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La nécessité d’un contrôle sanitaire

Le contrôle sanitaire s’apparente sous la forme d’une visite médicale de prévention réalisée au bénéfice des migrants primo-arrivants (A). Ce contrôle incite à mettre en place « un rendez-vous santé » le plus précocement possible pour ces personnes afin de diagnostiquer d’éventuelles pathologies (B).

A. La Visite médicale des étrangers primo-arrivants

1. Le déroulement de la visite médicale de prévention

La visite médicale de prévention, réalisée par les agents de l’Office français de l’intégration et de l’immigration (OFII) est une étape obligatoire pour tous les étrangers primo-arrivants en provenance de pays tiers qui souhaitent obtenir l’asile, admis à séjourner pour une durée supérieure à 3 mois en France147. Instituée au lendemain de la seconde guerre mondiale par un décret du 30 juin 1946 afin de contrôler les flux migratoires148, la visite médicale a évolué pour devenir un « instrument de santé publique» et de lutte contre les maladies infectieuses et transmissibles149. Son contenu est précisé par un arrêté du 11 janvier 2006 relatif à la visite médicale des étrangers autorisés à séjourner en France, qui a placé la visite médicale dans une logique de santé publique et de promotion de la santé150. Ce dispositif est assuré par les médecins de l’OFII et concerne environ 200 000 personnes par an151. Il comprend un examen clinique général, une vérification du statut vaccinal, un examen radiographique des poumons ainsi qu’un examen urinaire152.

147 Haut Conseil de la santé publique, avis relatif aux recommandations concernant la visite médicale des

étrangers primo-arrivants en provenance de pays tiers, 6 Mai 2015.

148 Décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des

étrangers.

149 Sénat, Projet de loi de finances pour 2018 : Asile, immigration, intégration et nationalité, 13 juillet 2019 150 M. WLUCZKA, Du contrôle sanitaire à la prévention, les enjeux de la santé des migrants, dans Les Tribunes de

la santé, 2007/4 (n° 17), pages 39 à 45.

151 Haut Conseil de la santé publique, avis relatif aux recommandations concernant la visite médicale des

étrangers primo-arrivants en provenance de pays tiers, op.cit.

34 L’immigration familiale et étudiante sont les plus importantes (respectivement 80 000 et 60 0000 visites par an) suivi par la suite par les travailleurs immigrés (20 000) alors que sur les 70 000 demandeurs d’asile par an, seuls ceux qui sont pris en charge dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) bénéficient de cette visite médicale (25 000 seulement par an sur les 70 000), les autres migrants, hébergés en structures d’urgence ou par leurs propres moyens, n’en bénéficient pas153.

Toutefois le HCSP rappelle que le terme d’étrangers «primo-arrivants » comme indiqué et prévu par le dispositif n’est pas le plus adapté dans la mesure où la visite médicale est également obligatoire pour les migrants qui demandent à changer de statut, présent depuis plusieurs années sur le territoire154. C’est également le cas des étrangers en situation irrégulière, régularisés et présents en France depuis quelques années et qui ne correspondent pas à la dénomination de « primo-arrivants »155.

La réalisation de la visite médicale par les médecins de l’OFII répond à un double objectif à la fois de prévention et de contrôle. Elle priorise notamment le dépistage des principales maladies et est réalisée dans l’intérêt et au bénéfice des personnes migrantes tout en répondant à un objectif de santé publique156.

Selon l’article 3 de l’arrêté du 11 janvier 2006, « A l'issue des différents examens, il est délivré un certificat indiquant que l'intéressé remplit ou ne remplit pas les conditions médicales autorisant son séjour en France.»157.

La mission de contrôle sanitaire a pour objectif d’éviter la propagation de certaines maladies infectieuses et transmissibles sur le territoire français, mentionnées dans le règlement sanitaire international (RSI)158. C’est également le cas pour certaines maladies émergentes (EBOLA, grippe aviaire, virus Zika etc.) qui peuvent faire l’objet d’une urgence de santé

153 Haut Conseil de la santé publique, avis relatif aux recommandations concernant la visite médicale des

étrangers primo-arrivants en provenance de pays tiers, op.cit.

154 Ibid. 155 Ibid.

156 M. WLUCZKA, Du contrôle sanitaire à la prévention, les enjeux de la santé des migrants, op.cit.

157 Arrêté du 11 janvier 2006 relatif à la visite médicale des étrangers autorisés à séjourner en France, article 3. 158 Le Règlement sanitaire international (2005), est un instrument juridique international qui à force obligatoire

pour 196 pays dans le monde, dont tous les États Membres de l’OMS. Il a pour but d’aider la communauté internationale à prévenir les risques graves pour la santé publique, susceptibles de se propager au-delà des frontières et de constituer une menace dans le monde entier et à y riposter.

35 publique de portée internationale (USPPI)159. Parmi les maladies transmissibles à contrôler, le dépistage de la tuberculose représente un enjeu majeur de la visite médicale160.

Un dépistage précoce de cette maladie sera en tout premier lieu bénéfique pour la personne elle-même. Le diagnostic de la tuberculose, dans le dispositif actuel, ne donne pas lieu à un refus de titre de séjour mais conduit en l’occurrence à suspendre la délivrance du titre jusqu’à la preuve d’une prise en charge adaptée ayant permis l’atténuation des symptômes de la maladie (suppression de l’excrétion de bacilles de Koch)161.

Enfin, une pathologie psychiatrique diagnostiquée par les médecins lors de la visite médicale peut conduire, théoriquement, au refus de délivrance d’un titre de séjour lorsqu’elle est susceptible de porter atteinte à l’ordre public162. Toutefois le HCSP considère que « la protection de l’ordre public est un objectif légitime des pouvoirs publics mais que ses modalités d’application pour les malades mentaux doivent être les mêmes quels que soient la nationalité ou le statut de résidence des personnes présentes sur le territoire et que cette mission relève des services de soins psychiatriques »163.

2. Un dispositif qui tend à la baisse

Le champ d’action des visites médiales opérées par l’OFII s’est réduit ces dernières années, excluant certains groupes de migrants de ce dispositif164. Parmi les groupes désormais exemptés de la visite médicale on retrouve :

- Depuis un décret de 2014, les étrangers demandant des cartes de séjour « artistes, chercheurs, salariés en mission, compétences et talents et leur famille » soit une population totale de 7500 personnes par an165.

159 HCSP loc.cit. Note 125 160 Ibidem. 161 Ibid. 162 Ibid. 163 Ibid.

164 Sénat, Projet de loi de finances pour 2018 : Asile, immigration, intégration et nationalité op.cit.

165 Décret n° 2014-921 du 18 août 2014 modifiant diverses dispositions relatives au droit au séjour et au travail

36 - Depuis 2016, les étrangers présents en France depuis plus de 6 mois et dont un titre

de séjour leur est accordé, représentant une population de 90 000 personnes166. - Depuis 2017, les étudiants étrangers, avec la loi du 7 Mars 2016 relative au droit des

étrangers en France167 représentant une population de 73 000 personnes.

Le nombre de visites médicales a considérablement diminué passant de 212 000 en 2016 à 50 000 en 2017 et seule une minorité de migrants primo-arrivants aujourd’hui bénéficient de ce dispositif (notamment les travailleurs étrangers et ceux admis au titre du regroupement familiale)168. Les raisons principales de cette baisse du nombre de visites médicales et de la restriction du champ d’action tiennent, en premier lieu, de compenser le transfert d’une nouvelle compétence à l’OFII qui est « l’instruction des dossiers des étrangers malades » qui sollicite, au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance d’un titre de séjour sur ce motif169.

En second lieu, la baisse du nombre de médecin de l’OFII pour pratiquer ces visites médicales (75 médecins vacataires en 2017 sur l’ensemble du territoire national)170 explique cette baisse de ce dispositif.

B. Mise en place d’un rdv santé précocement

La prise en charge des migrants primo-arrivants passe par la mise en place d’un « rendez- vous santé » précocement afin de garantir l’efficacité de leur parcours de soins171. Ce rendez-vous santé a plusieurs objectifs parmi lesquels : « l’information, la prévention, le dépistage de certaines maladies transmissibles et infectieuses et l’orientation et l’insertion dans le système de soins de droit commun »172.

Selon l’avis du Haut conseil en santé public en date du 06 mai 2015, ce dispositif doit intervenir dans un délai de 4 mois après l’arrivée de la personne migrante, est détaché de

166 Sénat, loc.cit. Note 140

167 Article 5 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. 168 Sénat, loc.cit.

169 Article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 170 Sénat, loc.cit.

171 Instruction 08 Juin 2018 relative au parcours santé des migrants op.cit. 172 Ibidem.

37 toute fonction de contrôle et est soumis au secret médical173. Ce rendez-vous santé doit comporter différents éléments et délivrer des informations portant notamment sur :

- Les grands principes de la santé en France : droits de refuser les soins, liberté de choisir son praticien, droit au secret médical etc.174.

- Les modalités d’accès, d’organisation et de fonctionnement du système de santé et les modalités de prise en charge des soins (AME, CMU-C etc.)175.

- La santé de certaines catégories de personnes particulièrement vulnérables notamment les femmes enceintes et les mineurs : suivi gynécologique, droit à l’avortement, service de protection maternelle et infantile etc.176.

- Un examen clinique général effectué par un médecin, incluant : une évaluation de l’exposition à des violences physiques, sexuelles, et mentales et de leurs conséquences sur la santé ainsi que le recueil des antécédents médicaux du patient177.

- Une mise à jour du statut vaccinal et un dépistage de la tuberculose pour les personnes en provenance de pays à forte endémicité (dépistage réalisé par les CLAT)178.

- Des examens complémentaires sont également systématiquement proposés pour le dépistage du VIH, VHB et VHC179.

A l’issue de ce rendez-vous santé, une attestation sera délivrée à la personne, qui fera mention que celle-ci a bien procédé à ce dispositif et qu’il sera le seul document permettant l’obtention du titre de séjour dans ce cadre180.

Au préalable de ce rendez-vous santé, d’autres actions en amont peuvent être réalisées notamment si la situation l’impose (accueil massif de migrants primo-arrivants)181. Ça peut être par exemple la mise en place de bilans d’orientations infirmiers réalisés en équipe avec des interprètes, ayant pour but d’intervenir dans des camps, squats ou structures

173 HCSP, avis du 06 mai 2015 op.cit. 174 Ibidem. 175 Ibid. 176 Ibid. 177 Ibid. 178 Ibid. 179 Ibid. 180 Ibid.

38 d’hébergements d’urgence afin d’orienter, sans délai, les personnes qui le nécessitent vers des soins adaptés et identifier les personnes pour qui le rendez-vous santé peut être réalisé sans urgence182.