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5. Plan de la bibliothèque municipale de Soissons

2.1.1. La naissance de la public library

C’est à Boston où est créée la première public library en 1854, grâce notamment à la réunion des social libraries34. A partir de cet événement, la bibliothèque publique devient une institution importante dans la vie de la société. Les citoyens voient la bibliothèque publique comme un outil, une source infinie d’information mise à leur disposition. Les origines de la public library portent

31 Riberette Pierre, "Techniques modernes du prêt", Bulletin des Bibliothèques de France, 1 janvier 1958, [en ligne] consulté le 10 avril 2019 : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1958-11-0793-002.

32 Bach Charles-Henri, Guide du bibliothécaire amateur : guide sommaire pour l’organisation des petites bibliothèques municipales scolaires, de société, de patronage, etc…, Issy-Les-Moulineaux, éditions « Je sers », p. 35.

33 Bertrand Anne-Marie, Bibliothèque publique et public library : essai de généalogie comparée, Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2010, p. 53.

34 Ibid. p. 58.

sur « les valeurs, l’éthique, la library faith, qui animent les bibliothécaires35 ». Il y a donc une volonté d’auto-éducation, d’engagement civique afin d’obtenir un épanouissement de tous les citoyens, c’est ce que représente la « library faith », la foi en la bibliothèque36.

a) Une volonté communautaire dans un contexte démocratique

Les social libraries équivaut à des cabinets de lecture en France. Ces bibliothèques « sociales », largement diffusées dans les grandes villes américaines, sont dirigées par des éditeurs-libraires et regroupent notamment des romans, qui sont accessibles en prêt pour une petite somme37. Leurs fusions permettent ainsi de développer une nouvelle figure des bibliothèques avec un fonctionnement associatif, qui sera soutenu dans un premier temps par une institution privée.

De plus, en 1852, un board of Trustees38 (« conseil d’administration ») est créé afin de défendre les intérêts de la bibliothèque, en mettant au point des règles et prenant les décisions financières nécessaires. Ce conseil d’administration permet de limiter le rôle du pouvoir central et de mettre en avant les besoins des bibliothèques publiques. Il s’agit d’un organisme travaillant pour le développement des bibliothèques publiques. Ce conseil est formé d’un groupe d’individu, composé « de deux membres du Common Council et de cinq citoyens39 ». Les citoyens sont ainsi intégrés au développement des bibliothèques publiques aux Etats-Unis, qui montre qu’ils sont écoutés et nécessaires au bon développement de ces établissements. Les citoyens sont des acteurs indispensables et motivés pour mettre en place une institution publique qui répond au mieux aux besoins de la population et mettre à disposition un lieu d’information accessible à tous.

Une participation financière est aussi demandée pour la mise en place des bibliothèques, il s’agit d’un impôt : le penny rate. Cet impôt permet d’entretenir la bibliothèque et d’acheter des nouveaux livres. Donc la création des bibliothèques publiques ne repose pas seulement sur des lois accordant le droit de créer des bibliothèques, mais aussi sur un cadre fiscal. Il est ainsi plus facile pour les villes de mettre en place une bibliothèque40. De plus, le développement des bibliothèques publiques se fait aussi grâce à des donateurs, par un mouvement philanthropique.

Nous pouvons citer notamment l’industriel et mécène Andrew Carnegie (1835-1919), qui a aidé à la construction de nombreuses bibliothèques, notamment celle de Reims (bibliothèque Carnegie à Reims fondée en 1928).

35 Bertrand Anne-Marie, Bibliothèque publique et public library : essai de généalogie comparée, Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2010, p. 57.

36 Shannon Crawford Barniskis, To What Ends, By Which Means?, university of Boras (Sweden), 15 mars 2017, [en ligne] consulté le 18 avril 2019 : http://www.informationr.net/ir/22-1/colis/colis1646.html.

37 Tacheau Olivier, Bibliothèque publique et multiculturalisme aux Etats-Unis. Jalons pour repenser la situation française, mémoire, Poulain Martine (dir.), Enssib, 1998, p. 8, [en ligne] consulté le 10 mars

2019:https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1602-bibliotheque-publique-et-multiculturalisme-aux-etats-unis-jalons-pour-repenser-la-situation-francaise.pdf.

38 Bertrand Anne-Marie, Bibliothèque publique et public library, Op. Cit., p.59.

39 Ibid., p.59.

40 Tacheau Olivier, Bibliothèque publique et multiculturalisme aux Etats-Unis, Op. Cit., p. 9.

Pour mieux comprendre cet élan associatif, il faut penser qu’au milieu du XIXe siècle, dans un contexte de vie démocratique, les Etats-Unis sont peuplés par une grande majorité d’immigrants, dont le plus grand nombre représente une masse ignorante41. Le livre et la bibliothèque deviennent donc des instruments essentiels, liés à la vie politique. Leurs buts sont d’apporter les outils nécessaires à la population pour se renseigner et se cultiver. Pour appuyer cette idée nous pouvons citer James Madison (1751-1836), homme politique américain et quatrième président des États-Unis de 1809 à 1817 :

« Un gouvernement populaire sans information pour le peuple, ni les moyens pour le peuple d’y avoir accès n’est qu’un prologue à une farce, à une

tragédie, ou les deux à la fois. Le savoir l’emportera toujours sur l’ignorance42. »

b) Un encadrement législatif favorable au développement de la public library Les Etats-Unis possèdent en plus de cette volonté, une législation propice au développement des bibliothèques publiques. En France, au début du XXe siècle, les bibliothèques ne sont pas encadrées par des lois spécifiques, alors qu’aux Etats-Unis, les bibliothèques peuvent se reposer sur des textes permettant leurs développements.

L’un des premiers textes fondateurs concernant ce sujet est celui de 1852, qui correspond à un discours du directeur de la futur public library de Boston :

« La fourniture de la lecture à tous devrait être l'affaire et le devoir des politiques publiques de la même manière que nous fournissons l'éducation gratuite, et en fait en tant que part, et l'une des plus importantes parts, de

l'éducation pour tous. Comme il a été justement jugé que sous des institutions politique, sociale et religieuse telles que les nôtres, il est de la plus haute importance que les moyens d'information générale puissent être si

répandus que le plus grand nombre possible de personnes soient incitées à lire et comprendre les questions et les vraies fondations de l'ordre social qui

sont constamment requis pour décider et puissent décider non dans l'ignorance mais dans la sagesse43. »

41 Tacheau Olivier, Bibliothèque publique et multiculturalisme aux Etats-Unis. Jalons pour repenser la situation française, mémoire, Poulain Martine (dir.), Enssib, 1998, p. 59, [en ligne] consulté le 10 mars

2019:https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1602-bibliotheque-publique-et-multiculturalisme-aux-etats-unis-jalons-pour-repenser-la-situation-francaise.pdf.

42 Ibid., p. 59.

43 Ibid., p. 12. Cette citation est elle-même tirée du rapport Everett/Tricknor de 1852.

Ici, nous voyons que le livre tient une place importante dans la société, car il est associé à l’éducation et à la formation pour tous. La lecture publique est donc un enjeu primordial pour la société américaine car elle permet d’élever la population, en leur donnant les outils nécessaires à leur réussite, en combattant l’ignorance. Donc la bibliothèque publique devient une institution

« impliquée dans l'éducation et la prise de conscience politique des citoyens44 ».

De plus, l’association professionnelle ALA (American Library Association) met en place la Library Bill of Right45 en 1948, qui permet à tous les bibliothécaires de se référer à cette loi. Ce texte fondateur permet de justifier les actions sociales, ainsi que la fonction éducative pour tous dans les bibliothèques. Également, les Américains ont mis en place une législation touchant plusieurs domaines du livre, de la lecture comme The Freedom to Read Statement, adopté en 1953, qui rappelle le droit à la lecture, contre la censure, ce droit est garanti par la Constitution. Ou encore l’ALA a aussi institué un Code of Ethics46 en 1939, afin d’assurer la bonne conduite des bibliothécaires et leurs politiques menées au sein des bibliothèques. Le bibliothécaire doit rester une personne neutre en toute circonstance.

2.1.2. Deux organisations professionnelles : Association des Bibliothécaires