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II. Les Potyvirus

II.4. Les différentes étapes de l’infection virale

II.4.4. Le mouvement dans la plante

II.4.4.1. Le mouvement de cellule à cellule

La réplication du génome viral est suivie par le mouvement intracellulaire de l'ARN viral sous une forme inconnue, depuis le site de réplication jusqu’aux plasmodesmes (Lucas & Wolf, 1993), probablement facilité par les éléments du cytosquelette (Wright et al., 2007).

Les plasmodesmes sont des canaux complexes traversant la paroi cellulaire végétale, qui permettent une continuité cytoplasmique entre les cellules adjacentes (le symplasme). L'ultrastructure des plasmodesmes a été définie grâce à de nombreuses études de microscopie électronique (Figure 11) (Ding et al., 1992, Botha, 1992). Les plasmodesmes sont traversés par une structure tubulaire appelée desmotubule, qui relie le réticulum endoplasmique des cellules contiguës. Le canal intradesmotubulaire ainsi formé à l'intérieur du desmotubule permet le passage contrôlé de molécules entre les cellules adjacentes. Le desmotubule est entouré d'un « annulus » de protéines globulaires sur toute l'épaisseur du plasmodesme (Ding et al., 1992). Aux extrémités du desmotubule on observe un col qui permet l'ouverture ou la fermeture des plasmodesmes, permettant le contrôle de la circulation de molécules à travers le canal (Overall & Blackman, 1996).

Les plasmodesmes ont un diamètre d'environ 2,5 nm limitant ainsi le transport moléculaire intercellulaire à de petites molécules de poids moléculaire d'environ 800 à 1000 Da, cette limite étant appelée le seuil d’exclusion limite (SEL) (Lucas & Lee, 2004). Par conséquent, le diamètre de plasmodesmes est dans la plupart des cas trop petit pour permettre le passage passif de particules virales ou de génomes viraux. Cependant le seuil d’exclusion limite (SEL) des plasmodesmes peut être augmenté sous l’action de protéines de mouvement virales (MP) permettant ainsi le mouvement intercellulaire de grandes protéines endogènes ou des particules virales (Wolf et al., 1989).

D’après (Carrington et al., 1998)

Figure 12. Modèle proposé pour le passage du TEV de cellule à cellule au travers un plasmodesme. CW : paroi cellulaire, CP : protéine de capside, CI : protéine d’inclusion cylindrique, NIa : protéine d’inclusion nucléaire a, NIb : protéine d’inclusion nucléaire b, VPg : protéine liée au génome viral, RNP : ribonucléoprotéine.

La formation des structures coniques de CI est dirigée

par P3N-PIPO

D’après (Wei et al., 2010b)

Figure 13. Dernier modèle proposé pour le passage des potyvirus de cellule à cellule impliquant le rôle de la protéine P3N-PIPO. Le « complexe » virion-CI serait transporté jusqu’au plasmodesme modifié où la CI s’agrège sous la forme de structures coniques ancrées par la P3N-PIPO localisée dans le plasmodesme. Le virion est ensuite transporté via des interactions CI-P3N-PIPO dans le plasmodesme pour entrer dans la cellule adjacente. CW : paroi cellulaire.

Si la plupart des virus disposent d’une (des) protéine(s) de mouvement (MP), codée(s) par leur génome, chez les potyvirus, près de la moitié des protéines virales multifonctionnelles seraient impliquées dans le mouvement de cellule à cellule (Urcuqui-Inchima et al., 2001). En particulier, Carrington et al. (1998) ont muté par « alanine scanning » le gène codant pour la CI du TEV et ont montré que des mutations situées dans l’un des motifs « hélicase » abolissent la réplication virale dans des protoplastes de tabac, et que la région N-ter de la CI serait impliquée dans le déplacement du virus de cellule à cellule. Grâce à des études d’ultrastructure en microscopie électronique réalisées sur des cotylédons de pois infectés par le PSbMV, Roberts et al (1997) ont montré que la CI est localisée au niveau des plasmodesmes, de façon temporaire au niveau du front d’infection, sous forme de structures coniques. Un modèle impliquant la CP, HC-Pro, VPg et CI dans le mouvement de cellule à cellule du TEV avait été proposé (Carrington et al., 1998, Nicolas et al., 1997, Rojas et al., 1997) (Figure 12). Le virion, ou ribonucléoprotéine, serait guidé vers le plasmodesme au travers d’un canal formé de protéines CI, l’interaction entre le virus et le plasmodesme ayant lieu via la CP (Figure 12) (Carrington et al., 1998).

Très récemment, Wei et al (2010b) ont montré que la protéine P3N-PIPO nouvellement identifiée chez les potyvirus, est localisée au niveau des plasmodesmes et interagit avec la CI du TuMV. Cette interaction conduirait à l’accumulation de la CI sous forme de structures coniques au niveau des plasmodesmes, nécessaires au mouvement de cellule à cellule (Wei et al., 2010b). Les auteurs ont ainsi proposé un modèle impliquant à la fois la CI et la P3N-PIPO dans le mouvement de cellule à cellule de potyvirus (Figure 13). D’après ce modèle, les événements initiaux du mouvement impliqueraient le recrutement de particules virales par la CI. Le complexe ainsi formé du virion et CI pourrait se lier soit à la P3N-PIPO libre dans le cytoplasme avant qu’il ne soit transporté jusqu’aux plasmodesmes, ou à la P3N-PIPO déjà associée aux plasmodesme. Le virion est ensuite transmis à travers les structures coniques de CI ancrées par la P3N-PIPO sur les plasmodesmes (Wei et al., 2010b).

Au sein de la cellule, l’association avec le cytosquelette permettrait au virus de se déplacer sous forme de complexe ribonucléoprotéique (MP-ARN viral), ou de virions, dans le cytoplasme et à travers les plasmodesmes (Wright et al., 2007). Dans le cas des potyvirus, cette interaction pourrait se faire via eIF4E et eIF4G (Lellis et al., 2002), de façon indépendante de la traduction et/ou de la réplication (Gao et al., 2004b). Cependant, Wei et al (2010b) ont récemment montré que P3N-PIPO utiliserait la voie de sécrétion intracellulaire plutôt que le cytosquelette pour sa localisation au niveau des plasmodesmes.

EP MP MS BS Xylème Phloème Faisceau Cellule de garde Stomate EP

A

B

D’après (Fitzgibbon et al., 2010)

Figure 14. (A). Représentation schématique d’une section transversale de feuille. EP: cellule épidermique, MP : cellule du mésophylle palissadique, MS : cellule du mésophylle, BS : Cellule du parenchyme périvasculaire. (B). Coupe longitudinale d’un faisceau de phloème. SE : élément criblé, CC : cellule compagne, SER : réticulum d’élément criblé, SP : pore d’élément criblé, PPU : unité pore-plasmodesme, ER : réticulum endoplasmique.

La forme de transport des potyvirus est encore inconnue, mais le mouvement sous forme de complexe ribonucléoprotéique semble le plus probable parce qu'il protégerait l'ARN du silencing (Carrington et al., 1998, Carrington et al., 1996, Rajamaki & Valkonen, 2004). Cependant, des mutations dans la région centrale conservée de la CP préviennent l'assemblage du virion et le mouvement de cellule à cellule, allant dans le sens d’un transport sous forme de virions (Dolja et al., 1994).