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III. Effets biologiques des PBDEs

2. Effets toxicologiques

2.1. Neurotoxicité

D’après Siddiqi et al. (2003), ce sont les enfants et les jeunes adultes qui sont les plus

enclins aux disfonctionnements du développement après une exposition aux PBDEs. Des

études réalisées chez les rongeurs viennent confirmer cette hypothèse.

En effet, l’administration orale aiguë de BDE-99 aux doses comprises entre 0,8 à 12 mg/kg

chez des souriceaux âgés de 3 ou 10 jours a induit chez ces animaux à l’âge adulte des

altérations du comportement spontané, qui se traduisent généralement par de l’hyperactivité

(Branchi et al., 2005 ; Eriksson et al., 2001, 2002 ; Viberg et al., 2004) ou de l’hypoactivité

(Branchi et al., 2002). Par contre, le comportement spontané n’est pas altéré si les animaux

sont exposés au BDE-99 ou au BDE-209 à l’âge de 19 jours (Eriksson et al., 2002 ; Viberg et

al., 2003a), suggérant une période critique de développement rapide du cerveau au cours de

laquelle les animaux seraient les plus vulnérables aux polluants. Cette phase se situerait aux

alentours du dixième jour après la naissance d’après Eriksson et al. (2002).

De même, des altérations de l’apprentissage et de la mémoire ont été observées chez des

animaux exposés au BDE-99 (Cheng et al., 2009 ; Eriksson et al., 2001), au BDE-47 (He et

al., 2009) ou au BDE-209 (Wu et al., 2008) au cours de la période périnatale ou lors du 10

ème

jour de vie postnatale alors que l’administration de BDE-99 chez de jeunes rats adultes à la

dose unique de 0,6 ou 1,2 mg/kg n’a induit aucune perturbation de l’apprentissage, de la

mémoire ni de l’activité locomotrice de ces animaux testés 45 jours après l’exposition (Bellés

et al., 2010). Ces effets se manifesteraient donc quand l’exposition aux PBDEs se produit

durant la phase critique de développement du cerveau qui se situe aux alentours du 10

ème

jour après la naissance (postnatal day (PND) 10) chez les rongeurs (Eriksson et al., 2002 ;

ECB, 2002). Ces altérations du comportement spontané, de l’apprentissage et de la

mémoire causées par les PBDEs seraient irréversibles et empireraient avec l’âge (Eriksson

et al., 1998,1999 ; Viberg et al., 2003a,b ; Wu et al., 2008). Des souris C57BL6/J mâles et

femelles exposées au BDE-209 de l’âge de 2 à 15 jours, à des doses de 6 ou 20 mg/kg, ont

même présenté des troubles de l’apprentissage qu’une fois l’âge de 16 mois atteint,

indiquant que les effets toxiques liés aux PBDEs peuvent apparaître de manière retardée

(Rice et al., 2009).

Certains auteurs pensaient que la neurotoxicité était essentiellement causée par les

tétraBDEs et les pentaBDEs (Eriksson et al., 2001 ; Hooper et Mc Donald, 2000). Pourtant,

des effets similaires au BDE-99 ont été observés avec le BDE-153 et le BDE-209, prouvant

ainsi que les PBDEs fortement bromés présentaient une neurotoxicité non négligeable

(Eriksson et al., 2002 ; ECB, 2003).

Les doses administrées aux animaux sont habituellement très élevées, de l’ordre de

quelques mg/kg à plusieurs centaines de mg/kg, et donc non représentatives de la pollution

à laquelle l’homme est réellement exposé. En effet, les doses journalières estimées en

PBDEs totaux, toutes voies confondues, varieraient entre 1 000 et 10 000 ng/j (Jones-Otazo

et al., 2005 ; Schecter et al., 2006b ; US EPA, 2002), correspondant à des concentrations de

14 à 140 ng/kg/j. Or, il faut multiplier ces doses par 10 pour qu’elles soient applicables au rat

du fait de son métabolisme plus rapide (Allen et al., 1994). Kuriyama et al. (2005) ont mis en

évidence une hyperactivité chez des rats devenus adultes dont la mère a reçu au sixième

jour de gestation (Gestational day (GD) 6) une administration unique de faibles doses de

BDE-99 (0,06 et 0,3 mg/kg). Ce sont les doses de BDE-99 les plus faibles reportées à ce

jour ayant un effet toxique in vivo.

Les résultats de différentes études récentes sont contradictoires en ce qui concerne l’activité

globale des animaux et leur habituation à la situation expérimentale. En effet, dans l’étude de

Rice et al. (2007), des souris C57BL6/J mâles et femelles exposées au BDE-209 de l’âge de

2 à 15 jours, à des doses de 6 ou 20 mg/kg présentaient une augmentation de leur activité

globale et une augmentation de leur habituation alors que des résultats inverses ont été

obtenus dans les études réalisées par Viberg et al. (2003a), dans lesquelles, des souris

NMR1 mâles étaient exposées à des doses uniques de 2,22 ou 20,1 mg/kg des BDE-209 à

l’âge de 3 jours ou à des doses de 1,34, 13,4 ou 20,1 mg/kg du même polluant à l’âge de 10

jours. Des études réalisées chez des rats Sprague-Dawley mâles traités à la dose unique de

6,7 ou 20,1 mg/kg de BDE-209 à l’âge de 3 jours (Viberg et al., 2007) ou chez des souris

NMR1 mâles exposées à une dose unique de 2,22, 13,4 et 20,1 mg/kg de BDE-209 à l’âge

de 3 jours (Johansson et al., 2008) ont également mis en évidence une diminution de

l’habituation des animaux à la situation expérimentale. Au cours d’un test d’activité

locomotrice, une diminution de l’habituation des animaux est mise en évidence lorsqu’ils

présentent une hypoactivité au début du test et une hyperactivité à la fin de ce test.

Les études portant sur la toxicité neurocomportementale induite par les PBDEs sont

reportées dans le tableau 5.

Tableau 5 : Tableau récapitulatif des études portant sur la toxicité neurocomportementale

des PBDEs

Molécule (mg/kg) Dose d’exposition Mode

Age début du traitement

Espèce Effets relevés

BDE-99 0,8 - 12 Dose unique p.o. PND 3 ou 10 Souris NMR1

- hyperactivité

- altérations de la mémoire et apprentissage à l’âge adulte

- effets empirant avec le temps

BDE-99 8 Dose unique p.o. PND 19 Souris NMR1 aucun effet observé sur le comportement spontané BDE-99 0,06 et 0,3 Dose unique p.o GD 6 Rats Wistar - hyperactivité à PND 36 (dose 0,3) - hyperactivité à PND 71 (doses 0,06 et 0,3)

BDE-99 0,6, 6 et 30 Administrations quotidiennes p.o. pendant gestation et lactation (GD 6-PND 21)

GD 6 Souris CD-1 hypoactivité dose-dépendante à PND 34, PND 60 et PND 120

BDE-99 18 Administrations quotidiennes p.o. pendant gestation et lactation (GD 6-PND 21)

GD 6 Souris CD-1 hyperactivité à PND 34 mais non à PND 60, PND 90 et PND 120

BDE-99 2 Administrations quotidiennes p.o. pendant gestation et lactation (GD 6-PND 21) GD 6 Rats

Sprague-Dawley altérations de la mémoire et apprentissage

BDE-99 0,6 et 1,2 Dose unique p.o. adulte Sprague-Rats Dawley

aucun effet observé sur l’activité ni sur la mémoire et l’apprentissage

BDE-47 5 ou 10 1, Dose unique p.o. PND 10

Rats

Sprague-Dawley

altérations de la mémoire et apprentissage à l’âge de 2 mois

BDE-153 0,45, 0,9 et 9 Dose unique p.o. PND 10 Souris NMR1

- altérations de la mémoire et apprentissage - altérations de l’activité spontanée (manque d’habituation)

- effets empirant avec le temps

BDE-209 6 et 20

Administrations quotidiennes p.o.

PND 2 à 15

PND 2 C57BL6/J Souris altérations de l’apprentissage uniquement à partir de l’âge de 16 mois

BDE-209 600 et 1200 100, 300, Administrations quotidiennes p.o. pendant la gestation et lactation

- Rats Wistar - altérations de la mémoire et apprentissage - aucun effet observé avec la dose 100 mg/kg

BDE-209 2,22 et 20,1 (PND 3) 1,34, 13,4 et 20,1 (PND 10) Dose unique p.o. PND 3 ou 10 Souris NMR1

- altérations de l’activité spontanée (manque d’habituation) chez les animaux traités à PND 3

- effets empirant avec le temps

BDE-209 6,7 et 20,1 Dose unique p.o. PND 3 Sprague-Rats Dawley

altérations de l’activité spontanée (manque d’habituation)

BDE-209 2,22, 13,4 et 20,1 Dose unique p.o. PND 3 Souris NMR1 altérations de l’activité spontanée (manque d’habituation) BDE-209 2,22 et 20,1 Dose unique p.o. PND 19 Souris NMR1 aucun effet observé sur le comportement spontané

D’après Cheng et al. (2009), l’exposition périnatale de rats Sprague-Dawley au BDE-99 a

entrainé un stress oxydatif au niveau de l’hippocampe de ces animaux en altérant les

enzymes anti-oxydantes telles que la superoxyde dismutase et la glutathion peroxydase.

Viberg et al. ont mis en évidence (2004) la diminution du nombre de récepteurs

cholinergiques nicotiniques dans l’hippocampe de souris adultes traitées à l’âge de 10 jours

avec une dose unique minimale de 0,4 mg/kg/j de BDE-99. Ils ont également montré une

diminution du nombre de récepteurs cholinergiques muscariniques dans l’hippocampe de

rats adultes traités à l’âge de 10 jours avec une dose unique minimale de 0,8 mg/kg/j de

BDE-99 en 2005.

Des études in vitro effectuées par Mariussen et Fonnum (2003) ont suggéré qu’une

exposition au ComPentaBDE avait induit une inhibition de la recapture de la dopamine dans

des cellules de cerveau de rat avec une concentration inhibitrice (CI)

50

de 8 µM. L’exposition

au ComPentaBDE, induisant plus précisément une faible inhibition de la recapture de la

dopamine au niveau du neurone dopaminergique pré-synaptique mais une forte inhibition de

la recapture vésiculaire de cette molécule, induirait une accumulation de la dopamine dans le

cytoplasme du neurone. Or cette dernière serait facilement oxydée dans ce compartiment

contribuant ainsi à l’augmentation des dommages oxydatifs au sein du neurone

dopaminergique pouvant conduire à la mort de ce dernier. Le potentiel neurotoxique du

ComPentaBDE (ou DE-71) a également été mis en évidence au cours d’études in vitro sur

les cellules granuleuses du cervelet. En effet, ces cellules ont été exposées aux différentes

solutions commerciales à différentes concentrations. La concentration létale (CL)

50

du

ComPentaBDE a été estimée à 7 µM alors que les solutions ComOctaBDE et ComDecaBDE

n’ont pas eu d’effets marquants aux concentrations testées. A une concentration de 10 µM,

ces deux solutions commerciales ont en effet induit respectivement 16,4 et 11,5 % de mort

cellulaire (Reistad et al., 2006).

Le BDE-99 à la concentration de 50 µM serait responsable, quant à lui, de l’apoptose (mort

cellulaire programmée) d’astrocytomes (cellules tumorales développées à partir de cellules

astrocytaires) en culture via un mécanisme dépendant de la protéine p53 (Madia et al.,

2004). L’étude de Tagliaferri et al. (2010), montre les effets synergiques d’une co-exposition

au BDE-47 et au BDE-99 sur l’induction d’un stress oxydatif dans des neuroblastomes

humains à la condition que les concentrations en BDE-47 soient faibles. Si ce n’est pas le

cas, c'est-à-dire si la concentration en BDE-47 est proche de la valeur de CL

50

, des effets

antagonistes des congénères sont observés.

209 (Huang et al., 2010). Pourtant, Yu et al. (2008) ont montré que l’apoptose de cellules de

neuroblastomes humains, incubées avec du ComPentaBDE, n’était pas induite par un stress

oxydatif mais qu’elle était dépendante de la voie de signalisation dépendante des caspases.

De plus, selon Giordano et al., (2008), la neurotoxicité du ComPenta-BDE serait dépendante

des taux de glutathion intracellulaire de l’individu, qui est lui-même gouverné par le

polymorphisme génétique.

La neurotoxicité des PBDEs a été mise en évidence dans des études in vivo et in vitro. Dans

la plupart des études in vivo, les PBDEs sont administrés en aigu et à de fortes doses chez

des nouveaux-nés au cours de la phase critique de développement du cerveau. La No

Observable Effect Limit (NOEL) concernant la neurotoxicité serait comprise entre 0,4 et 0,8

mg/kg/j chez la souris. Cependant, une étude effectuée chez le rat indiquerait une LOEL

(Lowest Observed Effect Level) de 0,06 mg/kg/j.

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