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Les motivations et attentes d’effets

Dans le document Chapitre 1 Consommation de cannabis à (Page 61-72)

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE

4. Les facteurs de risque et de protection de la consommation de

4.5. Les motivations et attentes d’effets

L’intention de consommer constitue l’un des premiers facteurs de risque de l’initiation de la consommation chez les adolescents (Perez et al., 2010). Ces derniers expliquent leur usage par différents éléments, à savoir des raisons sociales et d’amusement, d’adaptation à des affects négatifs, suite à des comportements compulsifs, ou encore pour augmenter ou contrer l’effet d’autres drogues. Ces diverses raisons sont associées à la fréquence de consommation (à 18 et 35 ans), mais pas nécessairement à des troubles associés à 35 ans, si ce n’est la diminution d’effets ressentis par la consommation d’autres drogues (Patrick, Schulenberg, O'Malley, Johnston, & Bachman, 2010). D’autres études rapportent que des motivations d’amusement, d’expansion, d’adaptation, de fête, d’altération des perceptions et de sommeil sont associées à une plus grande fréquence de consommation et de problèmes, alors que des

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motivations d’expérimentation sont en lien avec une fréquence moins élevée (Hiles, Walsh, Crosby, & Swogger, 2014; Lee, Neighbors, & Woods, 2007). Les motivations d’adaptation prédisent aussi le passage d’une consommation fréquente à une consommation problématique ou une dépendance (Foster, Allan, Zvolensky, & Schmidt, 2014; Fox, Towe, Stephens, Walker, & Roffman, 2011; Simons, Gaher, Correia, Hansen, &

Christopher, 2005; van der Pol et al., 2013a), et constituent un facteur médiateur du lien entre dérégulation émotionnelle et problèmes liés à la consommation (Vilhena-Churchill & Goldstein, 2013).

Alors que l’effet euphorique du cannabis semble être le facteur principal de maintien de la consommation, l’effet de relaxation est le plus fréquemment rapporté par les consommateurs (Green, Kavanagh, &

Young, 2003). Les principales raisons liées à la consommation sont donc les suivantes : relaxation, amélioration des activités récréatives, socialisation et adaptation au stress, à l’anxiété et aux affects négatifs (Boys, Marsden, & Strang, 2001; Hathaway, 2003). Plus précisément, elles se répartiraient graduellement comme suit : amélioration des performances (dans plus 75% des cas), adaptation (60%), expansion (22%), intégration sociale (17%) et conformité (2%). Les symptômes de sevrage et les affects négatifs sont reliés à des motivations d’adaptation et d’intégration sociale, jouant donc avec le craving (envie irrésistible de la substance) un rôle essentiel dans le maintien de la consommation de cannabis (Buckner et al., 2014; Shrier et al., 2013). Notons que le craving est associé non seulement positivement à l’usage, mais aussi négativement aux motivations et efforts scolaires (Phillips, Phillips, Lalonde & Tormohlen, 2015).

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Ces motivations sont plus élevées chez les jeunes dépendants, comparativement aux autres consommateurs (Bonn-Miller & Zvolensky, 2009). Les motivations de conformité semblent ainsi associées à une augmentation des problèmes liés à l’alcool et au cannabis, alors que celles d’augmentation des performances sont liées à l’augmentation de la fréquence et des problèmes de cannabis. Concernant les motivations d’expansion, elles seraient uniquement associées à une diminution de la consommation de cigarettes (Foster et al., 2014). Aussi, comparativement aux autres substances comme la cocaïne ou les opioïdes, les personnes dépendantes rapporteraient davantage comme raisons à leur usage la recherche d’émotions plaisantes et le partage de moments agréables (Hartwell, Back, McRae-Clark, Shaftman, & Brady, 2012).

Certains facteurs peuvent influencer ces motivations, comme par exemple la personnalité. En effet, la sensibilité à l’anxiété est associée à des motivations de conformité, l’introversion à des motivations d’adaptation, la recherche de sensation à des motivations d’expansion et l’impulsivité à des motivations dues à la disponibilité de la substance (Hecimovic, Barrett, Darredeau, & Stewart, 2013). Les jeunes à risque pour la schizophrénie rapportent également un pattern particulier de motivations, à savoir une amélioration de l’humeur ou une automédication de leurs symptômes psychotiques (Gill et al., 2013). Leur motivation serait donc de l’ordre de la régulation émotionnelle.

Notons néanmoins que les motivations liées à la consommation des jeunes peuvent changer selon le moment où elles sont évaluées, à savoir avant ou après la consommation. C’est notamment le cas pour 20% des événements de consommation, dont les motivations évoluent après usage (10% pour les motivations de plaisir, 21% pour l’adaptation à des affects

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négatifs, 35% pour la sociabilité, 55% pour le développement de l’esprit et 100% des raisons de conformité) (Shrier & Scherer, 2014).

En termes de traitement, une diminution des motivations d’adaptation permettrait de meilleurs résultats, ce qui ne serait pas le cas lors d’une diminution des motivations d’expansion (Banes, Stephens, Blevins, Walker, & Roffman, 2014). Par ailleurs, une motivation favorisant l’entrée des jeunes consommateurs dans un programme d’intervention est l’espoir d’une diminution des problèmes associés (Walker et al., 2006).

Le maintien de l’abstinence se verrait aussi renforcé par des motivations orientées sur l’impact négatif de la consommation et par un soutien social important (Chauchard, Septfons, & Chabrol, 2013).

4.5.2. Les attentes d’effets

Selon le modèle de l’apprentissage cognitif et social de la consommation de drogues (Brandon, Herzog, Irvin, & Gwaltney, 2004; Goldman, 2002;

Jones, Corbin, & Fromme, 2001; Stacy, Newcomb, & Bentler, 1991), diverses théories suggèrent que la décision d’une personne sur le fait de consommer ou non une substance se base en partie sur l’anticipation des conséquences négatives et positives associées à la consommation. Les attentes positives favoriseraient la consommation et la rechute, alors que les attentes négatives auraient l’effet inverse. Par ailleurs, les adolescents seraient plus sensibles aux propriétés positives d’une drogue et moins sensibles aux négatives, comparativement aux adultes (Doremus-Fitzwater, Varlinskaya, & Spear, 2010). Les attentes d’effets ont aussi la caractéristique qu’elles peuvent être évaluées chez des jeunes ayant déjà consommé, mais aussi chez des adolescents n’ayant jamais eu de contact avec la substance, alors que les raisons ou motivations s’estiment souvent chez des usagers.

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Concernant les attentes d’effets chez des jeunes à hauts ou faibles risques (par exemple selon l’histoire familiale de consommation), elles joueraient un rôle déterminant dans l’usage futur, notamment en étant médiateur du lien entre la prévalence de consommation sur la vie à l’adolescence et la fréquence d’usage à l’âge adulte. En effet, avoir et maintenir des attentes d’effets cognitifs et comportementaux négatifs liés à la substance minimiserait la consommation future (Kristjansson, Agrawal, Lynskey, &

Chassin, 2012). Les attentes positives sont quant à elles associées à de plus hauts risques d’initiation précoce et d’escalade, les rendant ainsi intéressantes pour l’identification des adolescents à risque (Clark, Ringwalt, & Shamblen, 2011; Fulton, Krank, & Stewart, 2012). En termes de fréquence et de sévérité de la consommation, les attentes positives (par ex. relaxation, réduction des tensions, plaisir) constituent donc un risque, alors que les attentes négatives (altérations cognitivo-comportementales ou conséquences négatives globales) représentent une protection (Chabrol, Massot, Montovany, Chouicha, & Armitage, 2002; Grebot et al., 2015; Green, Kavanagh, & Young, 2007; Hayaki et al., 2010), avec plus d’attentes négatives chez les non-consommateurs (Alfonso & Dunn, 2007; Gaher & Simons, 2007). Concernant les attentes de facilitation sexuelle, elles peuvent prédire de plus grandes intentions de consommer, ainsi qu’une plus grande fréquence d’usage dans des situations de relations sexuelles, augmentant dès lors les risques de complications associées à l’usage (Hendershot, Magnan, & Bryan, 2010).

Certains facteurs peuvent être associés à ces attentes, comme l’usage d’autres substances. En effet, il semblerait que les adolescents qui consomment plus d’alcool verraient leurs attentes positives augmenter, et les négatives diminuer, influençant la consommation en elle-même (Willner, 2001). Le lien entre attentes d’effets et probabilité ou fréquence

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d’usage peut également être influencé. Par exemple, les adolescents sensibles à la récompense présenteraient une plus forte association attentes positives - consommation. Inversement, les jeunes sensibles à la punition ont une plus forte association attentes négatives – consommation (Simons & Arens, 2007). Par ailleurs, ceux avec plus d’impulsivité ont moins d’attentes négatives, plus de positives, ou moins de stratégies pour résister à la tentation, et consomment donc plus (Hayaki et al., 2011; Vangsness, Bry, & LaBouvie, 2005). Lors d’attentes sociales positives élevées, le lien entre normes perçues (perception du nombre d’amis usagers et de leur approbation) et problèmes est plus fort (Neighbors, Geisner, & Lee, 2008).

En termes d’intervention, comme précédemment postulé avec l’alcool, les attentes d’effets pourraient prédire les résultats d’un traitement, notamment en étant manipulées lors de prise en charge ou utilisées dans des programmes de prévention (Jones et al., 2001). Les représentations concernant le cannabis étant une cible pour la prévention et le traitement (Chabrol, Massot, et al., 2002), il semblerait qu’une modification des attentes d’effets soit un prédicteur d’un changement au niveau des intentions d’usage (par exemple, plus d’attentes positives, plus d’intentions). Toutefois, concernant l’initiation, si les dangers de l’usage sont minimisés par rapport aux attentes initiales, l’intention de consommer pourrait se voir intensifiée (Skenderian, Siegel, Crano, Alvaro, & Lac, 2008). Une intervention préventive en milieu scolaire pourrait ralentir la diminution des attentes négatives qui opère souvent au fil des ans (Trudeau, Spoth, Lillehoj, Redmond, & Wickrama, 2003).

Les attentes d’effets seront plus largement développées et mises en lien avec d’autres problématiques dans le chapitre 2.

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En guise de conclusion, le schéma récapitulatif 1.1 propose un aperçu des facteurs de risque liés à l’usage de cannabis, que ce soit en termes de prévalence, d’initiation, de problèmes, de dépendance ou de changement.

Schéma 1.1. Facteurs de risque liés à la consommation de cannabis

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Chapitre 2 Affects anxieux et dépressifs : liens avec

le cannabis et les attentes

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1. Introduction

Les comorbidités sont des associations de troubles qui ne permettent pas la détermination d’un lien de causalité. De nombreuses études ont ainsi mis en avant une relation entre consommation de cannabis et troubles mentaux, l’un constituant un facteur de risque pour l’autre (Benyamina &

Blecha, 2009; Buckner, Ecker, & Cohen, 2010; Guxens, Nebot, Ariza, &

Ochoa, 2007; Rey, Sawyer, Raphael, Patton, & Lynskey, 2002; Rey &

Tennant, 2002; Shrier et al., 2013). Les adolescents avec des troubles psychiatriques auraient ainsi plus de risques de consommer une substance (Mangerud, Bjerkeset, Holmen, Lydersen, & Indredavik, 2014).

Parmi les problèmes de santé mentale fréquemment associés à l’usage de substances, on retrouve les troubles de l’humeur et les troubles anxieux (Grant et al., 2004 ; Wittchen et al., 2007). Alors que le lien entre la consommation de cannabis et le risque de psychose semble bien établi (Spriggens & Hides, 2015), l’association entre cet usage et certains affects comme la dépression et l’anxiété paraît moins évidente (Moore et al., 2007). L’adolescence semble être une période à risque pour l’ensemble de ces manifestations. Une étude rapporte d’ailleurs qu’un trouble mental à 15 ans entraîne un risque plus élevé de consommer du cannabis à 18 ans, alors que cette dernière consommation augmente les risques de troubles mentaux à 21 ans, suggérant ainsi une relation directionnelle du trouble mental vers la consommation de cannabis à l’adolescence, et l’inverse à l’âge adulte (McGee et al., 2000).

Dans ce contexte, le présent chapitre propose de cibler les manifestations de certains troubles chez les adolescents, à savoir la dépression, l’anxiété et l’anxiété sociale, que ce soit en termes de description, de prévalence dans la population, ou de liens avec le cannabis et les attentes d’effets.

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