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L'évaluation en orthophonie, c'est le moyen de connaître la nature et le degré de déficience, d'incapacité, de dépendance mais aussi de compétence chez un individu (Marchal et al. 2006).

1. Différence entre mesures objectives et mesures subjectives

Aujourd'hui, personne ne semble plus contester l'utilité de ces deux types de mesure, même si l'évaluation subjective est encore peu utilisée.

a. Mesures objectives.

Les mesures objectives de la communication en orthophonie vont permettre de faire état des capacités et des déficiences du patient.

Le terme de déficience, comme défini par la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps de l'Organisation Mondiale de la Santé (1988, citée par Azéma et al., 2001), désigne alors les troubles, les déficits et les altérations qui résultent de la pathologie (Darrigrand et Mazaux, 2000).

Dans le cas des troubles du langage, il s'agit des troubles praxique, phonologique, lexical, sémantique et syntaxique, sur les versants expressif et réceptif.

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D'après Garnier-Lasek et Wavreille (2004), l'évaluation de ces difficultés doit s'appuyer sur une analyse objective quantitative fondée sur des tests étalonnés, qui permettront de situer l'enfant par rapport à ses pairs de même âge et/ou de même sexe et/ou de même niveau socio-culturel. Ces bilans sont essentiels car ils permettent de se référer à ce qu'est la norme par rapport à un âge donné.

Monfort et Juarez-Sanchez (1996) émettent toutefois des doutes quant à l'utilité de connaître une norme de développement linguistique pour les enfants dysphasiques. Ils estiment que ces âges de développement seront plus utiles pour calibrer l'évolution de l'enfant par rapport à lui-même que par rapport au modèle normal de son âge.

Pour évaluer de manière objective le langage, il existe des batteries de tests que le rééducateur sélectionnera en fonction de l'âge de l'enfant, de la plainte et du motif de consultation, de l'entretien avec les parents ou encore de son observation clinique lors de la rencontre avec l'enfant.

Il existe également des tests plus spécifiques qui évaluent un domaine en particulier, soit pour compléter ou renforcer un diagnostic suite à la passation d'une batterie, soit parce que les caractéristiques de l'enfant ne permettent pas la passation complète d'une batterie.

b. Mesures subjectives.

Les mesures subjectives décrivent les conditions psychologique, physique, cognitive et sociale du sujet (Missoten, 2005), et vont donc définir les incapacités, selon la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps de l'OMS (1988, citée par Azéma et al., 2001).

Dans ce cadre, les incapacités correspondent aux limitations des aptitudes et des capacités fonctionnelles, qui résultent des déficiences et des troubles (Darrigrand et Mazaux, 2000).

Ces mesures vont également interpréter le degré de handicap, toujours selon les termes de la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps de l'OMS. La production d’une situation de handicap est la résultante d’un jeu complexe entre des facteurs médicaux, environnementaux, relationnels, psychologiques. D'après Jamet

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(2003), c'est un désavantage social qui est la résultante de la déficience et de l'incapacité.

Dans le cas des troubles du langage, les mesures subjectives vont appréhender la communication fonctionnelle du sujet, et son ressenti par rapport à ces limitations. Selon l’American Speech Language Hearing Association (ASHA, 1990, citée par Fauchet et al. 2009), la communication fonctionnelle correspond à « l’habileté à recevoir ou à

transmettre un message indépendamment du mode, à communiquer de façon efficiente dans un environnement naturel ».

Le courant écologique, qui est une théorie ancienne, cherche à connaître les capacités du sujet à utiliser ses fonctions résiduelles dans la vie quotidienne (Malo, 1999).

Aujourd'hui, personne ne conteste l'importance des évaluations dites écologiques, et nous assistons d'ailleurs à leur essor depuis quelques années dans de nombreux domaines : les fonctions exécutives, la mémoire, les troubles visuo-spatiaux...

Il existe également de nombreuses évaluations à visée écologique dans le domaine linguistique, mais celles-ci se cantonnent principalement à la communication des personnes aphasiques, tout du moins adultes. Cette évaluation concernant les enfants est relativement récente et loin d'être généralisée.

Il existe plusieurs méthodes d'évaluation en vie quotidienne (Pradat-Diehl, Peskine, Chevignard, 2006) :

 l'observation directe du sujet dans son milieu de vie : l'Echelle de Catherine Bergego (ECB) mesure la négligence dans la vie quotidienne.

 la simulation de situations de vie quotidienne : elle peut prendre la forme d'épreuves « papier-crayon » ou de réalité virtuelle.

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2. Intérêts et limites des évaluations subjectives en orthophonie.

Notre sujet de mémoire portant sur l'évaluation subjective de la communication de sujets dysphasiques par le biais d'un questionnaire, nous évoquerons maintenant l'intérêt et les limites de ce type d'évaluation en orthophonie, provenant principalement d'études dans le domaine aphasiologique.

a. Intérêts.

Dans le cadre d'un bilan du langage, l'évaluation par le patient de ses propres difficultés dans des situations de vie quotidienne apporte des informations complémentaires aux rééducateurs (Bourel, Dupuis, 2012).

Les tests standardisés sont indispensables en orthophonie pour connaître les capacités linguistiques du patient mais ils ne permettent pas de prédire dans quelle mesure et avec quelle efficacité il pourra communiquer dans la vie quotidienne. Ce type d'évaluation peut donc conduire vers une rééducation plus fonctionnelle et écologique (Fauchet et al. 2009).

Il s'agit généralement de questionnaires, d'administration simple et flexible, permettant d'évaluer les compétences communicatives plus que les habiletés langagières (Benichou- Crochet et al. 2012)

D'autre part, l'auto-évaluation permet de cibler les besoins réels du patient (Fauchet et al. 2009), et cette prise en compte est essentielle pour compter sur son adhésion à la rééducation. Danon-Boileau (2002) évoque très bien cette idée : « Dès

qu'on est attentif aux singularités d'un enfant, on se rend compte de la diversité imprévisible des chemins qui mènent à la parole. »

Enfin, les évaluations subjectives peuvent déceler des troubles comportementaux, qui ne seraient pas observables dans les tests de langage objectifs et indiquer un niveau d'anosognosie du patient, quand le questionnaire est également rempli par les proches du patient (Chevignard et al. 2006).

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b. Limites.

Comme toute évaluation, celles dont la visée est écologique contiennent des limites, que le rééducateur doit prendre en compte.

Tout d'abord, elles ne sont que complémentaires des tests standardisés car ces questionnaires n'objectivent pas toujours les difficultés réelles rencontrées par les sujets. (Bourel, Dupuis, 2012). Marchal et al. (2006) insistent sur le fait que seules les évaluations classiques permettent de poser un diagnostic.

D'autre part, beaucoup de chercheurs se sont intéressés à la non-pertinence des réponses lorsque le patient a des problèmes de compréhension. Parfois, l'évaluation n'est pas envisageable, même avec des reformulations très simplifiées (Fauchet et al. 2009 ; Benichou-Crochet et al., 2012)

Des auteurs se sont également interrogés sur la variabilité du jugement qualitatif porté par les sujets concernant leurs propres capacités ou difficultés. En effet, celui-ci serait fortement influencé par de nombreux facteurs, comme l'humeur, le niveau socio- culturel... (Picq et al. 2006 ; Benichou-Crochet et al., 2012).

La juste perception des capacités serait alors souvent faussée par la sous-estimation ou la sur-estimation des compétences. Le patient peut ne pas voir ses propres difficultés (Pradat-Diehl, Peskine, Chevignard, 2006).

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