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Chapitre I : Interaction Satellite – Environnement Spatial – Modèles de conduction électrons / matériaux 7

I.7 Les moyens expérimentaux actuels

De nombreuses études expérimentales ont été réalisées avant ce travail de doctorat afin d’étudier le comportement électrique des polymères en environnement spatial [31], [52], en visant à identifier les mécanismes physiques qui gouvernent les phases de charge et de relaxation. Ces études se sont appuyées sur des moyens expérimentaux, techniques de mesure in-situ et méthodes expérimentales installées ou mises au point à l’ONERA. Ces méthodes et moyens sont décrits ci-dessous.

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I.7.1 Mesure de potentiel de surface sans contact

Développée dans les années 1970, cette technique permet d’étudier l’état de charge de matériaux diélectriques. La mesure de potentiel de surface permet de mettre en évidence des phénomènes physiques, tels que la conduction de surface, des processus dipolaires, l’injection de charges… L’échantillon à analyser est préalablement chargé par irradiation électronique ou décharge couronne [101]. Ensuite, une sonde électrostatique sonde la surface de l’échantillon en se plaçant à quelques millimètres de cette surface (Figure I.33). Etablie par Lord Kelvin en 1898 [102], cette technique permet de suivre l’évolution du potentiel de surface « VS » d’un diélectrique irradié au cours du temps.

Figure I.33. Principe de la mesure de potentiel de surface sans contact

Cette sonde de Kelvin (ou Kelvin probe en anglais) est constituée d’un condensateur vibrant connecté à un voltmètre électrostatique. Le fonctionnement repose sur le couplage capacitif entre le détecteur à vibration mécanique, sur lequel est appliqué une tension variable V, et la surface chargée de l’échantillon [103], [104]. Le principe consiste alors à annuler le courant capacitif mesuré « I » : ce courant est nul lorsque la tension V est égale au potentiel de surface de l’échantillon irradié. Nous connaissons alors cette valeur de potentiel.

Cette technique de mesure sans contact, qui présente l’avantage de ne pas perturber l’état de charge du matériau irradié, a été installée dans de nombreuses enceintes d’irradiation présentes à l’ONERA (Toulouse). Les mesures peuvent être réalisées en phase d’irradiation et de relaxation, ce qui permet de caractériser finement le comportement électrostatique du matériau d’étude et d’extraire, par des méthodes d’extraction dédiées, les paramètres gouvernant cette charge : conductivités volumique et surfacique, rendement d’émission secondaire, permittivité diélectrique.

-Echantillon Sonde électrostatique D Transport volumique Transport surfacique l

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I.7.2 Mesure de relaxation de potentiel thermostimulé sans

contact

La stimulation thermique d’un matériau couplée à des mesures électriques (mesure de potentiel) permet d’aboutir à une meilleure compréhension des mécanismes physiques gouvernant la charge du matériau et les effets d’ionisation induits par les électrons de haute énergie. Dans des études antérieures, Roggero et al. [81] ont développé une méthode par relaxation de potentiel thermostimulé pour l’étude d’un polymère silicone à usage spatial. Cette méthode se base sur la technique de mesure de potentiel sans contact décrite dans la section précédente : dans un premier temps, le matériau (échantillon avec face-avant libre, c’est-à-dire sans métallisation) est irradié sous un faisceau électronique (quelques keV) à basse température (aux alentours de -150°C) jusqu’à un niveau de potentiel donné et mesuré par sonde de Kelvin. A l’arrêt de l’irradiation, une rampe en température (constante) est appliquée et la relaxation de potentiel thermostimulée est ainsi mesurée à l’aide d’une sonde de Kelvin jusqu’à atteindre des niveaux de potentiel nuls ou une température seuil pour le dispositif expérimental. La Figure I.34 présente l’évolution du potentiel de surface (courbe bleu en pointillée) en phase de relaxation thermostimulée d’un film d’élastomère de 170 µm d’épaisseur préalablement chargé à basse température (T = -150 °C) [81]. Cette méthode a permis d’identifier une nette déplétion du potentiel à -116 °C correspondant au passage de la transition vitreuse à une température Tg 17 du matériau et plus précisément à la réorientation rapide, au passage de cette transition, des dipôles initialement figés aux très basses températures. Dans la deuxième région, le potentiel de surface de l’échantillon décroit de manière continue jusqu’à la décharge quasi complète de l’échantillon. Ce fait est dû à un processus de dissipation par transport des électrons de la surface vers la face-arrière reliée à la masse. L’apport thermique apporté au système permet l’évacuation des charges dans le volume du matériau, ce qui traduit une augmentation de la conductivité apparente de l’échantillon.

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Figure I.34. Superposition des thermogrammes en relaxation de potentiel thermostimulé « RPTS » d’un film d’élastomère silicone 170 µm vierge et irradié à deux niveaux de dose : 3,6.105

Gy et 9,8.105 Gy. Les conditions initiales de charge du matériau avant les mesures RPTS étaient les

suivantes : V0 = - 4 000 V sous un faisceau d’électrons 10 keV – 600 pA.cm-2 [81], [99].

Cette technique peut également se révéler intéressante dans l’étude des mécanismes liés au vieillissement. En effet, comme le montre la Figure I.34, les courbes RPTS du silicone sont modifiées avec le vieillissement suivant les niveaux de dose suivants : 3,6.105 Gy et 9,8.105 Gy. Le point d’inflexion au niveau de la transition vitreuse se décale vers des températures supérieures avec le vieillissement ce qui témoigne de la création de ponts de réticulation au sein du réseau du polymère (diminution de la mobilité macromoléculaire conduisant à une augmentation de Tg). Le décalage du seuil de mise en conduction du matériau, au sein de la région II, vers les plus hautes températures souligne une diminution de la conductivité intrinsèque volumique du matériau avec la dose ionisante (en relation avec les phénomènes de sur-réticulation). L’irradiation de matériaux polymères sous forte dose radiative peut conduire à l’altération de la structure chimique impliquant une modification des propriétés physico-chimiques et électriques. Bien que cette technique ait permis de mettre en évidence les phénomènes dédiés à l’accumulation/dissipation de charges au sein du matériau, elle reste toutefois insuffisante pour comprendre physiquement le comportement particulier des polymères en environnement spatial dans son ensemble. En effet, la conductivité induite sous irradiation activée par les électrons de haute énergie n’est pas considérée dans ces mesures. Dépendante du débit de dose et de la dose, la conductivité induite sous irradiation doit être prise en compte de manière à avoir une estimation réelle de la conductivité volumique totale du matériau (tot

= intrinsèque + RIC) en environnement spatial.

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Ainsi, les mesures de potentiel classique et dérivée (thermostimulé) permettent une mesure macroscopique du potentiel induit en surface des diélectriques irradiés par les charges d’espace implantées. Cependant, le champ électrique généré par les charges implantées en surface et la dose déposée dans le matériau varient simultanément, ce qui complexifie l’analyse. De plus, les mesures de potentiel ne permettent pas d’étudier et de dissocier les mécanismes de diffusion, conduction, injection et recombinaison des porteurs de charges en volume contrairement à la méthode de mesure de charge d’espace : Electro-Acoustique Pulsée PEA (pour Pulsed ElectroAcoustic en anglais), qui permet une mesure dans le volume du matériau.

I.7.3 Méthode de mesures PEA sans contact

Une technique PEA sans contact a été développée à l’ONERA et au CNES, en collaboration avec le laboratoire LAPLACE, pour mesurer la distribution des charges (électrons et trous) implantées ou générées dans le volume du matériau [69], [74]. Le principe de cette technique [106] consiste à positionner un diélectrique entre deux électrodes (une électrode excitatrice et une de détection) puis d’appliquer des impulsions électriques sur des temps caractéristiques courts (  nanoseconde). Le pulse va ainsi induire un déplacement des charges implantées en volume. Ce mouvement des charges va conduire à la création d’une onde acoustique qui sera ensuite collectée par un capteur piézoélectrique placé en face arrière du matériau. Il est ensuite possible d’extraire la distribution des charges volumiques par un traitement de signal et une déconvolution adaptée [106].

R. Pacaud a étudié lors de sa thèse [67], le déplacement du barycentre du plan de charges sur du Téflon® FEP par l’intermédiaire d’irradiations successives, comme le montre la Figure I.35. Cette dernière représente la densité totale de charges issues de l’expérience (traits discontinues) et de son modèle 1D développé nommé THEMIS (traits continus). L’abscisse 0 µm correspond à la jonction entre le vide et le polymère. La direction des électrons incidents s’effectue de gauche à droite.

Lors de la première irradiation, à 20 keV (ligne noire), on observe un pic de densité de charges négatif près de la surface (3 µm) : c’est la conséquence de l’implantation d’électrons près de la surface. A la seconde irradiation (à 125 keV – courbe rouge), le premier pic de charge correspondant à l’implantation des électrons à 20 keV disparaît, sous l’effet de la RIC générée par le faisceau de 125 keV, et donne lieu à un autre pic aux alentours de 90 µm (plus en profondeur) : le barycentre du plan de charges s’est déplacé dans le volume du polymère induisant une modification du champ électrique interne créé par les charges d’espace. Les mêmes processus sont observés avec, respectivement les électrons de 145 keV et ceux de 165 keV. Ce déplacement du barycentre du plan de charges est plutôt bien décrit par le modèle THEMIS (bonne reproductibilité).

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Figure I.35. Comparaison des mesures PEA réalisées à l’ONERA (traits discontinus) et les résultats issus du modèle THEMIS (traits continus) [67].

On comprend, de par ces mesures, qu’il est nécessaire de prendre en compte l’inhomogénéité des charges et du champ électrique dans les modèles physiques prédictifs de façon à être plus représentatif des phénomènes physiques qui gouvernent la conductivité induite sous irradiation. L’inconvénient principal de cette technique repose sur la résolution spatiale des charges assez élevée (20 µm).

La caractérisation de polymères spatiaux au travers ces techniques expérimentales a conduit à une meilleure compréhension des effets induits par l’ionisation sur le transfert de charges dans des diélectriques à usage spatial et d’optimiser au mieux les modèles physiques. Cependant, ces techniques expérimentales présentent certaines limites qui rendent l’analyse compliquée, comme par exemple la variation du champ électrique et de la dose déposée au cours du temps. De plus, comme il a été montré dans la partie I.4, la conductivité induite sous irradiation est dépendante de plusieurs processus : piégeage, dépiégeage et recombinaison. Or ces techniques actuelles ne permettent pas de nous renseigner sur ces mécanismes qui gouvernent/limitent pourtant le transport de charges. Il est donc nécessaire de développer de nouvelles techniques de caractérisation pour extraire des paramètres physiques réalistes et les implémenter dans les modèles physiques existants pour une meilleure prédiction des phénomènes de charge/décharge sur satellite.

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