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Chapitre II : Epidémiologie des démences

I- Au niveau mondial

4- Mortalité

Tout comme l’incidence, la mortalité est un indicateur épidémiologique dynamique. Elle se définit par

la proportion de décès observé au sein d’une population donnée à un moment donné.

Selon les données OMS, les troubles mentaux et neurologiques sont responsables d'environ 1% des

décès, et représenteraient près de 11% de la charge de morbidité dans le monde entier.

Les troubles neurologiques et des maladies cérébro-vasculaires combinés représentent 7,1% de la

charge totale de morbidité mesurée en DALY (Disability-Adjusted Life-Years ) pour toutes les causes

et tous les âges confondus. La contribution globale de la MA et autres types de démence serait de

0,46% (Chin et Vora, 2014). Récemment la publication des données sur la charge globale des maladies

mentales, a montré que les pathologies mentales (épilepsie, démence, troubles de la personnalité)

contribueraient pour 32,4% des années de vie vécues avec un handicap (Years lived with

disability :YLDs) et 13 % des années de vie ajustées sur l'incapacité ( DALY) (Vigo et al., 2016). Ce

rapport indique également que les personnes atteintes de troubles mentaux auraient 60% plus de risque

de décéder prématurément (WHO, 2013) . Ces décès surviendraient 10 à 20 ans plutôt pour les

personnes issues des pays à hauts revenus et 30 ans plutôt pour celles des pays à faible et moyen

revenu (Fedaku et al., 2015; Walker et al., 2015) . Charlson et al. estiment que jusqu'à 8% des années

de vie perdues à l'échelle mondiale seraient liées à la surmortalité due à des troubles mentaux comme

la démence, l'épilepsie et la migraine (Charlson et al., 2015).Toutesfois, ces estimations présentent des

limites en raison de l'absence de données épidémiologiques précises, en particulier dans les pays à

faible et moyen revenu.

Dans son rapport sur la démence publié en 2012, l’OMS classait la MA comme cinquième cause de

mortalité chez les personnes âgées (OMS, 2012). La part de morbi-mortalité du grand âge imputable

aux démences est non négligeable. Après 10 ans d’évolution, 80% des sujets déments < 65 ans

décèdent contre 10% en population générale (Kay et al., 2000). Le centre national des statistiques pour

la santé des Etats Unis, dans une enquête nationale sur la mortalité, a montré que la MA faisait partie

des dix premières causes de mortalité du sujet âgé aux Etats-Unis (Foley et al., 2003). A des stades

avancés, la mortalité des patients souffrant de la MA ou de démence était similaire à celle observée

chez des personnes au dernier stade d’un cancer du sein ou d’une maladie cardiovasculaire (Mitchell et

al., 2009) ; un patient sur quatre décédait dans les 6 mois ayant suivi le recrutement, et plus de la

moitié au cours des 18 premiers mois. Dans la cohorte EURODEM, les déments présentaient un risque

de décès deux fois plus important que les sujets non déments et leur durée de survie était toujours plus

faible quel que soit l’âge considéré (Jagger et al., 2000). Wilson et al., dans une étude ayant suivi 634

sujets pendant 10 ans, montrent que 37% de la cohorte étaient décédés dont 59,1% de ceux présentant

une MA. Comparativement aux personnes saines, celles présentant une démence légère avaient un

risque de décès de 50% et ce risque était encore plus important pour les déments de type MA (Wilson

et al., 2009).

De nombreuses études se sont intéressées à la durée d’évolution d’une démence, durée qui correspond

au temps de survie des personnes atteintes de cette pathologie. Ces travaux dans leur ensemble

montrent que les taux de survie des personnes démentes sont plus faibles que ceux des personnes non

démentes (Guehne et al., 2005 ; Brodaty et al., 2012). D’après la revue de la littérature de Brodaty et

al., la survie après un diagnostic de démence est comprise entre 1,8 et 7,2 ans (Brodaty et al., 2012). A

âge égal, le risque de décéder serait plus important chez les individus déments par rapport aux non

déments (Perkins et al., 2002 ; Brodaty et al., 2012 ; Todd et al., 2013 ; Désesquelles et al., 2014 ;

Paddick et al., 2015). La durée médiane de survie serait comprise entre 3,3 et 11,7 ans lorsque la

maladie débute entre 53 et 65 ans; et entre 3,3 et 6,6 ans pour un âge au diagnostic entre 65 et 75 ans,

et encore plus faible au fur et à mesure que la maladie évolue. Les principaux facteurs de mortalité

sont l’âge et le sexe masculin. La sévérité de la maladie, le niveau d’éducation, l’ethnicité et les

comorbidités notamment liées aux facteurs de risque vasculaire (Brodaty et al., 2012 ; Todd et al.,

2013) ont été aussi identifiés. L’âge est retrouvé comme facteur pronostique de survie : quand l’âge

des sujets augmente, le risque de décès est plus important (Zhou et al., 2010 ; Russ et al., 2012). Cette

association est aussi retrouvée chez les sujets non déments. Toutefois, il existe une surmortalité des

sujets déments. Dans la plupart des études, le sexe masculin est retrouvé comme facteur de mauvais

pronostic (Rocca et al., 2014a). L’évolution de la maladie en termes d’incapacité fonctionnelle est plus

rapide chez les femmes (Gambasi et al., 1999 ; Sinforiani et al., 2010).

Concernant les pays à faible et moyen revenu, très peu d'études sur la mortalité associée aux démences

ont été menées. Une étude longitudinale conduite par le 10/66 Dementia Research Group a permis de

documenter le lien démence et mortalité dans six pays: Cuba, République Dominicaine, Venezuela,

Pérou, Mexique et Chine (Prince et al., 2012). Apres 3 à 5 ans, les taux de mortalité observés allaient

de 59,5 à 216,1 pour 1 000 PA et le Hazard Ratio (HR) était de 2,8 (IC95% : 2,5-3,1). Comparés aux

sujets sains, les déments avaient un risque de décès de 1,5 à 5,6 fois plus important. Le niveau

d’éducation et le sexe féminin étaient les principaux facteurs associés à la mortalité.

En Corée du sud, 1035 personnes âgées ont été suivies sur 8 ans. Les auteurs ont décrit un risque de

décès plus important chez les personnes atteintes de troubles cognitifs (MCI ou démence). Le taux de

mortalité globale était de 37,9%. Par rapport aux personnes sans troubles cognitifs, le risque de

mortalité était presque deux fois plus important chez les MCI (HR=1,92 , IC95% :1,46-2,54), et trois

fois plus chez les personnes atteintes d’une démence (HR=3,20 , IC95%: 2,30 -4,44) (Park et al., 2014).

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