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1. Paléogénétique et paléogénomique

1.3. Pathogènes anciens

1.3.2. Mycobacterium tuberculosis

Mycobacterium tuberculosis est l’agent de la tuberculose (parfois appelée phtisie). Cette bactérie est aérobie, non mobile et en forme de bâtonnets. Elle est acido-alcali résistant et pousse très lentement. La tuberculose affecte un tiers de la population mondiale et est responsable du décès d’environ 1,5 million de personnes chaque année (données issues du site du CDC, www.cdc.gov/tb, dernière consultation le 21/10/2015). La tuberculose est un problème de santé publique depuis des siècles, comme en atteste cette carte de 1874 montrant la prévalence de la tuberculose aux Etats-Unis (Figure 12).

Figure 12 : prévalence de la tuberculose (phtisie) aux Etats-Unis en 1874. L’intensité de la coloration rouge reflète la morbidité [79].

En l’absence de traitement, la maladie peut entraîner la mort. Des sanatoriums ont fleuri entre le 19ème et la première moitié du 20ème pour aider à la guérison spontanée. L’espèce humaine est l’hôte naturel de M. tuberculosis, mais la bactérie peut infecter d’autres mammifères. Cette bactérie appartient au MTBC (Mycobacterium tuberculosis complex) qui est un groupe de mycobactéries génétiquement proches et capables de provoquer la tuberculose. Ces espèces sont M. tuberculosis, M. africanum, M. bovis,

M. microti, M. canettii, M. caprae, M. pinnipedii, M. orygis et M. mungi [80].

Le mode de transmission naturel repose sur les gouttelettes expectorées lorsqu’une personne infectée tousse, se mouche ou parle. La taille de ces gouttelettes leur permet de rester longtemps en suspension dans l’air. Elles contiennent entre 1 et 3 bactéries, ce qui est suffisant pour provoquer une infection chez un nouvel hôte quand elles se déposent au niveau des alvéoles pulmonaires. La bactérie est alors ingérée par un macrophage, dans lequel elle commence à se multiplier, jusqu’à former une lésion primaire par contamination d’autres macrophages. Après un certain temps, des bacilles sont transportés jusqu’aux ganglions lymphoïdes. L’infection devient alors clinique, les symptômes les plus fréquents étant une toux chronique avec éventuellement une hémoptysie, de la fièvre, des suées nocturnes et une perte de poids. La forme pulmonaire de la tuberculose est la plus fréquente, mais il existe des formes extra-pulmonaires, telles que la méningite tuberculeuse, la tuberculose uro-génitale et la tuberculose osseuse ou maladie de Pott. Cette dernière forme est d’un intérêt particulier dans les études sur l’ADN ancien car elle provoque des déformations osseuses caractéristiques (Figure 13).

La première publication mettant en évidence l’ADN de M. tuberculosis remonte à 1993, quand Spigelman et al. détectent un fragment de l’IS6110 dans des os médiévaux [13]. La séquence d’insertion IS6110 est réputée spécifique de MTBC, tout en étant présente en de multiples copies. De nombreuses publications ont permis la détection et l’analyse de l’ADN de M. tuberculosis dans des ossements présentant des signes de la maladie de Pott. Néanmoins, des publications récentes ont mis en doute puis invalidé l’hypothèse de la spécificité des éléments d’insertion IS6110 et IS1081 pour MTBC [82-84]. Des mycobactéries du sol comportent dans leur génome des séquences comparables. Comme elles sont susceptibles d’avoir colonisé les os étudiés, la détection des séquences d’insertion n’est plus suffisante pour confirmer la présence de M. tuberculosis, ce qui met en doute de nombreuses études.

Si la présence d’ADN ne peut être confirmée par l’amplification des éléments d’insertion IS6110 et IS1081, d’autres marqueurs ont été mis en évidence. En 2012, Bouwman et al. ont réussi à amplifier, outre les éléments d’insertion, des éléments répétés (DR) spécifiques de M. tuberculosis, un fragment du gène mpt40, réputé lui-aussi spécifique du MTBC, mais surtout des fragments ciblant des SNPs, ce qui leur a permis de proposer un génotypage de la souche étudiée, datant du 19ème siècle [85]. La souche identifiée est identique à des souches encore circulantes (souche H37Rv), bien qu’absente aujourd’hui de la zone géographique dont est issu l’échantillon. En 2013, Chan et al. publient le génome de deux souches de M. tuberculosis isolées à partir d’une unique momie datant

du 19ème siècle [86]. L’état exceptionnel de préservation leur permet d’obtenir 8% des

séquences s’alignant sur le génome de M. tuberculosis. Enfin, en 2014, Bos et al. [40] ont publié les réels premiers génomes anciens de M. tuberculosis, séquencés à partir d’ossements précolombiens (11ème - 13ème siècle). La technique employée était comparable à celle mise en œuvre pour Y. pestis, avec sélection d’ossements présentant des lésions, préparation de banques, enrichissement par capture de gènes spécifiques (rpoB, gyrA, gyrB, katG, and mpt40) et séquençage sur plateforme Illumina. Sur 68 échantillons testés, trois ont présenté suffisamment de séquences pour être sélectionnés en vue d’un séquençage génomique après capture par hybridation sur l’ensemble du génome.

La souche séquencée s’est révélée être plus proche des souches de M. tuberculosis adaptées aux morses que de l’ensemble des souches modernes connues. Cela remet en cause l’idée que M. tuberculosis serait arrivé en Amérique par le détroit de Béring avec

d’apparition pour M. tuberculosis il y a 6.000 ans, ce qui contredit la majorité des analyses basées sur la comparaison de séquences modernes, en faveur d’une émergence en Afrique, qui abrite encore aujourd’hui la plus grande diversité de souches.

M. tuberculosis se serait répandu dans le globe à partir du Pléistocène [87].

Néanmoins, le débat reste ouvert, d’autres publications allant dans le sens de l’hypothèse de Bos et al. [88, 89]. L’absence de spécificité de l’ensemble des gènes réputés spécifiques de M. tuberculosis a récemment été démontrée par la même équipe qui a invalidé les séquences d’insertion. De même, ces auteurs évoquent le risque de créer lors de la reconstruction d’un génome de M. tuberculosis à partir d’échantillons anciens une chimère intégrant des éléments de M. tuberculosis et d’autres mycobactéries présentes dans l’environnement, ce qui peut induire des positionnements aberrants dans l’arbre phylogénétique de M. tuberculosis. Une telle aberration pourrait être responsable du placement de la souche séquencée par Bos et al. comme étant liée aux mammifères marins.

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