifiant les thèmes évoqués au cours des deux parties précédentes. Les caractéris-tiques d’un capitalisme financier prédateur du travail ouvre la réflexion, illustré par la substi-tution du modèle Walmart au modèle fordien, modèle analysé superficiellement à partir d’un film et non, on le regrette, des nombreux écrits qui existent sur ce modèle et qui en donne une vision bien plus complexe que celle rete-nue par l’auteur. Sans que le lien soit vraiment fait avec les contraintes imposées par le capita-lisme financier si ce n’est sous le mode d’une co-occurrence, l’auteur s’attaque ensuite aux désordres dans l’organisation, désordres non pas induits, selon lui, par des dysfonctionnements, mais suscités par des modes de management qui les promeuvent (le chaos management) car : « les organisations hypermodernes sont dominées par une logique d’obsolescence. » (p.

231) Ces modes de management sont soute-nus par « un système de gestion paradoxant », imposant aux agents des contraintes contradic-toires d’autant plus déstabilisantes qu’il n’existe plus, au sein des organisations, d’instances de médiation. Ces modes impliquent donc un engagement total dans le travail associé à une autonomie de plus en plus contrôlée par des batteries d’indicateurs conçus de manière technocratique et mis en œuvre en temps réel grâce aux outils informatiques de traite-ment de l’information. Dans ce contexte, l’en-treprise propose un « imaginaire double, à la fois leurrant et moteur. Leurrant, parce qu’il fait croire qu’elle peut satisfaire les désirs de recon-naissance, de perfection, de toute puissance ; moteur parce qu’elle permet d’entreprendre, de s’investir dans des projets, des créations col-lectives, de réaliser des œuvres » (p. 286). Dans ce contexte également, les conflits, toujours présents, changent de forme, se traduisent plus

113 dans « des manifestations individualisées de souffrance » (p. 301) que sous celles des conflits collectifs traditionnels.

Dans sa conclusion, l’auteur propose quelques solutions pour sortir de cette situation qui conduit, selon lui, au désastre. Il faut ainsi mettre en place une nouvelle conception du management débarrassée de ses « dimen-sions utilitaristes, positivistes et objectivistes », concevoir l’entreprise « comme une com-munauté humaine, soumise aux lois de l’an-thropologie, plutôt que comme une unité fonctionnelle soumise aux principes de l’utili-tarisme »(p.313), rétablir la confiance en répar-tissant plus équitablement les profits, transfor-mer les managers en penseurs humanistes plus qu’en gestionnaires, en faire des médiateurs plus que des hiérarchiques, développer l’éco-nomie sociale et participative… Les moyens pour atteindre ces objectifs ? : « la révolte » politique « contre un système globalitaire ».

Cet ouvrage, écrit d’une plume alerte, se lit d’autant plus facilement que l’auteur a le sens de la formule qui vise juste. Sans doute écrit trop rapidement, il a le défaut de se positionner sur le registre quasi exclusif de l’affirmation plus que de la démonstration. L’ampleur des thèmes abordés interdit leur traitement approfondi et les données sur lesquelles s’appuient l’auteur pour étayer ses affirmations sont rarement justi-fiées autrement que par le fait qu’elles permet-tent d’illustrer le jugement exprimé par l’auteur.

Prenons un exemple parmi d’autres : les résultats d’un seul sondage TNS Sofres réalisé en 2009 suffit pour l’auteur à mettre « en évidence la crise du modèle managérial qui prône la récon-ciliation de l’homme et de l’entreprise » (p.46).

Ce même sondage tend à démontrer que les salariés ne font majoritairement pas confiance aux syndicats. Sur ce thème précisément, l’en-quête REPONSE réalisée par le ministère du Travail à trois reprises entre 1993 et 2005 fournit des informations fort différentes de celles produites par ce sondage. Elle montre au contraire une relation majoritairement positive des salariés envers les syndicats même si le doute subsiste quant à leur efficacité. Elle indique aussi que les salariés se tournent plus volontiers vers

leurs syndicats lorsqu’ils souhaitent obtenir des informations sur les salaires et l’emploi dans leur entreprise, vers l’encadrement de proximité pour ce qui concerne les conditions de travail.

Voilà qui propose une vision de l’encadrement intermédiaire qui s’apparente déjà à celle que l’auteur appelle de ses vœux, mais qui en dit long aussi sur les difficultés rencontrées par le syndicalisme à prendre en charge l’ensemble du spectre des problèmes rencontrés par les salariés.

Cette dernière question n’est jamais abordée par l’auteur qui, par ailleurs, dans ses propositions de réforme, n’accorde aucun rôle aux syndicats.

Mais en quoi seraient-ils encore utiles dans une entreprise exclusivement soumise « aux lois de l’anthropologie » (P. 312) au sein de laquelle les cadres de proximité auraient pour seule fonc-tion celle de médiafonc-tion ? L’auteur n’a pas tort de dénoncer les méfaits d’un capitalisme finan-cier exacerbé et des méthodes de gestion insup-portables observées dans certaines entreprises (toutes ?), il n’explique pas pourquoi la colère qui aurait tant de raisons de se manifester n’ex-plose pas même si elle « gronde ». Est-ce seule-ment parce qu’il lui manque une « expression politique » ? (p. 316)

Imputer la décision de la mise en œuvre de la RGPP à la seule influence du New Public Management et à l’emprise de l’idéologie ultra libérale est commode mais sans doute notoi-rement insuffisant pour identifier les causes et les mécanismes à l’œuvre dans ce proces-sus de rationalisation de l’État dont parle Max Weber. Sur cette question, les travaux d’Albert Ogien sur L’esprit gestionnaire1 restent une réfé-rence majeure si l’on veut comprendre L’air du temps. Peut-on se contenter d’affirmer, comme le fait Vincent de Gaulejac que « la finalité politique est désormais la gestion » et que les hommes politiques « ne cherchent plus à pen-ser la société, mais à la panpen-ser » ? « L’homme politique, naguère viril, audacieux et tout-puissant, se transforme désormais en manager contraint par de multiples procédures, obligé sans cesse de justifier ses actes et de réagir dans l’urgence en fonction des événements

média-1 Ogien Albert, L’esprit gestionnaire. Une analyse de l’air du temps, Paris, éd de l’EHESS, 1995

tiques » (p.265) qui vise à traduire de manière 114

imagée l’impuissance actuelle du politique est une phrase particulièrement redoutable dans sa formulation. On ose espérer qu’écrivant trop vite, l’auteur n’a pas pris la juste mesure de ses propos car il nous livre là le portrait idéal du parfait dictateur. Contrairement à l’auteur, on se réjouit donc de l’existence de ces procédures et de cette obligation de justifier de ses actes imposées au politique effectivement contraint de réagir dans l’urgence à des événements qui ne sont pas que médiatiques. On préfère suivre Albert Ogien lorsqu’il écrit : « Nous sommes condamnés à reconnaître que la rationalisa-tion du politique possède une caractéristique essentielle : celle d’être un processus, une ten-sion permanente entre ces deux dimenten-sions constitutives de l’activité de gouvernement que sont la décision et la gestion, la Raison et les ait une portée que la critique, si elle se prétend scientifique, soit fondée sur une analyse rigou-reuse des données.

« L’ambition de cet ouvrage est de montrer l’intrication permanente et indissociable de l’objectif et du subjectif, du personnel et du structurel, de l’existentiel et du social dans le rapport au travail » (p.17). Ce beau projet, dif-ficile et exigeant, qui pouvait être légitime-ment développé à partir de la perspective cli-nique préconisée par l’auteur est abandonné au profit de l’évocation d’une variété de thèmes traités à un niveau de généralité tel qu’ils en deviennent caricaturaux. Des questions essen-tielles sont totalement ignorées (l’articulation emploi/travail et le problème de l’emploi), ou à peine effleurées alors qu’elles mériteraient un développement conséquent. On pense ici, par exemple, aux transformations des institutions et de la loi au cœur de la réflexion d’Alain Supiot que l’auteur cite sans le suivre2. Les pro-positions de réforme hâtivement préconisées

2 Supiot Alain, L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Paris, Seuil, 2010

en conclusion laissent perplexe. Il est sympa-thique de vouloir transformer l’entreprise en une sorte de Club Med., exclusivement sou-cieuse du bien-être de ses salariés encadrés par de gentils médiateurs, de préconiser le modèle de l’économie sociale et solidaire ou le modèle coopératif comme alternatives au capitalisme financier… Il est peut-être nécessaire de « révi-ser fondamentalement la conception des études de gestion pour qu’elles redeviennent de vraies sciences, c’est-à-dire des outils de connaissance, et non des techniques au service d’un pouvoir soumis au système capitaliste et aux marchés financiers » (p.314). Mais ce ne sont pas que les études de gestion qu’il faut réviser dans ce cas ! Même si les thèmes abordés sont très impor-tants, ils sont traités de manière trop super-ficielle et insuffisamment articulés entre eux pour présenter une démonstration convain-cante, au-delà de quelques formules percutantes et d’un beau titre qui fait écho à celui de l’ou-vrage de Steinbeck (1939) Les raisins de la colère, reportage plus que roman sur les conséquences de « la grande dépression » de 1929 produite, déjà, par la première grande crise du capita-lisme financier.

Françoise Piotet Professeur émérite à l’université Paris I

Panthéon-Sorbonne

115 Maud simonet.

Le travail bénévole.

engagement citoyen ou travail gratuit ?,

Paris, La Dispute, 2010, 220 p.

Avec cette contribution à mi-chemin entre une sociologie de l’engagement bénévole et/

ou volontaire et une sociologie du travail, Maud Simonet propose une analyse qui par-ticipe à décloisonner ces deux univers trop souvent pensés indépendamment l’un de l’autre. D’emblée, le propos du livre est expli-cite : il s’agit d’analyser le travail bénévole et ses enjeux sociaux et politiques à la lumière d’émancipation des travailleurs » (p. 11). Pour répondre à cette question, l’auteure s’est appuyée sur de nombreuses enquêtes rela-tives au bénévolat et au volontariat ainsi que sur ses propres travaux au cours desquels ont été réalisés de nombreux entretiens auprès d’une multitude d’acteurs (bénévoles, volon-taires, dirigeants associatifs, politiques…) en France et aux Etats-Unis. On louera les vertus de cette approche comparative qui a le mérite d’éclairer les évolutions actuelles du monde associatif à partir d’histoires et de traditions sociales et politiques a priori fortes différentes.

Partant, dans une première partie, de l’analyse de plusieurs carrières bénévoles, l’auteure se demande pourquoi ce travail invisible n’est pas reconnu comme une forme de travail à part entière. S’il apparaît, dans une certaine accep-tion, que le bénévolat renvoie à une activité désintéressée, vocationnelle et exercée à titre gratuit, on peut cependant affirmer qu’avec l’entrecroisement des statuts et les fréquents passages de frontières entre travail rémunéré et travail bénévole, la forme « pure » du béné-volat semble bien relative. L’examen de ce que l’auteur appelle « la norme sociale » du bénévolat l’atteste. Qu’il s’agisse de la norme de la responsabilité communautaire invoquée

aux Etats-Unis ou de celle de l’utilité sociale mobilisée dans le cas français, il ressort que les pratiques bénévoles sont souvent investies d’un projet politique aux multiples facettes (remédier à la crise morale ou à la « question citoyenne », au chômage, au délitement du lien social…). D’ailleurs, en France comme aux Etats-Unis, comme le souligne la seconde par-tie de l’ouvrage, le travail bénévole demeure bien « une affaire d’Etat ». Largement financé par des fonds publics, le travail bénévole, sous couvert d’un discours sur l’engagement et la citoyenneté, est l’objet d’une importante instrumentalisation politique. Maud Simo-net note ainsi que la politique américaine du bénévolat, dans laquelle la majeure partie des citoyens engagés peuvent être considérés comme des travailleurs quasi ou semi-publics,

« construit un travailleur bénévole – ou volon-taire – bien éloigné de l’image de l’engage-ment local et spontané, individuel et privé, portée par l’héritage tocquevillien » (p. 105).

En France, l’institutionnalisation du travail bénévole s’est opérée à travers le débat sur la question d’un statut de travailleur bénévole qui s’est progressivement déplacé du bénévolat vers le volontariat à la fin des années 1990 ; le volontariat désignant ici une forme de (super) bénévolat, indemnisé, à temps plein et à durée déterminée pour laquelle il existe divers droits sociaux mais qui, dans tous les cas, n’est pas soumis au droit du travail. A l’instar des formes d’emplois expérimentées dans le secteur asso-ciatifs (TUC, CES, CEC et emplois-jeunes), la création fin 2010 du service civique ne fait pas l’unanimité chez les acteurs associatifs. Entre privé et public, entre un dispositif pensé pour les jeunes et un contrat pour les associations, le statut de volontaire devient une forme de sous-emploi, une alternative au travail dans les services publics fondée sur une politique d’emploi et d’insertion « déguisée » (p. 123).

Le tout participant à construire un travailleur associatif situé entre emploi et assistance, entre citoyenneté et insertion.

La dernière partie du livre consacrée aux usages associatifs du travail bénévole revient sur les bénévoles, leur travail et leurs

organi-sations. L’étude de la construction organisa- 116

tionnelle du travail bénévole et de la relation entre le bénévole et la structure dans laquelle il s’investit montre l’omniprésence d’une rhétorique et de pratiques managériales qui témoignent de la diffusion et de l’imposition d’un modèle issu de l’entreprise. De manière là encore très explicite, l’auteure démontre que désormais, comme dans n’importe quelle entreprise, il s’agit pour les associations de mettre en place les techniques permettant d’attirer, d’intégrer et de fidéliser les volon-taires (« entretiens d’embauche », procédures d’intégration, formations…)1. Si le rapproche-ment entre bénévolat et travail salarié est ici explicite, il demeure une différence de taille entre les deux pratiques puisque le bénévolat reste marqué par l’absence de lien de subor-dination, au sens juridique du terme. Cepen-dant, dans les faits, il existe ce que Maud Simonet nomme une « subordination inqua-lifiable » (p. 173) qui renvoie à un système de normes qui régule à la fois les conditions d’exécution du travail bénévole mais aussi les comportements des travailleurs qui l’exécu-tent. Cet univers n’est de fait pas exempt de tensions et il voit éclater des conflits entre la base et le siège des organisations. Les tra-vailleurs bénévoles peuvent tenter de s’organi-ser collectivement lorsqu’ils se sentent dépos-sédés de leur travail par leur direction. Si ce type de prise de parole demeure encore mar-ginale, il n’en pose pas moins la question de la représentation de ces travailleurs qui œuvrent pour certains à l’institutionnalisation de ce droit à la protestation collective et à la mise en place de contre-pouvoirs. Si aucun syndi-cat de bénévoles n’existe à jour, on notera la

tionnelle du travail bénévole et de la relation entre le bénévole et la structure dans laquelle il s’investit montre l’omniprésence d’une rhétorique et de pratiques managériales qui témoignent de la diffusion et de l’imposition d’un modèle issu de l’entreprise. De manière là encore très explicite, l’auteure démontre que désormais, comme dans n’importe quelle entreprise, il s’agit pour les associations de mettre en place les techniques permettant d’attirer, d’intégrer et de fidéliser les volon-taires (« entretiens d’embauche », procédures d’intégration, formations…)1. Si le rapproche-ment entre bénévolat et travail salarié est ici explicite, il demeure une différence de taille entre les deux pratiques puisque le bénévolat reste marqué par l’absence de lien de subor-dination, au sens juridique du terme. Cepen-dant, dans les faits, il existe ce que Maud Simonet nomme une « subordination inqua-lifiable » (p. 173) qui renvoie à un système de normes qui régule à la fois les conditions d’exécution du travail bénévole mais aussi les comportements des travailleurs qui l’exécu-tent. Cet univers n’est de fait pas exempt de tensions et il voit éclater des conflits entre la base et le siège des organisations. Les tra-vailleurs bénévoles peuvent tenter de s’organi-ser collectivement lorsqu’ils se sentent dépos-sédés de leur travail par leur direction. Si ce type de prise de parole demeure encore mar-ginale, il n’en pose pas moins la question de la représentation de ces travailleurs qui œuvrent pour certains à l’institutionnalisation de ce droit à la protestation collective et à la mise en place de contre-pouvoirs. Si aucun syndi-cat de bénévoles n’existe à jour, on notera la