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CHAPITRE VI. PRODUCTION DE L’HABITAT AMENAGE ET EFFICACITE DE L’URBANISATION

3. A NALYSE DE SYNTHESE SUR LES CRAL

3.2. Nos principales observations de terrain

3.2.1. Les caractéristiques des localisations des CRAL

Il ressort de notre analyse des CRAL qu’elles ne sont pas présentes sur l’ensemble du territoire urbain. En réalité, on les trouve dans la partie centrale de la ville et dans la zone périurbaine, mais pas dans la banlieue au sens où nous l’avons précédemment définie. Rappelons qu’il s’agit globalement d’une bande concentrique située entre 10 et 20 km du centre-ville.

La grille d’analyse des externalités urbaines peut être mobilisée afin de comprendre pourquoi les CRAL se développent dans le centre et dans la zone périurbaine et, pourquoi, elles évitent la banlieue. Le développement des CRAL dans la partie centrale de la ville tient aux multiples

avantages liés à la proximité du centre-ville (externalité positive de la proximité au centre). Sur la base des informations que nous avons pu rassembler sur la question du prix des logements et des terrains, il est manifeste que ces avantages sont capitalisés par les valeurs foncières et immobilières. Par contre, dans la zone périurbaine, le développement des CRAL s’explique plutôt par des aménités caractéristiques des périphéries, en particulier des densités relativement limitées et la présence d’espaces verts (limitation des externalités liées à la densité). Illustrons ici notre propos par l’exemple de la zone touristique de Kinkole à l’est de la ville. Au niveau des quartiers de la banlieue, nous ne trouvons ni les avantages associés à la proximité au centre, ni les avantages liés aux aménités périphériques. Avec la zone de la banlieue, nous trouvons des espaces où se conjuguent une forte pression foncière et l’absence de préoccupations urbanistiques dans l’histoire du peuplement et de l’urbanisation, ce qui conduit à des lieux de faible qualité résidentielle. En outre, vu les fortes densités d’occupation, l’accès au sol est difficile dans cette zone. De par son relief mouvementé, cette problématique est d’ailleurs particulièrement aiguë dans la partie ouest de la banlieue. Pour rappel, le chapitre IV a intégré une analyse des statuts morphologiques de trois communes périurbaines (Kimbanseke, Mont-Ngafula et N’sele). Grâce à cette analyse, nous avons attribué les statuts « urbain » ; « périurbain » et « rural » aux quartiers de ces parties de la ville en fonction du pourcentage de pixels correspondant à chaque statut morphologique pris sur toute l’étendue du quartier. Cette analyse morphologique a permis de déterminer que l’une des principales caractéristiques de l’habitat des zones périurbaines de Kinshasa est la juxtaposition de plusieurs types morphologiques. Vis-à-vis de ces traitements, la figure 6.7 ci- dessus montre que les CRAL périurbaines sont situées dans des zones à morphologie « urbaine », mais également dans des zones à morphologie « périurbaine ». Il ressort également de la figure 6.7 que les CRAL périphériques sont généralement situées le long des axes principaux, en lien bien sûr avec les conditions d’accessibilité.

3.2.2. Le phénomène de l’urbanisation induite

Nos travaux de terrain nous ont conduit à relever l’importance d’un phénomène que nous avons choisi de dénommer « urbanisation induite ». Nous entendons ici le fait que le développement des CRAL conduit à induire et à stimuler localement le développement de l’habitat populaire. Rappelons que, grâce à une logique de production foncière, l’une des caractéristiques principales des CRAL est de disposer des infrastructures de base. Cette production foncière est l’œuvre, soit de l’État à travers des structures spécialisées (ONL, OCA, OCI, etc.), soit de promoteurs privés et parapublics. Les CRAL récemment construites disposent très souvent d’un système propre ou public de production électrique ou d’eau pour alimenter les résidents, mais aussi ceux de leur voisinage plus ou moins immédiat. Ainsi, en réponse à la disponibilité des infrastructures, le développement de l’habitat populaire est dynamisé autour des CRAL. Cet habitat populaire à proximité des CRAL est mis en place sur des parcelles non aménagées. Cependant, grâce à diverses formes de branchements plus ou moins informels, les ménages proches bénéficient d’un accès bien meilleur à ces infrastructures que celui rencontré dans des localités complètement enclavées.

Le phénomène d’urbanisation induite a été observé dans différentes parties de la ville, et ce y compris pour les cités anciennes développées avant les années 2000. C’est le cas, par exemple, du Quartier Mama Mobutu construit autour de la Cité Mama Mobutu ou du Quartier Cité verte construit autour de la Cité Verte. Ces quartiers, à l’exception des toutes dernières extensions, sont raccordés aux réseaux d’eau et d’électricité de la ville et leurs parcelles sont généralement accessibles par des avenues asphaltées.

Nous avons observé un autre exemple d’urbanisation induite dans la localité de Mbenseke, en lien avec le développement de la Cité Millenium. Jusque récemment, cette localité de Mbenseke avait une morphologie majoritairement rurale. Ces dernières années, la construction de la Cité Millenium a entrainé un accroissement de la population dans toute la localité. Alors que la cité était encore en construction lors de notre passage en 2016, des

son site. Les populations avisées ont anticipé l’urbanisation en se positionnant pour bénéficier des commodités qui accompagnent la mise en place de la cité en question. Un agent immobilier rencontré sur les lieux nous a ainsi déclaré, je cite : « ce quartier avait encore l’air d’un village il y a seulement cinq ans, une fois que les populations ont appris que la construction de la cité avait démarrée, beaucoup sont venu s’installer ici ». Cette situation est en fait semblable à celles rencontrées du côté est de la ville, autour par exemple de la cité Mama Olive ou du village Venus. Plus globalement, le phénomène de l’urbanisation induite semble caractériser les différents sites de construction des cités modernes dans les zones périurbaines.

3.2.3. L’accentuation des pressions foncières et de l’éloignement au centre

Un autre phénomène mis en avant par nos investigations de terrain est celui de l’impact du développement des CRAL sur l’accentuation des pressions foncières. Illustrons notre propos par l’exemple de la CRAL Laurent Désiré Kabila situé dans la localité de Kinsuka (commune de Mont-Ngafula). Il y a moins de deux décennies, un terrain de dimensions de 20 m x 25 m s’y négociait aux alentours des 500 dollars américains. L’aménagement d’une cité moderne dans cette localité y a renforcé la demande de terrains (tyrannie de l’espace) et, en conséquence, a fortement accru les valeurs foncières. Actuellement, une parcelle de même dimension représente une valeur de 25 000 dollars américains. Cette augmentation des prix rend désormais impossible l’acquisition d’une parcelle par les populations pauvres qui sont, en conséquence, obligées de se déplacer vers des périphéries encore plus éloignées. La dispersion urbaine qui en résulte crée à son tour une tyrannie de la distance, qui se manifeste non seulement par l’éloignement au centre-ville, mais aussi par l’augmentation des coûts de déplacement exprimés en coût temporel et en coût financier. Dans cette perspective, le développement des CRAL apparaît comme une des causes des budgets-temps et des budgets financiers extrêmement élevés que nos enquêtes présentées au chapitre précédent ont permis d’objectiver.

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