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Partie I Théorie

I.3 Motivations

Comme on vient de le voir, les précédentes investigations expérimentales de la turbulence faible ne permettent pas de valider solidement la pertinence des solutions de Zakharov pour l’ensemble des ondes de surface. Cela est en grande partie dû à la forte sensibilité du spectre de puissance qui est généralement utilisé comme outil de vérification. Pour pouvoir utiliser ce dernier, il faut un système satisfaisant aux principales hypothèses de la turbulence faible : de faibles non-linéarités mais suffisamment importantes pour compenser la discrétisation de l’espace des 𝑘 et un flux constant d’énergie dans la zone inertielle. Cette dernière implique une parfaite séparation d’échelle entre la génération et dissipation.

Il est évident qu’il est difficile de combiner l’ensemble de ces hypothèses pour une expérience en laboratoire. La discrétisation des ondes impose une contrainte sévère dans l’étude des ondes de gravité. En effet, pour des bassins de laboratoire de taille réaliste, il faut augmenter l’intensité des non-linéarités en conséquence pour pouvoir obtenir la cascade prédite par Zakharov. Ceci rentre en conflit avec la seconde hypothèse qui est de conserver de faibles non-linéarités. A ce sens, ce sont les ondes de capillarité qui se prêtent le mieux à une étude expérimentale. Cependant elles se heurtent également à d’autres problèmes communs à l’ensemble des expériences, à savoir un flux d’énergie qui est constant. Pour la cascade directe, la dissipation est censée se produire uniquement aux petites échelles, lorsque la viscosité de l’eau entre en jeu. Cependant, dans le cas d’une contamination de la surface libre, une dissipation supplémentaire s’ajoute dans la zone inertielle et brise cette hypothèse de flux d’énergie constant. Si pour une petite surface, il est envisageable d’obtenir une eau propre, ce problème de contamination devient rapidement problématique à mesure que la surface augmente. Une autre inconnue réside dans le forçage. En effet, c’est encore une question ouverte de connaitre la

frequency [Hz]

w

av

enumber

𝑘

[1/m

]

Surface wave

Marangoni wave (longitudinal wave)

2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 50 150 250 300 350 200 100

I.3 - Motivations

37 part de non-linéarités du système qui provient directement du forçage. Par exemple, dans le cas d’un batteur de faible surface, on arrive rapidement à des amplitudes de déplacement importantes. Le batteur s’éloigne alors fortement des trajectoires elliptiques théoriques d’une onde linéaire, jusqu’à devenir plus rapide que les ondes dans les cas les plus extrêmes.

A partir de ces limitations, on comprend mieux les bons accords avec la théorie, observés pour les expériences en ondes de capillarité (voir références en I.2.2.1). Tout comme pour les simulations numériques, l’ensemble des hypothèses peuvent être pratiquement respectées simultanément. Il subsiste néanmoins quelques incohérences, comme par exemple la dépendance linéaire en le flux 𝑃 au lieu de 𝑃1/2 [6].

Les expériences en ondes de gravité sont globalement en désaccord avec la théorie de la turbulence faible. Les résultats les plus proches aux solutions de Zakharov sont obtenus soit dans des régimes de très forte non-linéarité (déferlements, voir [86,87]) soit avec des conditionnements très forts (faible forçage et petite cuve, voir [99,100]). Curieusement ces deux situations sont également contradictoires à propos de l’effet de la discrétisation. Les mesures dans les grands bassins semblent converger vers les mesures in-situ. Cependant l’hypothèse principale de faible non-linéarité n’est plus respectée, ce qui permet de se questionner sur la pertinence de la théorie de la turbulence faible pour un système naturel tel que l’océan.

On comprend alors que pour l’étude expérimentale de la turbulence faible pour des régimes complexes tels que les ondes de gravité ou encore les ondes gravito-capillaires, il est nécessaire d’utiliser d’autres outils que le spectre de puissance. Ceci constitue l’objectif principal de cette thèse qui est l’utilisation d’outils statistiques qui permettent une observation des interactions résonantes constituant le cœur de la turbulence faible. L’observation de ces interactions va permettre d’éclaircir plusieurs points comme par exemple la nature des interactions au niveau de la transition gravito capillaire. Les deux théories présentées précédemment proposent des spectres de puissances très proches mais pour des types d’interactions complètement différents. La cascade de Zakharov implique une transition d’interactions à 4-ondes en régime gravitaire pour des interactions à 3-ondes en régime capillaire. La jonction est possible uniquement si les interactions sont locales. La cascade dynamique proposée par Kartashova quant à elle, s’appuie uniquement sur l’instabilité de Benjamin-Feir avec des interactions locales et à 4-ondes dans les deux régimes. L’observation des interactions permettra alors de faire le point sur ces deux théories.

Dans cette optique de comprendre les mécanismes fondamentaux en jeu, la thèse sera décomposée en trois parties. La première s’intéressera au régime gravito-capillaire avec une expérience dans une cuve de petite taille. Après une étude classique des spectres de puissances, une analyse statistique sera réalisée pour observer les interactions résonantes. La seconde partie étendra cette analyse aux ondes de gravité pure avec une expérience dans une cuve de grandes dimensions (plateforme de Coriolis). Enfin, la troisième partie montrera les résultats préliminaires obtenus sur de la turbulence d’ondes internes de gravité ainsi qu’une analyse rapide sur un jeu de données de mesure in situ.

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