3.3 Films semi-continus d’or
3.3.2 Morphologie et spectrophotométrie des films d’or semi-continus . 70
Les films d’or utilisés dans cette thèse sont donc des films d’or semi-continus, juste
sous le seuil de percolation. De cette concentration proche du seuil de percolation, il
résulte des propriétés morphologiques et spectroscopiques particulières, telles que la
fractalitéou la présence d’un plateau d’absorption résultant d’une large distribution de
résonances plasmon.
Nous allons voir ici les propriétés morphologiques et spectroscopiques de ces films,
pour les deux méthodes de dépôt. Il en ressort que ces films ont des propriétés
simi-laires mais comportent aussi des différences qui pourraient expliquer les résultats que
nous verrons au chapitre 4.
3.3.2.1. Morphologie
(a) Dépôt par évaporation thermique (b) Dépôt par pulvérisation plasma
F
IG. 3.8 –Image de microscopie à force atomique de couches d’or semi-continues proche du seuil
de percolation obtenues avec les deux techniques de dépôt.
Ces films d’or sont donc constitués d’îlots d’or de taille et de forme aléatoires,
comme on peut le voir sur la figure3.8. La taille moyenne de ces îlots ainsi que
l’espace-ment entre les différents îlots dépendent crucialel’espace-ment des conditions de dépôt.
Cepen-dant, l’aspect général reste le même, avec des formes variées, plus ou moins connectées
les unes aux autres et plus ou moins grandes.
Il est important de noter la différence de taille moyenne des grains d’or entre les
deux dépôts, et donc l’intergrain, car ils auront un rôle crucial dans les résultats sur
le couplage avec les nanocristaux. Comme on peut le voir, entre la figure 3.8(a)et la
figure3.8(b), présentant respectivement des topographies réalisées par microscopie à
force atomique (AFM, Atomic Force Microscopy) pour un film semi-continu obtenu par
évaporation sous ultra-vide et un second film semi-continu obtenu par pulvérisation
plasma, un facteur 2, approximativement, apparaît, à la fois sur la dimension latérale
des grains d’or et sur leur hauteur.
no m br e de p ix el s n or m al isé 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 hauteur (nm) 0 5 10 15 20
(a) Dépôt par évaporation thermique
no m br e de p ix el s n or m al isé 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 hauteur (nm) 0 2 4 6 8 10 12
(b) Dépôt par pulvérisation plasma
F
IG. 3.9 –Distribution des hauteurs des images AFM des deux films de la figure3.8. Les courbes
rouges représentent une distribution gaussienne, de largeur 1,6 et 0,8 nm et de position
du maximum de 16 et 8 nm pour les figures (a) et (b) respectivement.
La comparaison de la distribution des hauteurs sur les deux images AFM (figure
3.9) confirme ce facteur 2 sur la hauteur des grains d’or. Elle montre aussi un
compor-tement très similaire pour les hauteurs les plus grandes. En effet, la distribution pour
ces valeurs peut être ajustée par une gaussienne, dont le rapport entre la largeur et
la position du maximum est de 0,1 pour les deux films. La distribution pour les
hau-teurs faibles ne coïncide pas entre les deux images à cause du rayon de courbure fini de
l’apex de la pointe AFM, ne permettant pas de sonder parfaitement l’espace entre les
grains d’or dans le cas du film obtenu par pulvérisation plasma (figure3.9(b)).
Ce même rayon de courbure de l’apex de la pointe AFM ne permet pas de
détermi-ner directement un taux de remplissage des films d’or. Une opération de seuillage est
nécessaire pour définir quelle partie de l’image est du diélectrique et quelle autre
par-tie est de l’or. Cette opération est moins critique pour les couches d’or réalisées par
évaporation sous ultra-vide car, grâce à un inter-grain plus gros, la pointe parvient à
mieux les sonder. Cependant, la hauteur choisie pour ce seuillage change de façon
im-portante le taux de remplissage.
(a) Dépôt par évaporation thermique (b) Dépôt par pulvérisation plasma
F
IG. 3.10 –Remplissage d’or des images AFM des deuxfilms de lafigure3.8. Les grains d’or sont
représentés en blanc et le substrat en noir.
couches dans une simulation telle que la FDTD et que les résultats, principalement sur
l’intensité deshot spots(voir3.3.3), que nous obtenons en sont très dépendants.
Malgré cette limitation, et grâce à la comparaison avec des images de microscopie
électronique à transmission, le taux de remplissage des couches est évalué autour de
0,65 à 0,70, pour les deux techniques de dépôt (figure3.10).
Un autre critère permettant de caractériser la morphologie de ces couches est, pour
les grains d’or, le rapport de leur surface et de leur périmètre afin d’obtenir leur degré
defractalité. En effet, les films métalliques semi-continus proche du seuil de
percola-tion sont connus pour présenter un caractère fractal [95]. Les objets fractals, concept
introduit par B. Mandelbrot en 1973 [96], sont des objets géométriques présentant une
propriété d’invariance d’échelle, aussi appeléeauto-similarité.
On définit une fonction autosimilaire ainsi :
Soientr∈R
∗+etP ∈N
∗. Soient [a,b] un intervalle deRet f une fonction de [a,b] dans
R. On dit de la fonctionf qu’elle est auto-similaire sur [a,b] si elle vérifie la relation :
∀x∈[a,b],f(x)=P f(r x) (3.30)
P est appelé le nombre de parties etr le coefficient d’homothétie [97]. On peut alors
montrer que :
∀x∈[a,b],f(x)=P f(r x)⇔ ∃λ∈R,∀x∈[a,b],f(x)=λx
D(3.31)
où D est la dimension d’homothétie et vaut :
D= logP
log(1/r) (3.32)
Les fonctions auto-similaires sont donc des fonctions en loi de puissance. Une telle
fonction est dite fractale sur un intervalle [a,b] si sa dimension d’homothétie D est
non-entière. Cette dimension est la dimension fractale, aussi appelée dimension de
Haus-dorff.
P ér im èt re (n m ) 10 100 1000 Surface (nm2) 1 10 100 1000 10000
(a) Dépôt par évaporation thermique
P ér im èt re (n m ) 10 100 1000 Surface (nm2) 1 10 100 1000 10000
(b) Dépôt par pulvérisation plasma
F
IG. 3.11 –Rapport entre les surfaces et périmètres de grains des images AFM des deuxfilms de
lafigure 3.8. Les droites rouges suivent une fonction f(x) = a∗x
D/2où a est une
constante etD le degré de fractalité, égal à 1,88 pour les deux cas. Les droites vertes
représentent la distribution euclidienne des petits grains.
Ainsi, le périmètreP
cd’un îlot est fractal siP
c∝S
D2(oùSest la surface de l’îlot).D
est un nombre non-entier, appelé dimension fractale. Pour ces films d’or
semi-conti-nus,Dest égal à 1,88 pour les deux conditions de dépôts (figure3.11, la droite rouge
suit une fonction f(x) = a∗x
1,88/2oùaest une constante).
Cependant, on peut remarquer que les grains le plus petits sur chaque film ne
suivent plus cette distribution fractale du périmètre en fonction de la surface. Ils suivent
une distribution euclidienne, caractérisée parP
e∝S
12, représentée en vert sur les
fi-gures3.11(a)et3.11(b). On peut voir que pour nos deux films, le couple
surface-péri-mètre au niveau duquel se produit la transition entre le comportement fractal et
eucli-dien n’est pas le même. Sur le film obtenu par évaporation thermique, cette transition
se produit autour du couple surface-périmètre 1570 nm
2- 200 nm. Sur le film obtenu
par pulvérisation plasma, les grains sont plus petits et la transition entre le
comporte-ment fractal et euclidien se produit autour de 640 nm
2- 110 nm.
3.3.2.2. Spectrophotométrie
La présence sur le film de cette assemblée d’îlots de tailles et de formes aléatoires a
des effets sur ses propriétés optiques, tant en champ lointain qu’en champ proche.
En champ lointain, on peut observer ces effets sur le spectre d’absorption. Le
spectre d’absorption d’une particule sphérique d’or est défini par un pic,
correspon-dant à la résonance plasmon de la particule. À faible concentration, le dépôt présente
un comportement optique similaire. Le pic est légèrement décalé et élargi vers le rouge
à cause des interactions entre les particules.
Lorsque les particules ne sont plus sphériques, un deuxième pic d’absorption
ap-paraît. Ainsi, quand le volume de métal déposé augmente, la forme des grains évolue
et le spectre s’élargit par le déformation des particules composant le film, à laquelle
s’ajoutent toujours les interactions entre les particules.
Pour une surface continue d’or, par contre, on n’observe pas de pic d’absorption
mais une grande réflectivité et une faible transmission, caractéristiques qui permettent
de l’utiliser comme miroir, par exemple.
% 0 20 40 60 80 100 Longueur d'onde (nm) 500 1000 1500 2000 T A R
(a) Couche obtenue par évaporation thermique
% 0 20 40 60 80 100 Longueur d'onde (nm) 500 1000 1500 2000 T A R