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Le robot humanoïde est à ce jour ce qui concrétise au plus près, ce que de nombreux mythes, grands récits sacrés, rituels, inventions et expérimentations, œuvres littéraires et plastiques, ont exprimé et quêté des siècles durant. Le désir de concevoir et de créer un homme artificiel a traversé les époques. Le savoir et les techniques progressivement acquis par les humains à ce sujet, se sont transmis de génération en génération. Dans ce sens la valence fantasmatique du robot humanoïde est intense. Le robot humanoïde semble procéder de fantasmes originaires tendant à aplatir la verticalité générationnelle, dans le déni de la temporalité qui la constitue, mais aussi de la différence des sexes et plus généralement de la castration. Le fait que lřhomme artificiel nřen soit plus au stade de projet ou de brouillon approximatif, mais soit concrétisé de manière se rapprochant plus que jamais du modèle humain de base, donne aux fantasmes originaires animant ce projet ainsi quřaux visions dřavenir qui y sont investies, le goût concret des possibles.

Les innovations, les pratiques, les idéologies et les revendications qui caractérisent la société contemporaine en appellent au dépassement de tout assujettissement et à lřamélioration indéfinie de lřhumain et de sa condition, quitte à avoir à réinventer et redéfinir ce dernier. Mais sous ce tableau où liberté, libération et libéralisme, coexistent avec un malaise grandissant et des difficultés touchant au lien (soi-moi, de pensée, à lřautre, à la réalité), et sous le conflit de lřhumain avec sa condition de mortel et les déterminismes qui en découlent, sřesquisserait un autre conflit. Celui entre lřhumain et ceux qui lřont précédé, ses ascendants directs et indirects, ceux dont il semble avoir du mal à élaborer et sřapproprier lřhéritage. Du grandir trop vite au refus du grandir et du devenir adulte ; du refus de lřhéritage biogénétique de la condition humaine et ses corollaires de conception et de procréation de chair ; de par la transformation du corps interne et externe en une œuvre en perpétuel devenir ; du partage dřune information ou dřune photo avec des centaines voire des milliers dřamis sur les réseaux sociaux pour revenir à la solitude et la désertion du quotidien ; de par la construction dřun double artificiel qui apporterait assistance, suppléance, compagnie et présence, bref tout le bien dont lřhumain a besoin dans le monde dřaujourdřhui ; du fantasme ou de la volonté dřen finir avec le passé et lřhomo sapiens sapiens pour accéder à une existence où rien, ni chair ni pulsion ni souvenir ni passion, ne saurait troubler lřindéfectible

esprit intelligent devenu véritablement autonome grâce à lřartifice quřil a lui-même créé ; lřhumain chercherait de façons différentes, à éviter de ressembler à ses ascendants et dřêtre humain à leur manière.

A défaut de répéter et perpétuer lřespèce humaine par la succession des générations et par les voies de la chair, il tente de répéter le modèle humain en dehors de lřhumain et artificiellement, quitte à ce que cette reproduction modifie lřacception de lřespèce. La répétition a à voir avec le traumatisme et la pulsion de mort, mais aussi avec la tentative de reprendre la maîtrise dřune situation en vue de la dépasser et de la symboliser. Il se pourrait bien évidemment que les traumatismes que lřhumain tente de dépasser et de sřapproprier soient simplement et conformément aux revendications explicites de certains, ceux de la naissance et de la mort, communs à tous les humains. Mais il se pourrait aussi que sřexprime, à lřenvers des projets visant lřamélioration ou la transformation du présent et de lřavenir, une difficulté majeure à subjectiver un héritage.

Isabelle Lasvergnas pose que lřhumanité dřaujourdřhui est celle « rejeton et héritière de la

scène primitive de notre modernité qui fut celle des camps de la mort » (Lasvergnas, 1993, p.

124). Guerres, conflits sanguinaires, occupations, génocides et dictatures ont toujours existé. Certains récits sont parvenus jusquřà nous et dřautres ont été patiemment ensevelis sous la poussière du temps. Le 20e siècle nřa pas dérogé à la violence, bien au contraire. Il a, notamment avec Auschwitz et Hiroshima, atteint des degrés dřatrocité extrême, organisant et systématisant et radicalisant le massacre55. La déréliction restée après lřhorreur, nombre dřœuvres théoriques, littéraires ou plastiques, ont essayé depuis de lřexprimer.

La période nazie a conduit à son faîte la désobjectalisation du corps de lřautre, selon Janine Chasseguet-Smirgel (Babonneau, 2005, p. 601). Cette désobjectalisation sřaccomplissant dans le meurtre et la destructivité, a mis aussi en péril la symbolisation. Chasseguet-Smirgel souligne à quel point, le thème du corps éparpillé, de Auschwitz au 11 Septembre, du terrorisme kamikaze à la pornographie des snuff movies, des modifications corporelles aux suspensions et au body art sanguinolent, fait coïncider les parties corporelles dispersées et indifférenciées avec les idéologies et les philosophies de notre époque post-moderne (Chasseguet-Smirgel, 2003). Le néofétichisme du sang jaillissant serait celui dřun au-delà du corps (Babonneau, op.cit., p. 600). Lřactivité symbolique a graduellement épargné la vie, écartant le sacrifice, qui a dřabord porté sur le corps, humain ou animal, dans bien des rites

55 Lřunivers totalitaire et lřunivers concentrationnaire sont des formes dřorganisation de la pulsion de mort

sacrés et des religions, du vivant. Les sacrifices de corps dřanimaux ont été progressivement remplacés par des offrandes alimentaires non carnées, puis par lřencens, les fleurs, les bougies, et enfin par la prière. Ainsi lřactivité symbolique aurait dans une défaite plus récente, opéré un retour du sacrifice au corps.

Certains penseurs, tel Dufour, parlent, non seulement de legs, mais de persistance, au sujet des camps de la mort et insistent sur le fait que « perdure un véritable projet post-nazi de

sacrification de lřhumain. » (Dufour, 2005b). Des auteurs de disciplines différentes, voire de

courants de pensée quelquefois divergents, tels que Dufour (2005, 2007), Gavarini (2004) ou encore Fukuyama (2002), repèrent dans la conjoncture mondiale actuelle dominée par le néolibéralisme capitaliste et les technosciences, le risque que les régulations symboliques se brisent au point où la technique « [avancerait] toute seule jusquřà briser lřhumanité. »

(Dufour, 2005b).

(1) Le legs de la dissolution de l’humain

Depuis la deuxième guerre mondiale, et quelles que soient les forces de dénégation mises en place, « lřécroulement de ce qui assurait à chacun, à son insu, la certitude de lřexistence dřun pacte entre lřhomme et lui-même, et les autres […] a eu lieu. […] Cet écroulement fait désormais partie de chacun : il fait partie de lřhéritage de la réalité humaine » (Zaltzman,

1998, p. 68) pose Nathalie Zaltzman. Ainsi, que ce soit pour ceux qui ont vécu lřenfer concentrationnaire nazi et ne lui ont pas survécu, pour ceux qui sont restés vivants, ou encore pour « les deux générations au moins qui sont nées après » (Ibid.), cet écroulement relève désormais de la réalité. Il signe la destruction de la « certitude minimale dřexistence pour autrui » (Zaltzman, op.cit., p. 17), fondatrice des processus de civilisation tout comme de la

Kulturarbeit, garant narcissique premier, essentiel à chaque individu. Quand la fonction protectrice de la civilisation, même si illusoire, se mue en destruction, la possibilité dřélaborer ce trauma est mise en danger et fait violence à lřinconscient.

Nathalie Zaltzman relève que dans tout massacre ou génocide : « Lřaccent porté sur la

dimension narcissique, originaire, souligne que les phénomènes totalitaires et concentrationnaires nřappartiennent pas, ni dans leurs origines, ni dans leurs effets, à une mise en scène des avatars dřEros. » (Zaltzman, op.cit., p. 28-29). Au regard de la dimension

originaire que tout carnage vise, Pérel Wilgowicz identifie la mise en œuvre dřun fantasme vampirique : « Pouvons nous interroger le fait que ce soient des matricides et des parricides

(parenticides) qui sont prescrits lors de massacres collectifs ? Lors de génocides, ce sont en outre des infanticides qui sont programmés, ce qui implique déni de la naissance et de la mort

dřune collectivité à détruire, en raison même de son origine, de sa genèse. » (Wilgowicz,

[s.d.]).

Wilgowicz puise dans le mythe de vampire, ni-mort/ni-vivant, un éclairage des aspects cliniques et métapsychologiques se situant en deçà des problématiques oedipiennes et narcissiques. Un vampirisme psychique, décelable dans les pathologies narcissiques, borderlines ou psychosomatiques, serait particulièrement à lřœuvre dans les pathologies du deuil et celles post-traumatiques. Le vampirisme « scrute les deux termes de la vie et met en

perspective lřoriginaire et le mortifère » (Ibid.). Vampyr, à la différence du fantôme

Řrevenant-en-espritř - tel que théorisé par Abraham et Torok (1978)-, est un-revenant-en- corps. Lřidentification vampirique, quoique proche de lřidentification endocryptique, ne sřappuie pas sur un modèle dřincorporation, mais repose sur une « circulation ombilicale dřun

flux sanguin de lřun à lřautre des partenaires à lřintérieur dřune peau commune. »

(Wilgowicz, [s.d.]). Cet échange sanguin entre un défunt et son descendant, réalise une revenance-en-corps et assure la survie du premier au détriment du second dont lřimage reste en deçà de Narcisse et de son miroir.

Irreprésentable, ante et antinarcissique - Wilgowicz se dit proche de la pensée de Racamier (1989)-, le complexe vampirique relève de lřindistinction sujet-objet et procède du déni de lřorigine, de la naissance, de la mortalité et de la suite des générations. Lorsque pèse sur la subjectivation la double emprise des morts et des vivants, perçus comme des non-morts/ non- vivants/ non-nés, lřengrenage dřune transmission vampirique fait obstacle au développement dřidentifications narcissiques suffisamment structurées56. Le déni par le sujet de son origine

propre se traduirait par le fantasme de nřêtre pas né. Dans ce sens, le vampirisme désigne « le

terreau où sřimplantent les racines [dřune transmission transgénérationnelle défaillante] mettant en tension infanticide et matricide/parricide, il enchaîne les générations dans le processus vampirique dřune Řrevenanceř muette de la lignée antérieure, qui entrave la subjectivation. Un vampirisme de masse caractérise lřau-delà du malaise de nos civilisations. » (Wilgowicz, [s.d.]).

La mise à mort du lien de lřhumain à lřhumain, propre aux camps de la mort, relève selon Zaltzman dřune métapsychologie construite du point de vue de Thanatos, cependant porteuse dřun inédit : se révèlerait là une potentialité de transformation psychique propre à la pulsion

56 Wilgowicz insiste sur la nécessité de prendre en compte, et le cas échéant dřélaborer en analyse, non

seulement les vœux incestueux et parricides du complexe oedipien, mais les vœux parenticides et infanticides suscités dans les deux sexes par un complexe vampirique.

de mort (Zaltzman, 1998, p. 33). Ainsi dans des situations extrêmes, surgirait chez Thanatos une exigence, vis-à-vis de lřindividu et de lřensemble humain, de créer une alternative à lřappel du meurtre et de lřautodestruction. Cette exigence donne à la pulsion de mort « un

destin […] autre que mortifère », car de par sa dispersion et sa déliaison, elle « ruine tout rapport fixe de la puissance à un individu, un groupe ou un Etat, [et] dégage aussi face à lřexigence du Tout une autre exigence et finalement interdit la tentation de lřUnité-Identité »

(Zaltzman, op.cit., p. 137-138). Nathalie Zaltzman nomme cette pulsion de mort, la pulsion anarchiste.

Cette catégorie de la pulsion de mort est anarchiste en ce quřelle travaille à ouvrir une issue de vie là où une situation critique et extrême, lřexpérience-limite57, se referme sur un sujet, sape

ses défenses, le dépossède de son droit impersonnel à la vie et lřexpose à une possibilité constante de mort. Dans de telles conditions où le rapport de forces est fatalement inégal et sans issue, ce qui pourrait affronter cette situation mortelle orchestrée par la pulsion de mort ne peut être quř « une résistance née de ses propres sources pulsionnelles de mort » (Zaltzman, op.cit., p. 139). Individualiste et libertaire, la pulsion anarchiste maintient pour lřindividu la possibilité dřun choix en dépit dřune situation ayant systématiquement éradiqué les choix possibles. Dans ce sens, la pulsion de mort anarchiste aurait pour destin la vie. Les survivants des camps de la mort, comme ceux qui y ont péri ou ceux qui sont nés après, sont désormais contraints à porter le désastre en eux : « Il est désormais inscrit dans lřordre

des possibles que lřhomme peut cesser dřêtre un homme à ses propres yeux et au regard dřun autre. […] Lřindividu Ŗgénéralŗ, de nřimporte quelle catégorie, peut entrer dans une désignation dřobjet effaçable, sans importance, soumis sans recours au fonctionnement dřune organisation globale criminelle, se légitimant comme telle, société organisée dřassassins à qui le meurtre procure une plus-value narcissique qui les met hors de la loi commune. »

(Zaltzman, op.cit., p. 23). Cette réalité de la dissolution déjà advenue de lřhumain a désormais intégré la connaissance collective. Elle se transmet de génération en génération et ne cesse dans ce sens de produire ses effets.

57 « Lřexpérience-limite est une situation expérimentale dřurgence à laquelle un être humain se trouve rivé, quřil

ne peut surmonter sans dommage mortel, quřil ne peut pas ne pas affronter. Lřexpérience-limite peut tenir à un environnement physique naturel extrême (celui des régions polaires pour les Esquimaux). Elle peut naître dřun environnement politique et social. Elle peut être le fait dřune relation mentale individuelle » (Zaltzman, 1998, p.

(2) Transmission psychique inconsciente, traumatisme et répétition

La transmission psychique inconsciente constitue la trame fantasmatique de la subjectivation, donc de lřappropriation par un sujet de sa pensée, de son identité et de son désir propres (Ciccone, 1999). Le fantasme de transmission58 capture le contexte de transmission et en donne une version particulière décrivant les relations entre le sujet héritier, le sujet transmetteur et lřobjet transmis. Toute transmission en tant quřelle constitue une potentialité de transformation (dans le sens où une réinvention et une recréation inconscientes de ce qui est reçu sont possibles) garantit au sujet un degré relatif de jeu et donc de liberté et de créativité au sein de ce qui lui est imposé comme un legs. Le sujet est ainsi actif dans lřappropriation de ce quřil hérite (Ibid.). La transformation dote ce qui est transmis dřun sens et engage donc le penser.

En réalité, ce qui est envisagé et étudié de la transmission est la manière dont le fantasme, qui détermine et nuance la relation de lřenfant à son parent ou à son entourage, est « indiqué à

lřenfant » précise Albert Ciccone (Ciccone, op.cit., p. 61). Autrement dit, cela concerne la

manière dont le parent indique à lřenfant la place qui lui a été assignée dans le scénario fantasmatique lequel structure les modalités de son investissement et de son lien à lřenfant. De même, la transmission concerne la manière dont le parent consent ou pas à lřappropriation subjectivante par lřenfant de son identité propre et de lřexpérience dans laquelle se joue le lien au parent et le fantasme qui lřorganise. Ces mouvements dřappropriation et de transformation- création permettent le développement de la symbolisation et des processus identificatoires. Lřidentification se présente comme « voie royale de la transmission psychique inconsciente », selon Ciccone (Ciccone, op.cit., p. 31), initiant ainsi la mise en place dřun travail de subjectivation. Cřest dans le déploiement de la subjectivation quřun individu gagne sa position dans la lignée familiale et devient véritablement sujet, au sens psychanalytique, de son histoire et de son désir.

Il convient de distinguer les effets du fantasme de transmission selon que le contexte de transmission soit traumatique ou non. Dans le cas de transmission non traumatique, le fantasme de transmission, resté en général inconscient, a une fonction dřappropriation subjectivante et soutient donc lřillusion du transmis-créé au sens où Winnicott lřentend. Il utilise les processus de la transitionnalité qui peut devenir opérante parce que le sujet et/ou

58 « Le fantasme de transmission est un scénario construit ou reconstruit, conscient ou inconscient, dans lequel

le sujet se désigne comme héritier dřun contenu psychique transmis par un autre, contemporain (dans un lien inter- ou transsubjectif) ou ancêtre (dans un lien généalogique inter ou transgénérationnel) » (Ciccone, 1999, p.

lřenvironnement transmetteur lřa permis en plaçant lřobjet à transmettre de sorte que le sujet héritier ait pu développer lřillusion de lřavoir créé. Ciccone sřintéresse surtout à la transmission traumatique qui déborde les possibilités du transitionnel et les processus de pare- excitation et de symbolisation. Elle se répercute sur les processus identificatoires du sujet et peut conduire à son aliénation. La transmission traumatique concerne « des objets aliénants,

peu transformables ou peu transformés et produit elle-même des objets peu transformables59 » (Ciccone, 1999, p.75).

Cette dimension traumatique de la transmission semble intéressante à interroger au regard de ce qui sous-tend la répétition sřexprimant à travers le robot humanoïde et de ce quřelle révèlerait dřaliénant et de difficilement transformable. Le fantasme de transmission tente de rétablir la continuité du lien (intersubjectif, filial, généalogique) mis en péril par la transmission traumatique et ses effets dřaltérité brutale. La construction dřun fantasme de transmission relève dřun processus dřappropriation dřune histoire étrangère dont le sujet est dépositaire, et tente de réorganiser une transmission traumatique. Les répétitions du traumatique représentent lřune de ses manifestations phénoménologiques (Ibid.).

Jean Guyotat (1980, 1991) envisage le lien de filiation selon deux axes - la dimension instituée et la dimension narcissique- entre lesquels sřétablit une dialectique. Le lien de filiation institué concerne lřaspect du lien découlant du fait quřun sujet est dit par le groupe en relation60 de parenté avec un autre. La dimension narcissique peut prendre la forme de fantasmes de reproduction du même, de fantasmes parthénogénétiques de clonage qui éloignent lřimage de la reproduction sexuée tout en ignorant la différence des sexes. Dans le système narcissique, les événements traumatiques sřinscrivent dans une chaîne magique où ils sřaccumulent, se répètent, de manière à rester extérieurs et donc difficiles à intérioriser, contrairement à la chaîne symbolique où les événements prennent sens les uns par rapport aux autres. Le lien de filiation représenterait dans ce sens un véritable appareil généalogique de transmission dont la dimension narcissique servirait de support à la construction des

59 Cela renvoie à la défaillance chez la mère de la Řfonction alphař, telle que théorisée et développée par Bion en

1959 (Bion, 1982).

60

Cette relation est instituée aussi bien par le langage que par les aspects non langagiers de lřinstitution. Cependant, certaines données instituées (alliances, naissances, morts, coïncidences mort/naissance, enfants mort- nés, avortements spontanés, tentatives de suicide…) qui sont autant dřévénements, fonctionnent comme des blessures institutionnelles plus ou moins élaborables pour les sujets dřune lignée. Ces événements, dans la mesure où ils sont traumatiques, accentueront la dimension narcissique du lien de filiation (Guyotat, 1980).

fantasmes de transmission ayant essentiellement une fonction défensive : ces fantasmes tentent de répondre au traumatisme et de le traiter.

Lřempiètement imagoïque serait le processus par lequel une imago parentale sřimpose, ou est imposée, à la fois en tant quřobjet dřidentification de lřenfant et comme objet dřidentification pour lřenfant (Ciccone, 1999, p. 77). Ce processus utiliserait les voies de lřidentification projective mutuelle selon Ciccone : Du côté parent, lřimago est « projetée et identifiée à

lřenfant » (Ibid.), le parent ayant recours à des manœuvres dans la relation interactive visant à

confirmer cette identification. Du côté enfant, lřimago peut soit captiver lřenfant et être génératrice dřun faux self, soit le persécuter et le pousser à déployer des efforts incessants visant à la contrôler. Elle reste aliénante dans les deux cas et enlève à lřenfant toute autonomie face à ses objets psychiques. Ainsi, lřespace mental occupé, envahi par lřobjet dřun autre, prive le sujet de liberté. En installant lřobjet dans le moi, ce dernier évite le deuil.

Haydée Faimberg aborde la dimension narcissique de la transmission psychique en proposant la notion de « télescopage des générations » (Faimberg, 1987; Faimberg, 1988). Elle considère les identifications inconscientes et muettes qui constituent une histoire secrète dřun sujet (et secrète pour le sujet), condensant ainsi une histoire qui nřappartient pas à sa

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