• Aucun résultat trouvé

U NITE SYNDICALE , PLURALITE POLITIQUE

ÉVOLUTION DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE DE 1914 A 1974

5. U NITE SYNDICALE , PLURALITE POLITIQUE

En 1914, les paysans ne sont pas au pouvoir dans les campagnes. L’aristocratie et la bourgeoisie rurales utilisent les associations professionnelles qu’elles ont créées pour organiser les rapports entre la société globale et la paysannerie. Il faudra un demi-siècle pour que les agriculteurs de taille moyenne prennent leur place. L’histoire des organisations professionnelles paysannes apparaît ainsi comme l’histoire de la relève des notables. Tout au long de cette histoire, les forces politiques interviennent constamment. En fonction de leurs analyses globales, la droite agrarienne, les socialistes, les indépendants-paysans ou les gaullistes favoriseront le développement de certaines organisations et entraveront les possibilités d’expression et d’action de celles qui ne partagent pas leurs conceptions. Mais tous les paysans n’ont pas toujours admis et appliqué la règle du jeu. L’histoire du mouvement professionnel est aussi celle d’un mouvement social marqué par les révoltes et par des tentatives pour créer une autre société.

5.1. LA NAISSANCE DU MOUVEMENT PROFESSIONNEL

5.1.1. À l’aube des organisations professionnelles agricoles Les premiers syndicats professionnels

Le mouvement professionnel paysan français est né avec la Troisième République et la loi du 21 mars 188433 lui a donné une impulsion déterminante (Augé-Laribé, 1926, p. 38). Le premier mouvement syndical organisé et structuré a été l’œuvre de l’aristocratie terrienne et de la droite monarchiste. La Société des agriculteurs de France (SAF) présidée successivement par un ancien ministre des Affaires étrangères, Édouard Drouyn de Lhuys34, puis par les marquis de Dampierre35 et de Vogüé36, a créé en 1886 l’Union Centrale des Syndicats Agricoles pour coordonner l’action des syndicats dont elle avait encouragé le développement. C’était également une forme de contre-pouvoir politique et social, après les succès des républicains aux élections législatives de 1876 et

33 La loi du 21 mars 1884 relative à la création de syndicats professionnels, dite Loi Waldeck-Rousseau, est la première loi à autoriser les syndicats en France. Elle abroge la loi Le Chapelier, votée le 14 juin 1791, qui proscrivait les organisations ouvrières, et notamment les corporations de métiers, les rassemblements paysans et ouvriers, et le compagnonnage. Elle fait suite aux lois du Second Empire, de 1864, qui avaient supprimé le délit de coalition.

Elle intervient alors que la reprise du mouvement syndical est largement initiée après la répression de la commune de Paris. En 1881, on dénombre déjà 500 chambres syndicales. Des congrès ouvriers se réunissent à Paris en 1876, à Lyon en 1878 et à Marseille en 1879. Cette loi légalise donc un état de fait en stipulant que les personnes « exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions

connexes concourant à l’établissement de produits déterminés » pourraient, sans autorisation gouvernementale, se constituer en syndicats.

Ceux-ci doivent toutefois avoir « pour objet exclusif l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et

agricoles ». Il est à noter que la loi exclut les fonctionnaires et les agents de l’État. Elle va constituer le dispositif légal à partir duquel se

développeront les syndicats professionnels.

34 Édouard Drouyn de Lhuys, (1805-1881), diplomate et homme politique français. Il fut notamment ministre, député et sénateur.

35 Élie, marquis de Dampierre (1813-1896), député des Landes en 1848 et en 1871, il vota contre la constitution de 1875. Non réélu en 1876, il se consacra à l’agriculture et devint président de la Société des Agriculteurs de France, de 1878 à sa mort.

36 Charles-Jean-Melchior, comte puis marquis de Vogüé, (1829-1916). Archéologue et diplomate français. À partir de 1877, il présida la revue Le Correspondant. À la mort de son père, en 1877, il poursuivit ses travaux agricoles ; il présida la Société des agriculteurs de France (SAF) à partir de 1896. Il fut élu à l'Académie française en 1901.

1877. Le marquis René de La Tour-du-Pin37 expliquait que les syndicats agricoles devaient être « une contre-organisation à opposer à celle des influences sociales ».

De son côté, Gambetta38 affirma la volonté des républicains de ne pas sacrifier plus longtemps « les intérêts de la démocratie rurale à une coterie de hobereaux et de grands seigneurs ». Contre la Société des agriculteurs de France, les républicains créèrent en 1880 la Société nationale d’encouragement à l’agriculture (SNEA). L’année suivante, ils créèrent le ministère de l’Agriculture. Il s’agissait d’encadrer les paysans pour tous les actes de leur vie, par une administration unique et par un corps de fonctionnaires spécifiques. Conçu selon les mêmes principes que le ministère des Colonies, il devait assurer la fidélité des campagnes à la république. Les fonctionnaires et les subventions ont été les instruments de cette politique de clientèle.

Coopératives, Mutuelles et Caisses de crédit

Les républicains insistaient plus sur l’aspect économique de leur action que sur l’aspect moral. Le terrain syndical étant déjà occupé, ils créèrent essentiellement des coopératives, des mutuelles et des caisses de crédit. Mais en réalité les deux tendances remplissaient les mêmes fonctions. Le syndicat vendait des engrais et des polices d’assurance parce qu’il fallait rendre service aux agriculteurs (condition de leur adhésion) et « faire des affaires » (pour être prospère). La coopérative, de son côté, utilisait ses bénéfices pour fonder des œuvres de solidarité et diffuser la « bonne propagande ». Les dirigeants n’étaient pas les paysans, ils appartenaient aux classes moyennes des bourgs et des petites villes. Ils possédaient des propriétés rurales, mais étaient roturiers (bourgeois ; non nobles). C’était des médecins, des avocats, des vétérinaires…(Thabault, 1945).

Plus d’un agriculteur sur deux est concerné

À la veille de la guerre de 1914, le mouvement professionnel se caractérise par une opposition entre le syndicalisme des marquis et les organisations républicaines teintées de radicalisme. À Paris, la rue d’Athènes (des marquis) s’oppose à celle du boulevard Saint-Germain (des radicaux). Au village, les « blancs » du château et de la sacristie s’opposent aux « bleus » de l’école et de l’administration. La guerre ne change pas la donne. Au sortir de la guerre, l’Union centrale des syndicats agricoles rassemble 28 unions régionales, 4 000 syndicats et revendique 1 million d’adhérents, soit un agriculteur sur quatre. De son côté, le Crédit agricole réunit 300 000 sociétaires, la coopération 500 000 membres (répartis en 2 500 coopératives) et les caisses d’assurance se développent rapidement (elles sont plus de 16 000 en 1925). Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement professionnel paysan touche près d’un agriculteur sur deux.

37 François René de la Tour du Pin Chambly, marquis de la Charce, (1834–1924). Officier et homme politique, inspirateur en France du catholicisme social.

38 Léon Gambetta, (1838–1882). Homme politique et chef de l'opposition républicaine. Personnalité politique la plus importante des premières années de la Troisième République, il joua un rôle clé dans la pérennité du régime républicain français après la chute du Second Empire. Président de la Chambre des députés (1879-1881), président du Conseil et ministre des Affaires étrangères de 1881 à 1882.

5.1.2. L’unité conflictuelle Deux tendances bien marquées

L’opposition apparente à l’intérieur du mouvement professionnel paysan, peut-elle avoir la même signification en 1918 qu’en 1880 ? La tendance dite « de droite », encadrée par les grands propriétaires fonciers appartenant souvent à la noblesse, et la tendance dite « de gauche », encadrée par la bourgeoisie rurale, sont-elles toujours aussi opposées ? Depuis la fin du 19ème siècle, la république est acceptée. Beaucoup s’accommodent d’une république modérée, capable de défendre l’ordre établi, et respectueuse des hiérarchies traditionnelles. Et les nobles, qui président aux destinées des syndicats dans de nombreuses régions, ne peuvent plus espérer influencer les paysans en faveur d’un projet qui ne s’inscrit plus dans la réalité politique et sociale du pays.

Une unité de raison

Pour autant, la rivalité a-t-elle perdu tout fondement ? Ne repose-t-elle que sur des conflits d’états-majors ? En fait, après-guerre, le danger du marxisme rassemble les adversaires d’hier et institutionnalise l’union sacrée. Les dirigeants professionnels des deux camps affirment nécessaire de rassembler toutes les énergies au service d’une agriculture qui doit retrouver la première place dans la nation. Dans ce but, ils font taire leurs querelles et s’engagent à trouver un langage commun. Sous la présidence d’Émile Loubet39, s’ouvre à Paris le 30 juin 1919 le Congrès de l’agriculture française qui propose la création de la Confédération nationale des associations agricoles (CNAA). La division originelle est interprétée comme un accident de l’histoire. Pour l’avenir l’unité de la paysannerie doit prévaloir et se traduire par une unité de représentation auprès des pouvoirs d’État et des forces politiques et sociales. Mais dans la réalité, le boulevard Saint-Germain utilise la nouvelle organisation pour affaiblir la SAF et celle-ci affirme ne pas vouloir passer sous la coupe de la SNEA. Par conséquent, chacun garde son indépendance et refuse de déléguer à la Confédération les pouvoirs qui lui permettraient de remplir sa mission.

L’unité ! : Une coquille vide ?

Simple conférence périodique des délégués des organisations constitutives, la CNAA ne peut prendre aucune décision qui engage l’ensemble du mouvement professionnel paysan. Elle prépare des dossiers et présente des rapports intéressants aux congrès de l’agriculture, mais elle ne dispose d’aucun moyen d’intervention et ne peut donc ni agir ni négocier. Dès 1925, les organisations du boulevard Saint-Germain se retirent et la Confédération survit sans éclat jusqu’en 1936, sous la présidence d’un membre du Conseil d’État, assisté d’un sénateur président des chambres d’agriculture et du marquis de Vogüé, administrateur de nombreuses sociétés (SAF, Canal de Suez, Banque de France…). Cet échec peut s’expliquer par la médiocrité des moyens et la complexité de la

structure. Mais dans la réalité, la similitude du langage des dirigeants professionnels masque une vision différente de l’organisation sociale tant à la campagne que dans la société globale, engendrée par des idéologies agrariennes qui se concurrencent et qui ne sont pas réductibles l’une à l’autre. Deux visions de l’égalité et de la justice

Par exemple, lorsque l’aristocratie foncière défend la propriété de la terre, elle s’abrite derrière la propriété parcellaire pour garantir la conservation des structures agraires existantes ; elle affirme d’abord son propre droit à la possession. Par contre, pour les radicaux, la propriété de la terre doit libérer le paysan de la tutelle de l’aristocratie ; d’une façon plus générale, le courant radical considère que, puisque tous les hommes sont des citoyens égaux en valeur et en droit, pourquoi les séparer par des frontières entre statuts économiques et sociaux. Cette vision lui fait considérer que l’égalité sociale règne au sein de la paysannerie.

Cette vision correspond à la montée de la petite paysannerie propriétaire au lendemain de la Première Guerre mondiale et à la diminution du nombre des grands propriétaires. Pour les radicaux, la défense du « petit », de l’artisan, de « l’indépendant », correspond à la volonté de maintenir une classe de petits propriétaires représentant une source presque intarissable de suffrages. Les radicaux cherchent aussi à établir un lien entre la lutte de la paysannerie pour la terre et la lutte de la bourgeoisie pour liquider les séquelles de l’Ancien Régime. Évidemment, les dirigeants de la rue d’Athènes n’ont pas la même vision de l’égalité juridique et politique du monde paysan. Pour eux, le monde paysan est la base d’une communauté hiérarchisée, reposant sur l’héritage des biens, de la culture et du pouvoir. Unité de langage, mais dualité d’idéologie

Ainsi, les conflits fondamentaux qui divisent la société globale traversent toujours le mouvement professionnel paysan et déterminent ses structures. L’unité de langage (la défense du paysan soldat, du petit propriétaire familial, du travailleur infatigable, de l’épargnant modèle, du citoyen conservateur…) ne suffit pas à constituer une idéologie unique permettant d’élaborer une stratégie et de mettre en œuvre une politique. Si les uns puisent leur inspiration dans l’Encyclopédie et dans la Révolution française, et les autres se réfèrent à la Somme de saint Thomas d’Aquin ; si les idées égalitaires des uns s’opposent au patronage des humbles chez les autres ; tous s’opposent à ceux qui veulent bouleverser le monde au nom de l’idéal socialiste.

5.1.3. Les paysans, la politique et les syndicats Le monde paysan n’est pas homogène

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le monde paysan n’est pas homogène. Il est au contraire traversé de contradictions internes. Ainsi, au début du 20ème siècle, des syndicats agricoles de petits exploitants (en rupture avec la bourgeoisie rurale) se créent. La domination de la bourgeoisie

favorise l’émergence de ces syndicats petits paysans dont un certain nombre se reconnaît dans le combat des socialistes. 40

5.1.4. Les paysans et la politique ne font pas bon ménage La thèse socialiste de « la petite propriété paysanne »

Si, à l’origine, les guesdistes41 du parti ouvrier français sont favorables à l’appropriation collective du sol, ils changent d’orientation dès 1882 au congrès de Roanne. Loin de vouloir chasser le paysan de son lopin de terre, les socialistes affirment être les seuls défenseurs de la petite propriété paysanne. Dans un discours prononcé le 3 juillet 1897, devant la Chambre des députés, Jean Jaurès42

prononce une phrase qui éclaire l’attitude des socialistes français jusqu’à nos jours : « Entre la grande propriété et la petite propriété paysanne, il n’y a pas seulement une différence de degré, mais en quelque sorte une différence de nature, l’une étant une forme de capital, l’autre une forme de travail » (Journal officiel, 1897,

p. 1809).

Les socialistes distinguent les grands domaines –qui doivent être expropriés et dont la gestion sera confiée à des sections du syndicat des travailleurs ruraux de la commune– et l’exploitation familiale parcellaire –dont la possession sera garantie au paysan et protégée contre l’action des vrais spoliateurs : créanciers hypothécaires, spéculateurs, industries capitalistes…–. L’héritage de la terre est admis dans la mesure où le père transmet au fils « le moyen de vivre en travaillant sans exploiter les autres et sans être exploité par eux ». Le programme présenté par Adéodat Compère-Morel43 au printemps 1919 n’apporte aucune modification notable. Il approfondit et actualise les thèses de 1892 et de 1894. Au congrès de Tours, en décembre 1920, la très grande majorité des paysans membres de la SFIO se prononce pour l’adhésion à la Troisième Internationale (courant le plus révolutionnaire). Ce qui peut paraître surprenant, mais dans la mesure où le choix fait par la majorité des socialistes français traduit d’abord le refus de la guerre et une condamnation de la participation de leurs dirigeants à l’Union sacrée44, il est compréhensible que les paysans qui ont laissé tant de morts dans les tranchées optent pour le nouveau parti.

40 Pour une analyse plus approfondie, confer : Philippe Gratton, les Luttes de classes dans les campagnes, 1870-1921, Anthropos, 1971 ;

les Paysans français contre l’agrarisme, Maspero, 1972 ; Adéodat Compère-Morel, la Question agraire et le socialisme en France, M

Rivière, 1912, et le Socialisme et la Terre, Librairie populaire, 1928 ; Henri Pitaud, la Terre au Paysan, Éd. P. Bossuet, 1936 ; La

politique agraire du parti communiste français du congrès de Marseille (1921) à nos jours, Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, n°24,

4ème trimestre 1971.

41 Le guesdisme est la doctrine politique dominante au sein du socialisme français (Section française de l'Internationale ouvrière, SFIO) jusqu'en 1914. Le guesdisme tire son nom du leader socialiste Jules Guesde (1845-1922).

42 Jean Jaurès, (1859-1914). Homme politique français. Orateur et parlementaire socialiste, il s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale.

43 Adéodat Compère-Morel (1872-1941), est un homme politique, orateur et écrivain français. Il adhéra en 1891 au Parti ouvrier (devenu le Parti ouvrier français en 1893) puis au Parti socialiste de France (à la fusion de 1902) et à la SFIO (lors de la fusion de 1905). Au Congrès de Tours, en 1920, il refusa de suivre ses camarades qui partirent fonder le Parti communiste français et choisit de rester à la SFIO. Lorsque le quotidien L'Humanité se rallia au Parti communiste français en 1921, il prit la direction administrative, avec Léon Blum (qui assura la direction politique) du quotidien Le populaire (qui devint l'organe officiel de la SFIO). Au congrès de la SFIO de novembre 1933, il choisit d'adhérer au Parti socialiste de France-Union Jean Jaurès (PSdF) avec Marcel Déat, Adrien Marquet et Pierre Renaudel. Après l'effondrement de la France en juin 1940, il se rallia à la politique de collaboration du Maréchal Pétain avec l'Allemagne nazie.

44 L'Union sacrée est le nom donné au mouvement de rapprochement politique qui a soudé les Français de toutes tendances (politiques ou religieuses) lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

La thèse communiste de « la terre à ceux qui la travaillent »

Pour les communistes, la petite propriété sera à la fois conservée et absorbée par la collectivité communale ; la jouissance en sera individuelle. Tous les programmes ultérieurs auront, en toile de fond, le mot d’ordre « La terre à ceux qui la travaillent » sans que ses modalités soient toujours à nouveau précisées. Pour les socialistes, la petite propriété paysanne est légitime, mais sa disparition est inéluctable sous l’effet du progrès technique. Karl Marx45 dit d’ailleurs dans le Capital que l’agriculture parcellaire est incapable d’affronter la concurrence de la grande agriculture capitaliste. Pour les socialistes, l’industrialisation de l’agriculture est inévitable… et même souhaitable. Mais ils ne peuvent le formuler ainsi, car ils craignent d’être mal compris par l’électorat des campagnes. C’est pourquoi, ils limitent leurs analyses aux effets du capitalisme sur la petite exploitation.

Ébauche d’une politique agricole basée sur la coopération, le Crédit Mutuel et l’instruction

Constatant, après la guerre, que la concentration inéluctable des terres ne s’est pas produite, le Congrès de Marseille du PCF admet que « la petite propriété terrienne supporte fort bien la concurrence de la grande. Rien ne permet d’affirmer qu’elle sera absorbée, à une date même très lointaine ». Le parti, qui sait que le caractère du paysan français fait obstacle à ses thèses, espère que le développement de la production conduira au groupement en associations volontaires de producteurs. Du côté de la SFIO, dont la réflexion théorique s’interrompt jusqu’en 1936, les responsables abandonnent (dans les faits) l’analyse marxiste de la concentration et proclament l’efficacité économique de la petite agriculture. La coopération, le Crédit Mutuel, le développement de l’instruction doivent permettre aux paysans de se libérer de ses oppresseurs capitalistes. Accédant au pouvoir en 1936, les socialistes élaborent la première politique agricole d’ensemble qui tente de consolider l’exploitation familiale et d’organiser ses rapports avec le système économique global. Un empirisme parfois guidé par des préoccupations électorales

À l’affirmation de la spécificité absolue de la campagne face à la ville, credo des hommes de droite, les socialistes opposent une analyse économique globale qui nie ces spécificités. Si leur analyse permet de rendre compte de l’évolution du mouvement social dans son ensemble, ils éprouvent souvent des difficultés à définir la place de la paysannerie parcellaire dans cette évolution, et la théorie débouche quelquefois dans un empirisme guidé par des préoccupations électorales.

Entre les deux guerres, l’influence électorale de la SFIO et du PCF ne cesse de se développer. L’élection de 1936 ne marque pas une évolution du rapport de force entre la droite et la gauche, mais une mutation au sein de la coalition du Front populaire. « Une partie de la clientèle radicale s’est tournée vers le socialisme, particulièrement dans les régions d’agriculture pauvre comme le

Sud-45 Karl Heinrich Marx, (1818-1883). Philosophe, économiste, théoricien socialiste, et écrivain allemand. Connu pour sa conception matérialiste de l'histoire, sa description des rouages du capitalisme, et pour son activité révolutionnaire au sein des organisations ouvrières en Europe (il a notamment participé à l'Association internationale des travailleurs). Il eut une grande influence sur le développement ultérieur de la sociologie.

ouest durement atteintes par la crise économique. Les gains socialistes en milieu rural ont été compensés par les pertes en milieu ouvrier » (Dupeux, 1959, p. 175). L’influence du parti socialiste dans la paysannerie est alors très importante tandis que seulement quatre départements ruraux sont favorables au parti communiste : Haute-Vienne, Dordogne, Corrèze et Lot-et-Garonne.

Dichotomie entre comportements politiques et syndicaux des paysans

Documents relatifs