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Nature histologique des cancers pulmonaires

1. Cancers du poumon chez l’homme

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le cancer du poumon est la forme la plus fréquente de cancer dans le monde avec 1 million deux cent mille nouveaux cas par an, représentant environ 13 % des cancers diagnostiqués chez l’homme. En Europe, 386 300 nouveaux cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués en 2006 [67]. Près de 60 % des patients atteints du cancer du poumon décèdent dans l’année suivant le diagnostic et 75 % dans les deux ans. En Europe, le cancer du poumon est le cancer le plus mortel chez l’homme et le troisième plus mortel chez la femme après les cancers du sein et du colon/rectum [67]. Environ 85 % des cancers du poumon sont la conséquence de la consommation de tabac. Parce que l’implication du tabagisme est manifeste, la plupart des études négligent souvent les effets potentiels d’autres facteurs de risque tels que le radon.

La classification histologique des tumeurs du poumon est basée sur une nomenclature dont les termes ont été établis en 1967 et réactualisés en 1999 par l’OMS. La grande majorité des cancers du poumon sont des carcinomes, c’est-à-dire des cancers issus de la transformation maligne de cellules épithéliales. Pour la classification de ces tumeurs, une distinction majeure est faite entre les tumeurs bénignes et malignes sur la base de leur caractère invasif (tableau 2) [68]. Les carcinomes pulmonaires malins se divisent en deux principaux types : les carcinomes bronchiques à petites cellules (CBPC) et les carcinomes broncho-pulmonaires non à petites cellules (CBNPC). Ces derniers se divisent en trois principales catégories: les carcinomes épidermoïdes ou squameux (Sq), les adénocarcinomes (AC,) et les carcinomes à grandes cellules (CPGC).

Tumeurs pulmonaires épithéliales

Tumeurs bénignes

Papillome* Adénome* Tumeurs malignes

Carcinome épidermoïde. Variantes :

Papillaire A cellules claires A petites cellules Basaloïde

Carcinome à petites cellules. Variante :

Carcinome à petites cellules composite

Adénocarcinome

Acineux Papillaire

Bronchiolo-alvéolaire*

Adénocarcinome solide à sécrétion mucineuse Mixtes

Variantes*

Carcinome à grande cellule* Carcinome adénosquameux

Carcinome pléomorphe, sarcomatoïde ou avec éléments sarcomateux* Tumeur carcinoïde*

Carcinome de type glandes salivaires* Carcinomes inclassables

*niveaux de classification supplémentaires non rapportés dans ce tableau

Tableau 2 Classification histologique des tumeurs pulmonaires épithéliales (source : OMS)

A/ Les carcinomes bronchiques à petites cellules

Le cancer bronchique à petites cellules représente environ 25 à 30 % des cancers pulmonaires et fait partie des tumeurs neuroendocrines. Il se caractérise par sa capacité à sécréter de nombreux peptides (énolase neurone-spécifique ou NSE, chromogranine A, synaptophysine, gastrin-releasing peptide…) qui conduisent à l'apparition de syndromes paranéoplasiques systémiques. Le CBPC est depuis longtemps considéré comme provenant du neuro-ectoderme, l’un des trois feuillets primitifs de l’embryon donnant le revêtement cutané et le système nerveux. Deux théories tentent d’expliquer cette origine. Au sein de l'épithélium bronchique, les cellules basales, les cellules à mucus, les cellules de Clara, les pneumocytes de type II et les cellules de Kultschitzky-Masson sont les cinq types de cellules susceptibles de se diviser et parmi elles, seule la cellule de Kultschitzky appartient au système neuroendocrine. Elle serait ainsi, pour certains, à l'origine du cancer bronchique à petites cellules [69]. Une autre théorie de la cellule souche pluripotente semble s'imposer actuellement. Elle considère que les cellules composant la muqueuse bronchique ont toutes

une origine commune endodermique [70]. Elles dériveraient d’une cellule souche bronchique phénotypiquement multipotente. La « cellule de CBPC » représenterait la version transformée d’une cellule engagée dans une voie de différentiation neuroendocrine dérivant de cette cellule souche. Sur cette base, on pourrait expliquer pourquoi il est possible de retrouver dans

un CBPC, outre les marqueurs neuroendocrines, des marqueurs de différenciation

épidermoïde et/ou glandulaire. Inversement, on pourrait également expliquer comment certains cancers bronchiques épidermoïdes ou glandulaires expriment des marqueurs neuroendocrines.

Le CBPC diffère des autres cancers pulmonaires par l'aspect en « grain d’avoine » de ses cellules. De plus, il se développe beaucoup plus rapidement que les autres types de carcinomes pulmonaires et dans plus de 60 % des cas, il a déjà métastasé dans d'autres parties du corps au moment du diagnostic. La chirurgie n’est appropriée que dans 2 à 5 % des cas, quand la tumeur diagnostiquée est de petite taille. Cette tumeur est très sensible aux premiers traitements de chimiothérapie et de radiothérapie mais devient très vite résistante et près de 95 % des patients meurent des suites du cancer. Ce type de cancer est associé dans 95 % des cas à un terrain tabagique. Il peut être retrouvé dans un contexte d’exposition interne aux

rayonnements α. Il ne représente que 8 % des cas de cancers pulmonaires associés à

l’incorporation de plutonium chez les travailleurs de Mayak [71]. En revanche, dans les études de cohortes de mineurs d’uranium allemands, il est fortement associé à l’exposition au radon [72]. Cette différence peut s’expliquer par une part plus importante d’hommes fumeurs dans la cohorte allemande que dans la cohorte russe qui inclut de nombreuses femmes non- fumeuses. Cette différence pourrait également provenir de la présence de silice dans les mines sur lequel s’agrègent les particules de radon qui se déposent alors préférentiellement dans la région centrale du poumon où se développent fréquemment les CBPC.

B/ Les cancers bronchiques non à petites cellules

Les CBNPC ont une origine épithéliale. Ils ont un temps de doublement plus lent que les CBPC, de l'ordre de quelques mois et ils sont peu sensibles aux cytotoxiques, le traitement curatif reposant principalement sur la chirurgie.

a) Le carcinome épidermoïde (Sq)

Le carcinome épidermoïde représente entre 35 et 50 % des cancers pulmonaires, il se développe à partir de l’épithélium des grosses bronches, souvent près d’une bifurcation bronchique. Il se présente sous forme d'une tumeur végétante de taille variable qui peut assez

rapidement obstruer la bronche et être à l'origine d’infections respiratoires. Il peut être peu différencié, différencié immature ou différencié mature, cette dernière forme comprenant une kératinisation importante. Les marqueurs de la différenciation épithéliale peuvent servir d’outils au diagnostic tels que l’involucrine ou les cytokératines. L’antigène SCC (pour

Squamous Cell Carcinoma antigen) a également été décrit comme un marqueur fort des

carcinomes épidermoïdes [73]. Ce carcinome s'étend plus lentement que les autres formes de CBNPC et s’accompagne de métastases tardives. C'est le type de cancer du poumon le plus commun chez les fumeurs. Comme les CBPC, il ne représente que 9 % des cas de cancers pulmonaires associés à l’incorporation de plutonium chez les travailleurs de Mayak [71] et semble plus fortement associé à l’exposition au radon [72]. Une fois encore, la part relative des fumeurs dans les deux cohortes et le dépôt de l’agrégat radon/silice au niveau des bronches où se développent les Sq pourraient partiellement expliquer cette différence.

b) L’adénocarcinome (AC)

L’AC représente 20 à 25 % des cancers pulmonaires, il se développe dans les zones périphériques du poumon [74]. La prolifération tumorale se fait à partir des formations glandulaires muqueuses situées à la périphérie du poumon. Les principaux marqueurs tumoraux sont donc les mucines sécrétées par la tumeur. L’antigène carcino-embryonnaire (CEA) a aussi été observé spécifiquement dans ces tumeurs [75]. Les AC peuvent varier à la fois par leur taille et par leur rapidité de développement. C'est le type de cancer du poumon le plus commun chez les non-fumeurs. Dans un contexte d’exposition au plutonium, il est le cancer le plus répandu, représentant 57 % des cancers professionnels imputables aux radiations ionisantes [71]. Dans les cohortes de mineurs allemands, son incidence ne semble pas associée à l’augmentation de la dose de radon [72].

c) Le carcinome à grandes cellules (CPGC)

Il représente environ 5 % des tumeurs pulmonaires, il se développe à la périphérie des poumons. Il s'agit en général d’une tumeur volumineuse. Son diagnostic est essentiellement un diagnostic d'exclusion qui s'applique aux tumeurs qui n'ont pas l'aspect d'un CBPC et qui ne présentent ni différenciation épidermoïde ni différenciation glandulaire. Il peut présenter plusieurs grades de différenciation neuroendocrine, du moins différencié où il ressemblera à un AC, au plus différencié où il pourra être confondu avec un CBPC [76]. Ce type de tumeur peut évoluer plus rapidement que les AC et les Sq et la maladie est souvent étendue au médiastin, à la plèvre, aux os ou au cerveau au moment du diagnostic. Il est rarement retrouvé

dans les cancers pulmonaires radio-induits que ce soit après exposition au plutonium ou au radon (1 %) [71, 72].

d) Le carcinome adénosquameux (ASq)

Les carcinomes adénosquameux sont rares (inférieurs à 5 %), ce sont des tumeurs dites mixtes formées d’une composante glandulaire comme celle des AC et d’une composante squameuse comme celle des Sq. Des marqueurs glandulaires et squameux peuvent donc y être retrouvés. Le diagnostic est rendu délicat par le déséquilibre possible entre les deux composantes. Pour un diagnostic définitif, les critères anatomopathologiques imposent que le contingent glandulaire et le contingent squameux représentent au minimum 10 % de la tumeur [77]. Au moment du diagnostic, ce type de tumeurs s’accompagne plus fréquemment de nodules métastatiques que les AC et les Sq [78]. Le pronostic est plus mauvais, avec 6,2 % de survie à 5 ans après opération contre 41 % en moyenne pour les AC et les Sq [79]. Comme les CPGC, les ASq sont rarement observés dans les cohortes exposées aux rayonnements ionisants (2 %) [71, 72].

2. Tumeurs pulmonaires chez le rat

Le rat est l’animal d’expérimentation le plus adapté pour l’étude des carcinogènes pulmonaires car il développe peu de tumeurs spontanées du poumon (1 %) [80]. Il est cependant important de signaler quelques particularités d’espèce. La localisation des tumeurs pulmonaires chez le rat est périphérique et l’origine des tumeurs est bronchiolaire et/ou alvéolaire. Les tumeurs d’origine proximale, issues des bronches ou des voies aériennes supérieures, n’existent pas chez les rongeurs. L’extrapolation à l’homme des effets observés chez l’animal est donc fondée sur la comparaison de deux tissus cibles anatomiquement différents. Cependant, l’irradiation peut induire une métaplasie de cellules basales dans les bronchioles périphériques de rat conduisant au développement de tumeurs de type « bronchique » [81]. L’expérimentation chez l’animal permet ainsi de reproduire des tumeurs bronchiques de type épidermoïde et/ou adénosquameux et des adénocarcinomes de morphologie et de comportement biologique (invasion et métastase) comparables à ceux de l’homme [82]. Par contre, les carcinomes à grandes cellules et les carcinomes à petites cellules n’ont jamais été observés chez le rat [83].

Les tumeurs pulmonaires malignes chez le rat ont été décrites dans de nombreux ouvrages et atlas dédiés aux pathologies développées chez le rongeur et le rat de souche Fischer en particulier [81, 84]. Les tumeurs pulmonaires spontanées chez le rat étant rares, les observations sont faites sur des modèles de tumeurs radio- ou chimio-induites.

Les AC sont les plus fréquents chez le rat. Après inhalation de PuO2, ils représentent plus de 60 % des tumeurs développées [63]. Après exposition au radon, ces carcinomes semblent se développer indépendamment de la dose et du débit de dose délivrés au poumon. En effet, une augmentation significative de leur incidence a été observée aussi bien après une exposition au radon de 42 WLM (0,2 Gy) à très faible débit de dose (18 WL sur 6 mois) [85] qu’après une exposition à une gamme de doses de 200 à 3200 WLM (1 à 16 Gy) à fort débit de dose (250 à 2000 WL) [61].

Les Sq développés chez le rat peuvent être plus ou moins différenciés et kératinisés, comme chez l’homme. Les Sq radio-induits diffèrent des Sq induits par d’autres carcinogènes de par leur plus grande fréquence et leur développement plus rapide. Ils représentent jusqu’à 20 % des tumeurs radio-induites par le PuO2 [63]. Après exposition au radon, l’incidence des Sq semble plus importante aux fortes doses et aux forts débits de dose [61, 85], mais rien ne permet, à l’heure actuelle, d’expliquer cette tendance.

Les ASq de rat sont histologiquement proches des ASq humains. Ce sont des tumeurs mixtes associant des composantes cellulaires AC et Sq en proportions variables. Chez le rat, l’ASq est rarement observé après inhalation de particules non radioactives. Par contre, après exposition au PuO2, les ASq représentent 13 % des tumeurs pulmonaires développées [63].

Les tumeurs pulmonaires radio-induites chez le rat sont donc histologiquement équivalentes à celles développées chez l’homme avec l’avantage non négligeable d’inclure de nombreux ASq, difficiles à étudier chez l’homme de par leur faible incidence. Ces paramètres font de ce modèle un outil de choix pour approfondir nos connaissances sur la carcinogenèse pulmonaire radio-induite.