Les colloïdes d’Au et d’Ag sont des systèmes SERS-actifs typiques. Ces nanoparticules métalliques sont stables, faciles à la fabrication, et présentent d’excellents signaux SERS. Les nanoparticules métalliques en suspension peuvent être préparées par des méthodes physiques ou chimiques. Une des méthodes physiques est l’ablation de laser pulsé de métaux en milieu liquide [85,86]. Dans cette méthode, des nanoparticules d’Ag et d’Au stabilisées sont obtenues en plaçant une cible dans l’eau ou dans un solvant organique. Les impulsions laser concentrées sur la cible produisent un plasma qui pulvérise le matériau de la cible. Le matériau pulvérisé se
retrouve en contact avec les espèces présentes dans le liquide, ce qui va mener à la nucléation et la croissance des nanoparticules. L’avantage de cette technique est que les nanoparticules sont exemptes d’espèces organiques ou ioniques [87]. La taille des particules dépend du temps d’irradiation, plus il est long et plus les particules sont petites.
Figure I.24– Images de microscopie électronique en transmission (TEM) de (a) nano-triangles, (b) nano- étoiles et (c) nano-sphères d’Au. (d) Spectres Raman des molécules de rhodamine 6G de concentration 5 µM dans une solution de nano-étoiles (en noir), nano-triangles (en vert) et nano-sphères d’Au (en rouge), pour la longueur d’onde d’excitation λ = 785 nm. Images extraites de la référence [88].
La méthode chimique d’élaboration de colloïdes d’Au et d’Ag la plus répandue est la réduction des ions d’argent ou d’or dans une solution, généralement aqueuse, en utilisant des agents réducteurs tels que le citrate ou le borohydrure de sodium [89]. Les méthodes chimiques de réduction emploient également des agents qui empêchent l’agrégation des particules [90]. Les étapes de nucléation et de croissance pendant la réduction chimique déterminent la distribution de taille des particules. Pendant le processus de nucléation, les atomes métalliques se combinent et forment des groupes puis des noyaux. Pendant l’étape de croissance, les noyaux, ou "germes", se développent pour former des nanoparticules. La taille des particules peut être contrôlée avec la concentration et la puissance de l’agent réducteur. En général, un agent puissant tel que le
borohydrure de sodium produit de grosses particules alors qu’un agent plus faible comme le citrate de sodium donne des particules plus petites [89]. De plus, la forme des nanoparticules peut être contrôlée en ajoutant des surfactants durant la synthèse. Selon le surfactant et la nature du métal choisi, une grande variété de formes peut être obtenue telle que les nano-tiges [89], les nano-sphères [88,89,91], les nano-triangles [88,89,92] et les nano-étoiles [88,89,93] (cf. figureI.24). La figureI.24.d montre les spectres Raman de molécules de rhodamine 6G obtenus avec différentes formes de nanoparticules d’Au utilisées comme systèmes SERS. F. Tian et al. montrent que les nano-étoiles d’Au présentent le signal le plus élevé de par la densité de points chauds générés par cette forme en comparaison avec les nano-triangles et les nano-sphères d’Au [88].
Figure I.25– Images TEM de nanoparticules cœur/coquille Ag/Au en solution colloïdale préparée avec un laser de longueur d’onde 355 nm (a) pour 60 min d’irradiation et (b) pour 75 min d’irradiation. (c) Spectres Raman à la longueur d’onde d’excitation λ = 514 nm, de molécules de cristal violet dans une solution de nanoparticules cœur/coquille Ag/Au, pour différents temps d’irradiation : (a) 30, (b) 45, (c) 60 et (d) 75 min. Images extraites de la référence [86].
Concernant les nanoparticules bimétalliques Au-Ag, elles peuvent être préparées par différentes méthodes [94–96], parmi les plus répandues on peut citer l’utilisation de sels métalliques tels que
le HAuCl4 et le AgNO3 et leur réduction simultanée avec du citrate de sodium [97], ainsi que la synthèse par irradiation laser en présence d’alcool polyvinylique d’un mélange de HAuCl4 et d’AgNO3, d’un mélange de nanoparticules d’Au et d’AgNO3 ou encore d’un mélange de nanoparticules d’Au et d’Ag [86]. Les taille et forme des nanoparticules dépendent du temps d’irradiation comme on peut le voir sur la figureI.25. Cette dépendance est aussi visible sur les spectres Raman de molécules de cristal violet obtenus pour des nanoparticules cœur/coquille Ag/Au élaborées avec différents temps d’irradiation (cf. figure I.25.c). Vinod et Gopchandran ont montré que de telles structures présentaient des facteurs d’exaltation de l’ordre de 105 dé- pendant aussi de la distance inter-particule [86].
Figure I.26– (a) Représentation schématique de la technique SHINERS. (b) Images TEM de particules cœur/coquille Au/SiO2 avec différentes épaisseurs de coquille et (c) spectres Raman obtenus à différents
endroits d’une cellule de levure avec des SHINs Au/SiO2 pour la longueur d’onde d’excitation λ = 632,5
nm. Images reproduites de la référence [98].
Les mesures SERS étant réalisées en ajoutant les analytes à la suspension, cela donne souvent lieu à l’agrégation des nanoparticules. Aussi, cette approche limite la diffusion des analytes
entre les particules et les éloignent donc des points chauds créés. Toutefois, l’utilisation d’un revêtement chimiquement inerte, sous la forme d’une coquille autour de la nanoparticule, pro- tège la nanostructure SERS-active du contact avec l’analyte sondé. L’avantage principal de ce mode d’isolement est sa sensibilité de détection beaucoup plus élevée et les vastes applica- tions pratiques aux divers matériaux avec des morphologies différentes. Cette technique, appelée SHINERS (Shell-Isolated Nanoparticle-Enhanced Raman Spectroscopy), a été inventée en 2010 [98], et utilise des nanoparticules d’Au ou d’Ag recouvertes d’une coquille chimiquement et élec- triquement inerte (par exemple en SiO2 ou en Al2O3, cf. figure I.26). Les avantages des SHINs (Shell-Isolated Nanoparticules) sont multiples. Tout d’abord, les coquilles séparent les métaux qui constituent le cœur du milieu environnant assurant une meilleure stabilité des particules. De plus, l’épaisseur de la coquille permet de piloter les distances entre particules et par conséquent influe sur la densité de points chauds. Néanmoins, si cette technique permet de surpasser cer- tains inconvénients inhérents au contact direct des particules avec l’analyte sondé, cela se fait au prix d’une réduction de l’amplification du signal SERS. En effet, la présence de la coquille aussi fine soit-elle réduit l’intensité du couplage entre particules et éloigne ces dernières de la surface des molécules à détecter ce qui réduit l’exaltation du signal en comparaison avec les particules en contact direct. L’amplification moyenne obtenue par les SHINs est à peu près 5 à 6 fois plus faible que celle obtenue par exemple avec des particules d’Au sur des surfaces de Si [98, 99].
La reproductibilité et l’uniformité sont des défis encore importants dans la fabrication des points chauds pour la détection SERS. Malgré le grand potentiel des nanoparticules métalliques en so- lution, de nombreuses applications exigent des facteurs d’exaltation fortement reproductibles et une stabilité à long terme. Il est plus facile d’obtenir de telles caractéristiques avec des systèmes dans lesquels les nanoparticules sont immobilisées sur un substrat solide.