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Le mouvement des relations humaines

E. STRUCTURE DES RESEAUX DE COMMUNICATION

4. Conflits et réactions aux conflits

2.3. Le mouvement des relations humaines

Les travaux qui ont donné naissance à ce mouvement sont ceux qu’Elton Mayo a effectués de 1927 à 1932 à l’usine de la Western Electric, à Hawthorne. Parti d’une hypothèse taylorienne sur le lien entre les conditions matérielles du travail et la productivité, Mayo a découvert l’importance du climat psychologique et des modalités du commandement sur le comportement au travail. Il a mis l’accent

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sur les relations de groupes qui se constituent entre les travailleurs. Après avoir observé qu’entre différents groupes se forment des clivages qui ne sont imposés ni par la direction ni par les contraintes du travail, mais qui sont dus aux agents de l’entreprise eux-mêmes, il a compris qu’il existe des normes propres aux groupes, normes qui sont relatives au niveau de production et aux relations avec les supérieurs. En outre, les enquêteurs se sont aperçus qu’une fois situé dans l’organisation sociale de l’ensemble de l’usine, le groupe apparaît comme le moyen spontanément élaboré par les ouvriers pour résister aux ingérences de l’extérieur, celles des techniciens ou des supérieurs. Mayo en a conclu qu’il faut comprendre l’organisation comme étant un «système social»: les sentiments des travailleurs, leurs motivations ne peuvent se comprendre qu’à partir de l’ensemble des relations qu’ils entretiennent avec les divers groupes, et notamment les techniciens et les chefs. Les ouvriers, cependant, redoutent les changements, fondés sur des logiques spécialisées (coût, efficacité), que directeurs ou spécialistes en organisation du travail peuvent introduire; pour y échapper, ils engendrent des groupes informels qui élaborent des normes et font respecter des codes particuliers; ce qui explique certains freins mis à la production. Mayo terminait son enquête sur la nécessité de tenir compte, à l’avenir, de l’existence de ces groupes informels. Il lui semblait urgent de prendre en considération le désir des travailleurs, qui n’est pas seulement d’améliorer leurs conditions matérielles d’existence, mais d’être socialement reconnus, d’exercer un travail valorisé, d’avoir de bonnes relations avec leurs supérieurs hiérarchiques. C’est sur tous ces points que théoriciens et praticiens des relations humaines se sont penchés.

L’expérience de la Western Electric a eu un retentissement considérable. Dès 1935, les recherches sur les relations humaines se sont multipliées, mais ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que les relations humaines sont devenues objet d’enseignement et de formation. Il est impossible ici de rendre compte de l’ensemble des résultats obtenus par ces recherches, toutes centrées sur l’étude des motivations. L’analyse portera donc sur ce que l’un des auteurs les plus importants et les plus récents du mouvement, D. Mac Gregor, a appelé la

«théorie Y». Ma Gregor insiste sur la nouveauté de sa théorie de la direction, même par rapport à la première époque des relations humaines. Le premier principe de la théorie Y est directement tourné contre le taylorisme et ses applications: selon ce principe, l’homme n’est pas naturellement réfractaire au travail, il peut, au contraire, y trouver source de satisfaction. Le second principe met en relief l’importance de la responsabilité du travailleur: la crainte de la sanction n’est pas le seul stimulus au travail; un objectif clairement défini, et qui engage la responsabilité du travailleur, est aussi une incitation puissante à l’action. La réussite de l’action entreprise et l’atteinte de l’objectif sont, en soi, une satisfaction pour l’acteur. La prime au rendement n’est pas seulement la récompense de l’action réussie. Le sujet se réalise lui-même par l’atteinte des objectifs de son action. L’individu moyen, d’ailleurs, ne cherche pas naturellement à fuir les responsabilités. Tout homme est capable de les rechercher et souhaite en prendre. Enfin, Mac Gregor estime que les principes d’organisation qui régissent les sociétés industrielles modernes ne permettent pas de tirer le meilleur parti de la capacité de l’homme moyen.

Il s’agit donc, pour les directeurs, de tenir compte des capacités de l’individu considéré et d’adapter leur style de direction aux agents qu’ils ont à leur

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disposition. Ainsi que l’écrit Mac Gregor: «Le principe central qui découle de la théorie Y est celui d’intégration: la création de conditions telles que les membres de l’organisation puissent atteindre leurs propres buts avec le plus de succès en dirigeant leurs efforts vers la réussite de l’entreprise.» Il faut faire en sorte que le contrôle, au lieu d’être exercé par la direction, le soit par les travailleurs eux-mêmes. Mac Gregor remarque, comme Barnard l’avait fait avant lui, que les objectifs organisationnels ne sauraient être atteints si ceux des agents ne sont pas en même temps, dans une certaine mesure, réalisés. Pour la théorie Y, une organisation qui ne tient pas compte des buts et motivations personnelles de ses agents est une mauvaise organisation. Ainsi l’avancement, les changements de poste ne peuvent se faire d’une manière efficace s’ils ont lieu contre la volonté de l’employé. Barnard avait déjà montré qu’une action organisationnelle doit être à la fois efficace, à-dire atteindre les buts qu’elle s’est fixés, et efficiente, c’est-à-dire donner satisfaction aux acteurs. Il n’est évidemment pas question de réaliser une intégration parfaite. Mac Gregor, comme Barnard, sait bien qu’une telle ambition ne serait pas raisonnable. Il s’agit d’essayer de trouver, dans chaque cas concret, la conciliation optimale entre les objectifs organisationnels et ceux des divers acteurs. Il s’agit d’obtenir l’engagement des membres envers les objectifs organisationnels, c’est-à-dire de faire en sorte que l’individu puisse satisfaire ses aspirations personnelles et son besoin de valorisation individuelle dans son travail.

Les assomptions de la théorie Y sont celles sur lesquelles reposent les efforts de tous ceux qui, tel Mac Gregor, essaient de donner une «dimension humaine» à l’entreprise. Dans la même ligne de pensée s’inscrivent, par exemple, les travaux de Chris Argyris, qui visent à montrer comment l’«énergie psychologique» de l’individu peut être accrue, pour son plus grand bien et celui de l’organisation qui l’emploie. Argyris veut, comme Mac Gregor, accroître les responsabilités du travailleur de l’organisation. Il cite à cet égard la formule de E. Fromm, qui considère que la tâche de l’homme moderne est de se construire une liberté consistant à avoir plus de responsabilités. Tout homme, en effet, a besoin de donner un sens à sa vie, il doit constamment s’inventer des tâches à accomplir.

C’est pourquoi la tension qui existe entre les objectifs organisationnels et ceux des individus, loin d’être source de blocage, est, au contraire, ce qui aidera peut-être l’homme et l’organisation à accroître leurs efficacités respectives. Plus l’individu s’estimera lui-même et se sentira compétent, plus son travail organisationnel sera efficace. Argyris pense donc, comme Mac Gregor, qu’il faut modifier profondément la pratique directoriale si l’on veut permettre cette prise de responsabilités. Ce qui, pour eux, ne signifie nullement qu’ils rejettent tout autoritarisme et veulent la destruction de la structure pyramidale de la hiérarchie; il est nécessaire que cette structure subsiste, mais assortie d’autres formes de relations entre employeurs et employés, et d’éléments favorisant la prise de responsabilités de chacun. La structure pyramidale n’est pas abandonnée, mais elle n’est plus conçue comme devant être l’unique structure de l’organisation hiérarchique.

Il faut, d’autre part, que les dirigeants de l’organisation fassent un effort pour élargir les tâches de chacun des agents. Cet élargissement des tâches est nécessaire pour que les membres de l’organisation s’intéressent à son bon fonctionnement. Argyris recommande, pour atteindre cet objectif, la création de

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réunions de groupes, où les employés pourraient émettre un diagnostic sur la santé de l’entreprise.

Quelles que soient les solutions proposées pour améliorer les structures organisationnelles, tous les auteurs du mouvement des relations humaines ont, ces dernières années, mis l’accent sur la nécessité d’accroître les responsabilités des agents, surtout ceux du bas de l’échelle hiérarchique, et de promouvoir, non à la place mais à côté de la structure pyramidale, de nouvelles relations d’autorité et de contrôle entre supérieurs et subordonnés. C’est aussi le cas des spécialistes dont les travaux dérivent de ceux du Tavistock Institute.