1.2 Contexte clinique 1.2.3 Neurochirurgie, neuronavigation et brain-shift Le terme `neuronavigation' regroupe les techniques de chirurgie assistée par ordinateur dont le but est de guider, par l'entremise d'un `neuronavigateur', le chirurgien parmi les structures complexes du cerveau. La neuronavigation actuelle est la version moderne du `cadre stéréotaxique', dont l'invention date du début du XXème siècle. L'appareil de Horsley-Clarke, premier cadre stéréotaxique de l'histoire de la neurochirurgie, a été inventé en 1908 par les britanniques Sir Victor A.H. Horsley et Robert H. Clarke. Le système a connu un grand succès dans les années 1940 notamment dans le traitement de la maladie de Parkinson. Les dispositifs de neuronavigation reposent sur la dénition d'un système de coordon-nées lié à la tête du patient. Au sein de ce référentiel, les structures anatomiques impli-quées dans la procédure chirurgicale sont repérées avec une grande précision grâce à la conception mécanique du dispositif de guidage. Les cadres stéréotaxiques représentés sur la g. 1.8 sont formés d'arceaux gradués et mobiles qui supportent l'outil du chirurgien. Le cadre est positionné rigidement sur le crâne du patient et les déplacements de l'outil sont contraints par la position des arceaux. Les graduations permettent de reproduire au bloc opératoire la trajectoire dénie sur les images pré-opératoires. Fig. 1.8 Exemples de cadres de stéréotaxie (tiré de [Mellor 95]). Les système de neuronavigation modernes ont recours à des modes de guidage plus élaborés : rayon laser matérialisant la trajectoire optimale pour atteindre la cible, posi-tionnement automatique du microscope binoculaire dans le champ opératoire, suivi en trois dimensions d'outils tels que le scalpel ou un pointeur, permettant au chirurgien d'en déterminer la position par rapport au cerveau et de visualiser sur les images pré-opératoires les structures qu'il désigne. La transposition des images dans le référentiel physique du patient se fait à l'aide de techniques dites de recalage rigide15, qui s'appuient sur la mise en correspondance de points ou de surfaces remarquables désignés par le chirurgien à l'aide d'un pointeur, avec leurs équivalents segmentés dans les images pré-opératoires. Un calcul permet alors de trouver la transformation16 entre les deux systèmes de coordonnées. Les repères utilisés peuvent être des points ou des surfaces anatomiques remarquables comme la pointe du nez, les arcades sourcilières, la surface des joues ou du front. Ils peuvent aussi être arbi-trairement dénis par un nuage de pastilles adhésives, ou `marqueurs', collés sur la peau du patient avant l'acquisition d'images pré-opératoires, où ils sont aisément identiables. Une fois le patient installé sur la table d'opération, le chirurgien peut, au moyen du pal-peur, indiquer la position de chaque marqueur au système an que celui-ci en déduise la correspondance cherchée. Le recalage entre les images et le patient, réalisé en début d'intervention, permet par la suite de localiser dans le champ opératoire tous les éléments identiés dans l'IRM et, réciproquement, de transposer la position des ancillaires dans le volume de données an de suivre et contrôler la bonne réalisation du planning. Le double objectif de la neuronavigation est le guidage et la préservation. Le guidage consiste à amener le chirurgien au plus prés de la cible chirurgicale, d'en identier les limites avec les tissus sains et la position avec une grande précision. Mais le rôle d'un tel système est aussi de repérer les structures nobles avoisinantes an de les préserver au cours de l'intervention. Certaines localisations pathologiques requièrent en eet la plus grande prudence, les conséquences d'une lésion involontaire pouvant être extrêmement handicapantes pour le patient. 15Qui préserve la géométrie des structures recalées. 16Composée d'une rotation et d'une translation. 1.2. CONTEXTE CLINIQUE 27 Fig. 1.9 Coupes sagittale et coronale du cerveau extraites de l'atlas de Talairach. La grille matérialise le système de coordonnées de l'atlas. Les traits horizontaux et verticaux noirs en sont les axes principaux. La constitution d'`atlas' du cerveau a largement contribué à l'essor des systèmes sté-réotaxiques. Ces bases de données à la fois anatomiques : enrichies par les observations et la compréhension de la structure des tissus cérébraux ; et fonctionnelles : intégrant les connaissances des mécanismes neurologiques, elles permettent de localiser des sites précis au sein du cerveau d'un individu et fournissent également une base commune de compa-raison interindividuelle. Citons notamment l'atlas de Talairach, publié par les médecins Jean Talairach et Pierre Tournoux en 1988, et dont deux planches sont représentées sur la g. 1.9. Une caractéristique remarquable de cet atlas est le système de coordonnées dont les axes peuvent être retrouvés pour tout individu à partir de la localisation, sur une image volumique du cerveau, de points anatomiques précis dénis, entre autres, au niveau du système ventriculaire. Une fois ces axes reconstruits, une transformation ho-mothétique du système de coordonnées de l'atlas, basée sur la mesure des dimensions du cerveau considéré, permet d'y reporter les connaissances synthétisées dans l'atlas. L'imagerie médicale connaît actuellement un élan formidable avec le développement et le perfectionnement des modalités telles que l'IRM ou le scanner. Alliés aux théories ma-thématiques mises en ÷uvre à l'aide d'outils informatiques de plus en plus puissants, ces dispositifs permettent une analyse et un diagnostic rapide et précis des pathologies. Depuis les années 1990, la neuronavigation moderne s'appuie sur la connaissance préalable du ter-rain que fournissent les systèmes d'imagerie tri-dimensionnels et permet au chirurgien de planier puis mener à bien des interventions de plus en plus complexes. Dans le sillage de ces technologies révolutionnaires, la robotique s'invite au bloc opératoire et s'insinue entre le scalpel et la main du chirurgien, dont elle ltre les tremblements ou modie l'amplitude, rendant ainsi possibles des interventions à l'échelle microscopique [Nathoo 05]. Les bénéces apportés par la neuronavigation sont cependant mis en péril par le brain-shift, c'est-à-dire la déformation per-opératoire du cerveau. Comme nous allons le voir dans la section suivante, les tissus mous sont susceptibles de se déformer de manière si-gnicative au cours de l'intervention. Dans ces conditions le référentiel stéréotaxique ne (a) (b) Fig. 1.10 (a) Coupe axiale obtenue après craniotomie et avant ouverture de la dure-mère. (b) Coupe axiale obtenue après dissection de la dure-mère et perte de liquide céphalo-rachidien. (Images tirées de [Ferrant 02]) permet plus d'établir la correspondance entre l'espace physique du patient et les images pré-opératoires, ce qui rend compromet fortement la navigation. Ce décalage entre les don-nées et la réalité peut être mentalement compensé par le chirurgien expérimenté lorsque la tumeur se trouve en surface mais il lui est très dicile d'analyser les déformation sous-corticales qui peuvent intervenir lorsque la tumeur est enfouie dans le parenchyme. La complexité du brain-shift apparaît clairement sur la g 1.10, où sont juxtaposées deux coupes axiales acquises au cours d'une intervention par imagerie RM per-opératoire avec des paramètres identiques mais à des instants diérents. On y remarque tout d'abord un aaissement cortical important dû à l'écoulement de LCR mais ces images montrent également que la déformation du cerveau concerne tout le volume du parenchyme et se manifeste notamment au niveau des ventricules par un écrasement qui suggère une diminution de leur volume. La compréhension et la prise en compte du brain-shift sont donc essentielles pour tirer pleinement parti des techniques d'imagerie et de navigation disponibles actuellement au bloc opératoire. An d'en saisir le mécanisme, nous allons dans la section suivante analyser les causes et les eets du brain-shift à travers une revue de la littérature. Dans le document Modélisation Biomécanique des Tissus Mous du Cerveau et Développement d'un Neuronavigateur Permettant la Prise en Compte Per-Opératoire du Brain-Shift (Page 46-49)