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Niveaux, formes et mécanismes du dialogue social 18

2.3.1

Les formes de dialogue social

Il existe deux principales formes d’institutions où se déroule le dialogue social : les institutions permanentes et les institutions temporaires. Pour les institutions permanentes, la règle générale observée est que des lois vont orienter leurs structures, les principaux objectifs à poursuivre en plus de déterminer quels seront les participants. Lévesque et Mager (1995) soutiennent à ce propos que l’institutionnalisation de ces formes permanentes de dialogue entre acteurs a pour principal objectif de définir les règles du jeu de la concertation et les jeux de pouvoir. Ils ajoutent que les instances permanentes constituent une forme de coopération conflictuelle et de « recherche de nouveaux compromis entre acteurs et groupes sociaux qui se différencient aussi bien par leur allégeance idéologique que par leur position dans le

                                                                                                               

système de production » (Lévesque et Mager, 1995 : p.113). Au Québec, cette forme s’illustre par des institutions telles que la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) ou le Conseil consultatif sur le travail et la main-d’œuvre (CTTM).

Pour les institutions temporaires, ou comités « ad hoc », elles sont formées de façon ponctuelle pour résoudre un problème en particulier (Bélanger et Lamoureux, 1996). À titre d’exemple, un programme a été mis sur pied lors de la dernière crise économique en marge des travaux de la CPMT, le programme « SERRE », lequel visait à favoriser le maintien en emploi de travailleurs qui auraient normalement été mis à pied en raison des difficultés financières des entreprises qui les embauchaient. Ce programme, selon les données de la CPMT, a permis de sauver vingt-huit mille (28 000) emplois grâce à soixante-huit (68) millions de dollars en financement (site Internet de la CPMT, page consultée le 1er février

2011). Une fois la crise passée, le programme a été dissout et les acteurs en sont maintenant à l’étape des bilans.

2.3.2

Les niveaux du dialogue social

Selon Fashoyin (2004), le dialogue social peut se décliner en sept différents niveaux.

Le premier est le niveau international où s’opèrent les travaux du Bureau international du travail et de la Conférence internationale du travail. Le niveau continental ou européen englobe tous les travaux menés par des institutions qui regroupent des intervenants de différents pays compris sur un continent et particulièrement au niveau d’une zone de libre- échange. Un bon exemple serait celui de la Commission européenne en termes de dialogue social. Ce niveau peut s’aborder en termes d’institution transnationale, comme c’est le cas pour les comités d’entreprise européens (CEE) (Béthoux et Jobert, 2010). Le niveau régional, selon cette appellation, est relatif à des initiatives regroupant plusieurs régions telles que le MERCOSUR ou encore la CARICOM (regroupement de certains pays). Des niveaux plus traditionnels tels que le dialogue national, sectoriel (ou communautaire) et de l’entreprise terminent cette énumération.

Dans certains pays européens, le dialogue territorial fait référence à la concertation dont les activités se déroulent dans une région particulière ou un territoire donné (Béthoux et Jobert, 2010). Par contre, dans ce cadre, le territoire n’est pas défini de manière administrative, mais plutôt selon des réalités économiques, telles que les liens des entreprises avec les sous- traitants (Béthoux et Meixner, 2011). À ce niveau, les pouvoirs et l’autonomie que détiennent

les régions demeurent un élément important à considérer. Effectivement, le contexte politique de la place qu’occupe l’État central dans les prises de décisions par rapport au développement des régions influence grandement le dialogue territorial (Béthoux et Jobert, 2010).

Il convient d’ajouter que les niveaux traditionnels de concertation sont en pleine transformation, que les frontières sont constamment remises en question et que de nouveaux espaces sont créés simplement sur des préoccupations administratives, politiques ou économiques (Béthoux et Jobert, 2010). Les différents acteurs sont préoccupés par les formes du dialogue social et mettent beaucoup de pression afin de favoriser les formes qui leur conviennent le mieux. Dans cet esprit, il est primordial d’aborder la question du dialogue social territorial. Ce type de dialogue redéfinit les frontières administratives habituelles (Jobert, 2008). L’organisation des institutions se fait plus sur la base des « sites productifs où se regroupent des collectivités de travail juridiquement fragmentées, mais économiquement liées » (Bethoux et Meixner, 2011 : 7) que sur les frontières politiques habituelles. Ce type de dialogue est moins encadré par les lois que la négociation collective et les comités d’entreprises, par exemple, et se veut plus centré sur la volonté des parties présentes (Husson et Martin, 2010). Pour cette raison, les organisations de dialogue social territorial diffèrent de manière importante dans leurs procédures et les contenus étudiés, en fonction des territoires sur lesquels elles se trouvent.

Selon Ozaki et Rueda-Catry (2000 : 7), le dialogue européen serait l’un des plus complets par son caractère institutionnel sur différents niveaux, c’est-à-dire, « celui de l’entreprise, par l’intermédiaire des comités d’entreprise européens, celui des consultations sectorielles et des nouvelles négociations concernant l’adoption d’accords-cadres sectoriels au niveau européen dans l’agriculture et les transports, et un niveau interprofessionnel prévoyant des consultations tripartites sur une série de questions, notamment la politique macro- économique et une véritable négociation entre partenaires sociaux au niveau de l’Union. ». Au Québec, le dialogue social peut potentiellement se dérouler à plusieurs niveaux du système de relations industrielles : autant au niveau national, que sectoriel (méso), régional, local et celui de l’entreprise (Bélanger et Lévesque, 2001). Le niveau sectoriel demeure à ce jour un des niveaux le moins étudié avec le niveau local (Barré et Laroche, 2013). Ce fait est particulièrement ironique, compte tenu du fait que ce niveau est reconnu par les acteurs qui l’ont étudié comme étant celui où la concertation peut être particulièrement efficace compte

tenu d’une plus grande communauté d'intérêts entre les acteurs (Boivin et Gislain, 2010) et sa logique reposant sur des résultats mesurables directement sur les lieux de travail (Charest, 2003).

2.3.3

Les mécanismes de dialogue

Plusieurs types de mécanismes existent à différents niveaux du système de relations industrielles. D’abord, Bettache (2010) a répertorié quatre types de mécanismes au niveau de l’entreprise : les comités d’entreprise, les accords formels, les rencontres patronales- syndicales et le dialogue continu.

Les comités d’entreprise constituent souvent une forme permanente et institutionnalisée de dialogue qui porte sur des sujets précis, notamment les comités de formation, de santé et sécurité au travail ou de relations du travail. Les accords formels réfèrent aux ententes prises entre les parties, le plus souvent par écrit, et qui ont un caractère plus officiel. Les rencontres patronales-syndicales peuvent être de formes très variées. Effectivement, il n’y a pas de règles particulières qui encadrent ce genre de concertation entre les acteurs, ce qui en fait un type de dialogue pouvant s’établir sur une base régulière ou non, et pouvant avoir divers objectifs tels qu’informer, consulter ou même décider (Bettache, 2010). Le dialogue continu a pour sa part comme principal objectif d’inculquer une culture de dialogue en tout temps. Qu’il soit instauré par la convention collective ou non, ce type de dialogue est continu et permet une vision à long terme des relations patronales-syndicales au sein des organisations.

À un niveau régional et national se trouvent trois principales formes d’institutions de dialogue social. Premièrement, les partenaires patronaux et syndicaux doivent assurer une représentation au sein de conseils d’administration d’organismes publics. Ces acteurs sont alors contraints de conjuguer leurs responsabilités envers ces institutions tout en respectant les mandats confiés par leur propre organisation. Au Québec, la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST), la Commission des normes du travail (CNT), la Commission des droits de la personne et l'Office de la langue française font partie cette catégorie. Deuxièmement, les acteurs siègent au sein d’organismes consultatifs, l’exemple le plus connu étant le CCTM. Dans ce type d’institution, les positions adoptées doivent être le reflet de l’appui unanime des membres qui y siègent. Pour les participants, il s’agit du type de dialogue qui comporte le moins de risque d’être confronté à un conflit d’intérêts entre les objectifs de l’institution et leur rôle de représentation. L'importance d'avoir un bon encadrement des discussions est nécessaire afin d'arriver à des positions qui seront

acceptées par tous les participants. L'exemple du CCTM en est un très bon, en ce sens que cet organisme gouvernemental permet aux représentants des grandes associations patronales et syndicales du Québec de se réunir et de discuter sur les grands enjeux qui les touchent. Troisièmement, les institutions délibérantes, telles que la CPMT, qui se trouvent être à mi-chemin entre les deux autres formes décrites précédemment. Effectivement, les acteurs qui s'y retrouvent ont une obligation de résultat au plan moral, mais pas au plan juridique. Au Québec, ces instances ont souvent des mandats relativement précis au niveau de la teneur des discussions et des actions visées. Pour reprendre l'exemple de la CPMT, les mandats fixés sont en lien avec le maintien des emplois et la formation des travailleurs. Enfin, il est possible de classer les instances de dialogue social en fonction des structures qu’elles adoptent. Le gouvernement a en effet créé des organismes qui œuvrent soit dans une structure horizontale, soit dans une structure verticale (Boivin et Gislain, 2010). La première structure comprend les organismes qui ont pour objectif de démystifier les problématiques vécues par les acteurs sur le « terrain » pour orienter les pratiques gouvernementales au niveau national (exemple : le réseau de la Commission des partenaires du marché du travail et Emploi-Québec). Pour ce qui est de la structure verticale, elle représente les organismes de concertation qui visent certains secteurs de l'économie en particulier (exemple : comités sectoriels, projets Accord). Cette forme de dialogue est particulièrement décentralisée dans le système québécois.