• Aucun résultat trouvé

La musique comme support du sentiment de continuité d’existence

C- Exemple d’un atelier où la musique occupe une place importante

III- Quand la musique soutient la danse pour une construction identitaire

1. La musique comme support du sentiment de continuité d’existence

« La musique fait entendre sa loi au danseur [qui] l’applique à son mouvement » F. SCHOTT- BILLMANN

Au XIXème siècle, la musique était utilisée dans les asiles de psychiatrie parisiens pour les notions d’ordre et de mesure qu’elle contient. L’objectif en était de rétablir l’ordre moral et un comportement social adapté chez les sujets « fous ».

71

JEAMMET P., « D’un narcissisme à l’autre » in HUERRE P. et RENARD L., Parents et adolescents, Eres « Enfances & PSY », 2003, pp.79-90.

46

La musique est une organisation du sonore qui possède des limites spatiales et temporelles. Elle présente des caractéristiques invariables et précises : un La est un La, la structure d’un morceau de musique ne change jamais en fonction de son auditeur. Ainsi, elle peut offrir un cadre structuré dans le suivi en psychomotricité.

Chaque élément fondamental de la musique peut avoir une fonction différente. La mélodie propose une continuité temporelle dans la séance même et au cours des séances qui se suivent, le rythme permet une structuration courte et précise, et le tempo va refléter la

dynamique que le psychomotricien veut inscrire.

Les limites que propose la musique auront alors un impact important sur la structuration

de l’espace et, par transposition, sur l’appareil psychique du sujet. Cela peut être très important

comme première étape de travail avec des personnes ayant des difficultés à distinguer ce qui est de l’ordre de leur monde interne de ce qui est de la réalité extérieure. Utiliser la musique, comme structure de la séance, par superposition, pourra accompagner le sujet dans la restructuration de son Moi-peau par l’intermédiaire des enveloppes sonores.

• La musique contient

La musique est un espace sonore bien particulier où l’auditeur se trouve protégé de

l’intrusion et du débordement que peuvent occasionner les sons (même s’il n’y a pas eu

d’élaboration psychique de structuration d’un appareil à penser). E. LECOURT nous explique que la musique est un espace privilégié dans le sonore, espace pour le plaisir72. Elle a donc cette fonction contenante que n’a pas le bruit environnant et ainsi peut faire partie des éléments

constitutifs du Moi-Peau. Ainsi elle va participer à l’organisation de celui-ci et donc de la pensée.

Lorsque la musique peut être vécue comme contenante par le sujet, elle va constituer un

lieu sécure d’expérimentation. Il sera alors possible, avec ce support, de travailler sur le

rapprochement, la distanciation, les séparations et retrouvailles, l’accordage, la fusion et le dégroupement… Cette contenance permettra également que la musique puisse offrir un espace de repos, où le sujet se laissera aller à la détente, pourra se recentrer sur lui-même et ainsi être

plus attentif à ses sensations.

Le sentiment d’être contenu dans cette enveloppe sonore musicale pourra accompagner l’individu dans un affinement de sa perception auditive, un élargissement de sa conscience du monde sonore et ainsi, à travers cette attention portée au sonore, dans un élargissement de la

conscience de soi.

72

47

Retenons que les propriétés contenantes de la musique vont alors accompagner le sujet dans une organisation de sa pensée et lui offrir un lieu sécure d’expérimentation où il pourra se recentrer sur lui-même et être attentif à ses sensations. Elles vont ainsi agir sur les impressions (dépôt, accueil, intériorisation...) et l’expression du sujet (action, décharge, pulsion...). Si la musique contient, nous pouvons aussi penser qu’elle soutient. Qu’en est-il ?

• La musique soutient et solidifie un ancrage

« C’est dans et par le corps que l’ancrage au monde se construit »

C. POTEL73

Nous avons vu plus haut qu’un des mécanismes de réception du sonore est la

sonosomesthésie. Ainsi le son va agir sur le squelette, les membranes, la peau, les organes, et

les muscles, à l’origine de nombreux éprouvés corporels et représentations. Plus précisément, les percussions et vibrations de la musique, par la sollicitation des capteurs tendineux et articulaires, peuvent résonner sur le squelette de l’auditeur. A travers ceci, le psychomotricien pourra amener le patient dans une expérience corporelle du ressenti de sa structure osseuse, et par voie de conséquence, de ses appuis. Ainsi, accompagnant le sujet dans un certain ancrage au sol, l’enveloppe musicale va faciliter, chez lui, le développement d’une certaine axialité et le développement psychique qui l’accompagne, un ancrage corporel de l’identité.

Lorsque le psychomotricien amène son patient à s’ancrer dans son propre corps, il va, de ce fait, l’accompagner à s’appuyer sur ce socle pour avancer dans sa construction identitaire, pour devenir porteur d’une identité différenciée. Ainsi nous pouvons penser que la musique va offrir au sujet une certaine sécurité de base, un bruit de fond sensori-tonique qui va soutenir le patient dans la réalisation de ses désirs, l’investissement de sa curiosité et l’agir.

La répétition est un motif musical constitutif des musiques du monde entier. Les musiques très rythmées, en particulier les musiques baroques, offrent au sujet un sentiment de

réassurance, de stabilité et de sécurité. Le caractère rassurant et structurant de la répétition

peut être issu du souvenir de l’omniprésence de cette dernière dans les échanges relationnels entre l’objet maternant et l’enfant, mais également, bien avant, dans la rythmicité des bruits du cœur de la mère, premiers sons perçus par l’enfant. Dans cette relation, c’est quand l’enfant se sentira assez en confiance qu’il pourra dépasser cette répétition pour aller vers la nouveauté, l’inattendu, l’étranger, qui pourrait être source d’angoisse. Par analogie, nous pouvons penser que cet effet rassurant que propose la musique pourra être un support pour notre patient pour aller vers du nouveau.

73

48

Ici nous voyons comment la musique comme support, appui, source d’ancrage, va accompagner le sujet dans une réalisation de soi, l’expression corporelle ou verbale de ce qui l’anime. Nous pouvons faire un lien entre l’écoute et la notion de présence réconfortante, mais aussi entre l’absence de musique et la notion de perte, d’abandon.

« Jouis de la musique, c’est la formation de l’harmonie intérieure » CONFUCIUS

La musique qui structure, contient, offre un sentiment de sécurité de base va conduire le sujet dans le ressenti d’un sentiment de continuité d’existence. Ainsi le son, par son action sur la peau et le psychisme fera ressentir les limites, par son action sur les muscles fera ressentir le

tonus, par son action sur le squelette fera ressentir les appuis, etc. La mise en lien dans un

étayage de cette structuration corporelle, de la psyché et de la relation à l’autre va permettre au sujet de découvrir et se représenter ces éprouvés corporels et ainsi de développer un sentiment

de continuité d’existence.

C’est parce que la musique « porte » celui qui l’écoute, lui offre une certaine sécurité intérieure, et parce qu’elle permet l’ancrage d’une certaine notion du temps qui s’écoule, qu’elle va accompagner, en lui, le développement de ce sentiment interne.

Ainsi la musique accompagne le sujet dans une structuration psychique et une

construction de son identité. En cela elle est un outil à la thérapie psychomotrice. Si la musique

est un support pour l’acquisition d’une continuité d’existence elle le sera aussi pour permettre au sujet de se situer dans celle existence.