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La nécessité d’une loi relative à l’information, l’éducation et le conseil en orientation des élèves et des étudiants

III. Chapitre trois : L’importance des pratiques d’aide à l’orientation – notamment de conseil et d’éducation

3.4 La nécessité d’une loi relative à l’information, l’éducation et le conseil en orientation des élèves et des étudiants

En 1998, Martine Aubry, alors ministre de l’emploi et de la solidarité, avait déclaré à propos de la formation et de l’orientation des adultes : « Le système de formation est devenu complexe, opaque, incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens. (...) Aujourd’hui, obtenir une information, un conseil et finalement accéder à la formation relève trop souvent du parcours du combattant ». Cette remarque pourrait aisément être reprise pour décrire la situation actuelle des élèves en matière d’information relative à leur orientation scolaire et professionnelle, d’éducation à l’orientation et d’accompagnement individuel (conseil).

Comme on l’a observé, la situation est à ce point problématique dans les domaines de l’information, de l’éducation et du conseil pour l’orientation des jeunes (pour des raisons différentes dans chacun de ces domaines) qu’on peut légitiment se demander si la rédaction d’une loi définissant les aspects majeurs de chacune de ces pratiques – et précisant les acteurs qui devront s’y impliquer – n’est pas aujourd’hui nécessaire. Celle-ci devrait traiter des deux grands points suivants :

- Le conseil en orientation

La loi devrait indiquer que tout élève ou étudiant peut bénéficier – à sa demande – au moins une fois au cours de sa scolarité d’une session de conseil (individuel) en orientation lui permettant de faire le point sur ses projets personnels et professionnels. Cette loi soulignerait que, dans la mesure où l’enjeu de cette démarche est la construction de soi de l’adolescent ou du jeune adulte, elle relève d’une interaction avec un professionnel qualifié et formé en particulier dans les domaine suivants : psychologie de l’orientation, du conseil, du développement, de l’éducation et du travail, sociologie du travail et de l’école, économie (notamment) de l’emploi. Cette formation comprendrait bien entendu des connaissances précises relatives aux formes actuelles d’organisation du travail en entreprise, aux activités professionnelles et au développement des compétences, aux fonctionnement des marchés de l’emploi, aux différentes filières et options (ou modules) du système éducatif, dispositifs de formation continue, aux enjeux de l’entrée dans une certaine formation ou établissement, aux facteurs déterminant une trajectoire personnelle et professionnelle, etc.

Sans entrer dans des détails techniques précis, cette loi – ou un décret d’application – devrait aussi rappeler les grandes étapes d’une intervention de conseil en orientation, comme ce fut le cas dans le domaine de l’orientation des adultes avec le bilan de compétences.

La loi devrait s’attacher à définir des objectifs précis pour l’information des jeunes (en matière de formations, de professions et d’emploi) et leur éducation à l’orientation. Elle devrait clairement affirmer que l’enjeu de cette information et de cette éducation est bien plus large que les questions d’orientation - répartition scolaire : l’éducation à l’orientation ne peut être une sorte d’équivalent au sein de l’école d’une méthode de gestion des ressources humaines dans une entreprise.

Il existe en France de nombreuses ressources de qualité en matière d’information scolaire et professionnelle : les publications de l’ONISEP (Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions) et les fiches du CIDJ (Centre d’Information et Documentation Jeunesse) pour n’en citer que deux destinées principalement aux jeunes. On trouve, par ailleurs, des répertoires comme le ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois) qu’utilise l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi) et des recherches plus savantes encore sur les professions, l’emploi ou l’insertion, telles celles conduites par le CEREQ (Centre de Recherche sur l’Emploi et les Qualifications), la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche des Etudes et des Statistiques du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité) ou le CEE (Centre d’Etude de l’Emploi).

Malgré leur qualité, ces ressources sont à elles seules insuffisantes pour permettre aux élèves – et, plus encore aux plus fragiles d’entre eux – de se construire un système de représentations pertinent pour leur orientation. A cet égard, de très nombreux travaux conduits aussi bien à l’INETOP (notamment par Michel Huteau, 1976, 1997 ou Jean Guichard, 1990, 1996) qu’au sein d’autres équipes de recherche (par exemple ceux d’Alain Ruffino et d’André Tricot, d’Alain Crindal et Régis Ouvrier-Bonnaz, 2006, etc.) ont mis en évidence la nécessité de circonscrire l’information pertinente pour une orientation et d’en définir la didactique. Ainsi, la maîtrise de notions comme celles « d’activité professionnelle », des « compétences » requises pour effectuer une activité, de la multiplicité des voies pour se former des compétences apparaît aujourd’hui essentielle pour permettre aux jeunes de construire certaines perspectives d’avenir en matière professionnelle.

Par ailleurs, comme on l’a brièvement évoqué à propos des partenaires de l’éducation à l’orientation, l’information en cette matière doit être clairement distinguée de la propagande. C’est la raison pour laquelle la loi que l’on envisage ici devrait aussi poser quelques principes fondamentaux en matière d’information pertinente, de didactique et de déontologie de l’information. Au moment où de telles réflexions se développent, cette loi pourrait sans doute souligner la nécessité d’introduire dans cette information des notions comme celle de travail ou d’emploi équitables (just work. Cf. Russel Muirhead, 2004).

Cette loi devrait également mentionner les acteurs ayant en charge l’information et l’éducation à l’orientation et les missions de chacun. Elle devrait en particulier préciser les rôles des conseillers d’orientation psychologues et des enseignants. Elles devraient bien entendu définir les moyens budgétaires correspondants. En particulier, si une mission est attribués aux enseignants, plusieurs points devraient être définis : quels enseignants – c’est-à- dire : sélectionnés sur quels critères ? Et après quelles formations, expériences ou stages ? – pourraient s’y investir ? Quelle serait leur décharge de service (par exemple : un demi- service) ? Avec quels élèves pourraient-ils conduire quelles activités ? Etc.

Dans le cadre d’un tel rapport qui ne peut être plus qu’un point de départ pour une réflexion plus approfondie, il est difficile d’être plus précis. Un point doit néanmoins être réaffirmé pour conclure : les enjeux de l’information, de l’éducation et du conseil dans le domaine de

l’orientation sont à ce point importants tant du point de vue économique que du point de vue sociétal qu’il est fondamental qu’une réflexion approfondie débouchant sur des dispositions légales soit menée en cette matière. L’enjeu en est double : d’une part, la richesse et, d’autre part, la cohésion sociale de la nation. Depuis des décennies, cette question n’a pas été traitée. Ou plutôt, elle ne l’a été que sous la forme de mini – mesures tendant toutes à réduire l’orientation peu ou prou à une question de gestion des flux scolaires (par exemple, très récemment : mise en place d’un entretien en classe de troisième, dossiers de pré-inscription à l’université, etc.).

On ne peut s’empêcher de penser que cette absence de vision politique des enjeux de l’information, de l’éducation et du conseil en orientation a contribué à faire émerger des problèmes économiques et sociaux beaucoup plus fréquents et intenses pour les jeunes français que pour ceux des autres pays industrialisés. Rappelons-les pour terminer : plus de 100000 jeunes sortant chaque année de l’école sans diplôme, un taux de chômage des moins de 25 ans plus élevé en France que (1) dans la zone euro, (2) dans l’ensemble de l’union européenne et (3) qu’aux Etats-Unis (taux de chômage des moins de 25 ans, en juillet 2006 : France = 21,2%, Zone euro : 16,8%, Union européenne : 17,2%, Etats-Unis : 10,8%) et une « fracture sociale » se manifestant par une sorte de « ghettoïsation » de différents quartiers et se traduisant, depuis deux décennies par un nombre croissant de manifestations, de démonstrations et, plus récemment, d’émeutes de jeunes.

IV. Conclusion : Pour une approche copernicienne de