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La première mutation de MET a été identifiée en 1997 dans un carcinome rénal papillaire héréditaire et a fourni les premières preuves reliant MET à l'oncogenèse (Schmidt et al., 1997). Depuis, plus de 1200 mutations distinctes de MET, touchant divers types de cancers, ont été répertoriées et regroupées sur le site COSMIC (catalogue of somatic mutations in cancer). La majorité de ces mutations sont des mutations faux-sens (69%), des mutations silencieuses (13%) ou des délétions en phase (5%). Il est à noter que même si ces mutations ont été décrites dans des cas de cancers leur implication dans le processus oncogénique n’est pas systématique, comme le montre la présence de mutations silencieuses. En effet, il y a une différence entre une mutation répertoriée et une mutation véritablement caractérisée. L’étude fonctionnelle des mutations reste nécessaire pour vérifier leur

51 implication dans la tumorigenèse. Les mutations répertoriées sont réparties sur l’ensemble de la séquence de MET. Toutefois, il existe certains « hotspots » où la fréquence des mutations augmente. C’est le cas au niveau du domaine kinase et juxtamembranaire et dans une moindre mesure au niveau du domaine extracellulaire (Figure 13). Les mutations, dont le rôle dans le processus oncogénique est avéré, vont majoritairement conduire à l’activation constitutive du récepteur ou empêcher sa dégradation.

Figure 13 : Les différentes mutations de MET répertoriées chez l’Homme. L’ensemble des mutations sont

réparties sur la totalité de la séquence de MET. Toutefois certains « hotspots » sont identifiables au niveau du domaine kinase, juxtamembranaire et dans une moindre mesure au niveau du domaine extracellulaire.

Cette figure a été réalisée d’après le site COSMIC. https://cancer.sanger.ac.uk/cosmic/gene/analysis?ln=MET

B.1.1. Les mutations du domaine kinase

Le lien entre l’altération de MET et le développement tumoral a été établi en premier lieu grâce à l’identification de mutations situées sur le domaine kinase de MET dans les carcinomes papillaires rénaux (mutations germinales ou somatiques) puis dans les cancers des voies aérodigestives supérieures (mutations somatiques) (Jeffers et al., 1998; Schmidt et al., 1997). Ces mutations sont des mutations faux-sens qui vont conduire à l’activation constitutive du récepteur sans ligand, telles que

52 mutations, dont les mutations D1228N et M1250T, vont non seulement activer le récepteur mais aussi favoriser son recyclage à la membrane plasmique (Joffre et al., 2011).

Leur implication dans la tumorigenèse a été évaluée dans des souris KI les exprimant. De manière intéressante, la nature de la tumeur obtenue diffère en fonction des mutations. Par exemple, les souris exprimant la mutation MET M1248T (M1250T chez l’homme) ont montré le développement de carcinomes ou de lymphomes à une fréquence élevée, tandis que les souris MET D1226N et Y1228C (D1228N et Y1230C chez l’homme) ont principalement développés des sarcomes et des lymphomes (Graveel et al., 2004). Chez l’homme, ces mutations du domaine kinase peuvent affecter jusqu’à 15% de patients atteints d’un cancer papillaire rénal (Durinck et al., 2015) (Figure 14).

B.1.2. Les mutations du domaine juxtamembranaire

D’autres mutations ont été décrites au niveau du domaine juxtamembranaire de MET dont les conséquences fonctionnelles sont, là aussi, peu connues. Ces mutations pourraient être un simple polymorphisme car dans certains cas elle sont retrouvées dans la lignée germinale (Lee et al., 2000). Pourtant, nous avons évoqué tout à l’heure que le domaine juxtamembranaire de MET jouait un rôle très important dans la régulation des fonctions catalytiques. De plus, des données fonctionnelles montrent que certaines de ces mutations sont impliquées dans la tumorigenèse. Par exemple, les mutations les plus fréquentes sont les mutations R970C, P991S et T992I retrouvées notamment dans 3 à 10% des cancers pulmonaires (Boland et al., 2013; Krishnaswamy et al., 2009; Tyner et al., 2010).

In vitro, ces mutations favorisent la motilité cellulaire, la migration et la croissance sans ancrage, autant

de caractéristiques témoignant d’un potentiel métastatique (Lee et al., 2000; Ma et al., 2003). In vivo, une équipe a montré que les lignées cellulaires exprimant ces mutants de MET forment des tumeurs plus rapidement que les cellules exprimant le MET sauvage (Lee et al., 2000). D’autre part, notre équipe a montré dernièrement que la mutation R970C favorisait le clivage de MET par les calpaïnes dans le cancer du poumon. Le fragment généré favorise la mobilité et la migration des cellules induite par l’HGF/SF (Montagne et al., 2017). Cependant, ces mutations ne semblent pas induire une activation du domaine kinase de MET (Tyner et al., 2010). De ce fait, la question de savoir si ces mutations jouent bel et bien un rôle dans la tumorigenèse reste controversée.

B.1.3. Les mutations conduisant au saut de l’exon 14

Récemment, des séquençages complets de MET issus d’échantillons tumoraux ont montré qu’un grand nombre de mutations touche les sites d’épissage de l’exon 14, codant pour le domaine

53 juxtamembranaire, et conduit au saut en phase de cet exon. Une étude par NGS (next generation

sequencing) de plus de 38000 tumeurs a permis d’identifier 221 cas présentant un saut de l’exon 14

engendré par 126 mutations différentes. Ces résultats soulignent qu’une grande diversité de mutations peut conduire au saut de l’exon 14. Ces mutations sont des mutations ponctuelles, des délétions, des insertions ou des mutations complexes (InDels) touchant le site donneur ou accepteur d’épissage mais également les régions introniques aux abords du site accepteur (Frampton et al., 2015). Ces mutations, provoquant le saut de l’exon 14, ont été répertoriées dans environ 3% des adénocarcinomes pulmonaires (Cancer Genome Atlas Research Network, 2014; Onozato et al., 2009) (Figure 14). Elles ont également été détectées dans des cellules cancéreuses gastriques et de neuroblastome suggérant qu’elles soient présentes dans une grande variété de tumeurs (Lee et al., 2015; Yan et al., 2013). In vitro, des études montrent que la perte de l’exon 14 provoque une diminution de la liaison de CBL, une stabilisation de la protéine et donc une signalisation prolongée de MET. In vivo, les cellules exprimant une version de MET délétée de l’exon 14 sont fortement tumorigènes et développent de plus grosses tumeurs (Kong-Beltran et al., 2006; Lee et al., 2006; Togashi et al., 2015). La perte des sites de régulation négative situés sur le domaine juxtamembranaire pourrait expliquer la suractivation du récepteur MET. Ainsi, l’implication des différents sites de régulation négative dans le processus oncogénique fait l’objet d’une thèse dans le laboratoire. Il est important de noter que ces cellules sont sensibles aux inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) de MET in

vitro (Kong-Beltran et al., 2006; Lee et al., 2006; Togashi et al., 2015). De manière cohérente, plusieurs

études montrent des réponses encourageantes aux traitements par TKI de MET chez des patients présentant un saut de l’exon 14 (Frampton et al., 2015; Jenkins et al., 2015; Jorge et al., 2015; Mahjoubi et al., 2016; Paik et al., 2015; Waqar et al., 2015).

Ainsi la détection chez les patients, de mutations touchant les sites d’épissages de l’exon 14 est essentielle. Or jusqu’à présent, les méthodes d’analyses qui ont permis de détecter ces mutations, comme le séquençage complet, ne conviennent pas pour les diagnostics de routine en raison du coût élevé et de la nécessité d’utiliser de gros échantillons tumoraux. C’est pourquoi notre équipe a participé, en collaboration avec le département de Biochimie et de Biologie Moléculaire du CHU de Lille et le plateau de génomique de Lille, à l’optimisation des tests de routine pour détecter les mutations du site d'épissage MET exon 14. Ce travail montre que l’analyse par NGS ciblé et optimisé, combinée avec l’analyse de la longueur du fragment, permet de détecter en routine les mutations du site d’épissage de l’exon 14 de MET chez 2.2% des patients contre 0.3% avec le NGS seul et non optimisé (Descarpentries et al., 2018).

54 B.1.4. Les mutations du domaine extracellulaire

Concernant les mutations localisées sur le domaine extracellulaire, on retrouve un plus fort taux de mutation au niveau du site codant pour le domaine SEMA. Celui-ci est nécessaire à l’activation du récepteur car il participe à la liaison avec l’HGF/SF. Une mutation de ce domaine, comme la mutation N375S, est particulièrement retrouvée dans les cas de cancers bronchiques à non petites cellules (CBNPC). Toutefois, comme les conséquences fonctionnelles des mutations extracellulaires de MET ne sont pas encore bien établies, leur implication dans la tumorigenèse reste controversée. La mutation N375S, qui est la plus fréquente, induit des changements conformationnels qui diminuent l’affinité de MET pour son ligand. Une autre étude montre que la mutation confère également une résistance à l’apoptose induite par un inhibiteur de l’activité kinase de MET (Krishnaswamy et al., 2009). Cependant, plus récemment, des études ont montré que cette mutation existait au niveau germinal dans la population asiatique et qu’elle n’était pas associée à une susceptibilité au cancer (Liu et al., 2012; Shieh et al., 2013). Cette mutation particulière pourrait donc être simplement le reflet d’un polymorphisme.