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3.3 Les méthodes de collectes de données

4.1.4 Phénomènes expérienciés

4.1.4.1 Mouvement du corps et corporéité sonore

Il s’agit tout simplement d’un son qui induit un mouvement de la part de l’usager. En ce qui nous concerne, nous avons très souvent remarqué que les sons provenant des commerces engendraient ce genre de mouvement. En effet, d’une part, chaque fois que l’usager passait devant un commerce où il y avait de la musique, ce dernier sans le vouloir, tournait la tête afin de voir d’où provenait cette source sonore. Nous assistons donc, à un effet psychomoteur comme décrit dans le répertoire des effets sonores d’Augoyard et Torgue :

« Ces effets impliquent l’existence d’une action sonore de l’entendant ou tout au moins d’une esquisse motrice ou d’un schème faisant interagir perception et motricité. » (Augoyard et Torgue, 1995, p.16)

Celui qui nous intéresse correspond à l’effet « d’attraction » et de son contraire, l’effet de « répulsion » où l’usager se voit attiré ou non et ce de manière consciente ou incontrôlée, vers un son particulier. Par un simple mouvement de tête, l’usager se voit interpellé par cette musique. D’autre part, cette séquence (du sonore au visuel) est d’autant plus probante lorsque le ou les sons entendus sont de nature inhabituelle pour l’usager. Effectivement, ce dernier cherchera davantage la source sonore s’il n’est pas en mesure d’en identifier la provenance, que lorsque le son sera pour lui habituel donc, facilement reconnaissable. On constate ici la véracité et la pertinence de ce que nous avions rapporté dans les pages précédentes concernant les propos d’Haapala sur la « familiarité » et « l’étrangeté ».

Contrairement aux travaux de Chelkoff (2005) sur la kinesthésie sonore, qui ont démontré l’existence de différentes catégories spatio-phoniques à l’échelle de l’espace public urbain à savoir, les articulations, les inclusions et les limites, nous avons plutôt découvert que les sons peuvent aussi initier de micromouvements de la part de l’usager qui ne nécessitent aucun déplacement. Il ne s’agirait donc pas en ce qui nous concerne d’entités sonores distinctes qui se dévoilent par le mouvement de l’usager dans l’espace, mais bien du fait que les sons engendrent un micromouvement, une action de la part de ce dernier.

Exemples :

Parcourant 1 : Pierre

1.20 G. Est-ce possible qu’à l’occasion, tu perçois un son et qu’une image va t’apparaître ou le contraire ?

P. Non, je ne crois pas. Sinon, oui j’essaye toujours de valider ce que je pense avoir entendu, donc je cherche à savoir ce que c’est.

Parcourant 2 : Patrick

2.7 (Musique sortant d’un commerce)

P. Tu as aussi les commerçants, certains commerçants, pas qui polluent, mais en fait qui envahissent l’espace public avec de la musique, des haut-parleurs, un peu là pour attirer ton attention, je doute un peu de ces stratégies-là. La plupart du temps c’est agressif à fond, ça ne me donne pas envie d’aller à l’intérieur si c’est comme ça déjà à l’extérieur, tu as un peu de misère à imaginer comment c’est en dedans, alors ça ne te donne pas du tout envie d’y entrer.

Parcourant 3 : Édith

3.14 Il faudrait essayer de le faire les yeux fermés. Ah là, tu vois la musique du commerce est venue m’accrocher, elle était suffisamment subtile pour aller me chercher.

Parcourant 5 : Nicole

5.3 G. Est-ce que lorsque tu entends de la musique provenant d’un commerce tu seras portée à rentrer où à regarder ?

N. Oui ça attire mon attention, je regarde quel type de commerce c’est.

4.1.4.2 Plasticité sonore

À certaines reprises, les usagers nous ont fait part du fait que le son agissait directement sur leur corps, d’où le phénomène que nous avons appelé de « plasticité », d’un ressenti physique. Il est donc question des capacités plastiques du son, c’est-à-dire celui qui se réfère à la relation entre nos sens acoustique et haptique.

Contrairement à la kinesthésie sonore qui correspond à une action du corps de l’usager déclenchée par un son ou une situation sonore, la « plasticité sonore » semble être plus en lien avec le fait que les usagers sont en mesure de sentir et d’identifier des espaces sonores distincts. Nous nous rapprochons ici un peu plus des travaux de Chelkoff (2005). Par contre, les usagers remarquant ce phénomène, ne semblent pas être en mesure d’en expliquer très bien les causes. Certains parlent de texture sonore. Cet aspect est relativement bien travaillé par les artistes en art sonore notamment dans les œuvres de Janet Cardiff (1997). En effet, dans ses « marches » auditives, elle transporte l’usager dans un univers où les sons modélisent l’espace. Son dispositif, usant spécialement des modalités sensorielles associées au son et à la vision, nous fait bien comprendre comment les sons peuvent construire un monde tridimensionnel quasi tactile. Il faut aussi mentionner que ces remarques sont la plupart du temps associées à d’autres éléments sensoriels, notamment à une ouverture de la spatialité du boulevard qui engendre une perception différente de l’espace (visuel, proprioceptif). Il est donc possible d’identifier dans ce constat, le concept d’intersensorialité du fait par exemple que l’usager percevra un espace visuellement différent à cause justement de sons que lui renvoie une sensation d’ouverture ou de fermeture.

Exemples :

Parcourant 2 : Patrick

2.9 Voilà, je te dirais, que les sons qui prédominent, sont ceux de la route qui font comme une espèce de musique de fond, qui donnent la texture de fond.

Parcourant 3 : Édith

3.28 Ah ici, il y a quelque chose qui se passe, je l’ai senti dans mes épaules. C’est le vent, je crois qui porte le son.

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