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5.3 Comparaison des deux nuances .1 Effet de la température.1 Effet de la température

5.3.2 Morphologie de la fissuration observée Nuance austénitique 1.4310

La corrosion sous contrainte de nuances austénitiques écrouies instables est souvent interprétée sous deux angles de vue différents : (i) effet de la présence de martensite d’écrouissage, (ii) effet de la structure des dislocations. En étudiant la nuance 304L écrouie à 10% en milieu HCl à 1mol.L−1, Ghosh et Kain. [60] montrent que l’amorçage et la pro-pagation de la corrosion sous contrainte sont favorisés par la présence de bandes de glis-sement. Leurs observations indiquent que la fissuration suit ces bandes de glissement où la densité de dislocations est importante (cf. Figure1.24 de la partie bibliographie). Dans le cas de la nuance 304L fortement écrouie en surface, ces mêmes auteurs [143] montrent le lien entre la présence de martensite d’écrouissage et l’augmentation de la sensibilité de la nuance à la CSC induite par les chlorures. La haute densité de dislocations associée à la formation de la martensite d’écrouissage est, selon ces auteurs, responsable de la

a. b.

Figure 5.18 – Morphologie de la microfissuration apparue sur la nuance austénitique 1.4310 (T=50C)

La morphologie de la microfissuration observée sur la nuance austénitique 1.4310 étu-diée est présentée sur la Figure 5.18. Nous pouvons remarquer que la microfissure princi-pale, se propageant en mode I, est accompagnée par une déviation de la fissuration dans une direction perpendiculaire. L’émoussement observé le long de ces "lattes" suggère une propagation par dissolution [144]. En lien avec les remarques de Ghosh et Kain, cette dissolution pourrait être engendrée par une densité locale de dislocation importante. En observant le faciès de rupture associé à la microfissuration (Figure5.19) et en le comparant à la microstructure du fil (cf. Figure3.7), nous pouvons observer que la dissolution semble suivre les lattes de martensite d’écrouissage. Ceci suggère que dans le cas de la nuance austénitique, la martensite d’écrouissage constitue un chemin préférentielle de dissolution, permettant une propagation plus rapide de la microfissure en corrosion sous contrainte.

Figure 5.19 – Observation au MEB de la corrosion préférentielle des lattes de martensite d’écrouissage. Cas de la nuance austénitique 1.4310 pour T=50C

Nuance duplex 1.4362

La littérature portant sur la corrosion sous contrainte en milieu chloruré des aciers inoxydables duplex écrouis est peu abondante. En milieu MgCl2 à 145C, Takisawa et al. [61] ont montré qu’un écrouissage supérieur à 30% engendre une baisse de la résistance à la CSC de la nuance duplex 22Cr6Ni2Mo. La déformation plastique de la phase ferritique semble être responsable de cette diminution. Cottis and Newman [46] indiquent que la déformation à froid pourrait engendrer une homogénéisation de la déformation plastique au sein des deux phases (austénite et ferrite). Ce qui augmenterait leur risque de fissu-ration simultanée. L’écrouissage à froid semble ainsi minimiser la protection initiale de l’austénite par la ferrite. D’autre part, pour les nuances duplex présentant une phase aus-ténitique instable (cas de la nuance "lean duplex" 1.4362 étudiée), l’écrouissage engendre la formation de martensite d’écrouissage qui, comme vu précédemment, semble favoriser le développement de la corrosion sous contrainte.

La microfissuration observée sur la nuance duplex étudiée est présentée sur la Figure 5.20. La détermination des phases a été réalisée par observation au MEB en mode électrons rétrodiffusés. La phase sombre correspond à la ferrite. La phase présentée en clair est constituée d’austénite et de martensite d’écrouissage. Nous pouvons observer sur cette figure que la propagation de la microfissure est accompagnée de la dissolution préférentielle de la phase ferritique, comme Tseng et al. [134] l’ont observé sur la nuance duplex 2205 en milieu chloruré. La Figure 5.20.b. montre que la dissolution de la ferrite favorise la microfissuration en mode II. En revanche, bien que cela soit probable, son rôle dans la propagation de la microfissure en mode I n’a pas pu être déterminé. Au niveau du faciès de rupture (Figure 5.21), la distinction entre les deux phases a été réalisée par analyse EDX

a. b.

Figure 5.20 – Morphologie de la microfissuration apparue sur la nuance duplex 1.4362 (T=80C), a. propagation en mode I et II, b. détail de la fissuration se propageant en

mode II

Figure 5.21 – Morphologie de la microfissuration de la nuance duplex 1.4362 observée au MEB.

5.4 Conclusion

L’utilisation de l’essai de traction nous a permis d’aborder l’étude du comportement, vis-à-vis de la corrosion sous contrainte induite par les chlorures, des deux nuances d’aciers inoxydables 1.4362 et 1.4310. De part la sévérité de l’essai, le développement de la micro-fissuration a pu être réalisé dans des temps inférieurs à 4 jours.

L’effet de la vitesse de déformation ˙ε sur l’évolution des caractéristiques mécaniques ainsi que sur le développement de la fissuration a pu être mise en évidence sur la nuance austénitique. Ainsi, lorsque ˙ε>10−6s−1, la rupture du fil est similaire dans le milieu corro-sif et dans le milieu de référence, l’air. Dans ces conditions, la corrosion est un processus trop lent par rapport à la déformation. Ce qui engendre une rupture quasi-mécanique de type ductile. Pour ˙ε ≤ 2.10−7s−1, l’effet de la solution corrosive est observé et le faciès de rupture est modifié par rapport à celui associé à l’air. L’étude de la dissolution anodique au cours de l’essai, réalisée à l’aide des paramètres J, Q et Qtdéfinis précédemment, a per-mis de mettre en évidence trois domaines distincts correspondant à différentes réactivités de surface. Cependant, cette étude n’a pas permis de mettre en relief un effet notable de ˙ε. Au contraire, les observations métallographiques réalisées indiquent un développement de la microfissuration uniquement pour une vitesse de déformation proche de 4.10−8s−1. Ceci suggère que la durée d’exposition de l’acier inoxydable 1.4310, notamment dans les domaines II et III liés à des taux de déformation élevés, joue un rôle important dans l’amorçage et le développement de la corrosion sous contrainte induite par les chlorures.

En considérant l’évolution des paramètres mécaniques, l’effet de la température sur le comportement des deux nuances vis-à-vis de la CSC induite par les chlorures n’est pas observé simplement. L’étude révèle par ailleurs que le choix du paramètre mécanique est important dans la comparaison des deux nuances. Ainsi, si l’on considère l’évolution de la déformation à rupture, la nuance austénitique semble avoir une résistance similaire à la nuance duplex. En revanche, le classement observé dans la littérature, indiquant une meilleure résistance de la nuance duplex, est respecté lorsque l’on considère l’évolution de la contrainte à rupture. La comparaison de deux nuances présentant des caractéristiques mécaniques différentes semble constituer une des limites de l’essai de traction lente. Les observations métallographiques réalisées permettent, néanmoins, de montrer clairement l’effet de la température. Le développement de la microfissuration est ainsi plus important à 80C qu’à 50C. La forte tendance de la fissure à se propager dans le sens longitudinal (ie. sans perte de section) peut expliquer pourquoi l’évolution des caractéristiques méca-niques est faible avec la température.

La morphologie de la microfissuration est dépendante de la microstructure de l’acier inoxydable. Cependant, un effet de la martensite d’écrouissage peut être observé dans les deux cas. Ainsi, la nuance austénitique présente une microfissuration abondante, notam-ment à 80C, fine et très ramifiée. Les observations au MEB ont révélé que la présence de martensite d’écrouissage semble être responsable du chemin de microfissuration observé. La sensibilité de la nuance duplex à la CSC se traduit par la dissolution préférentielle de la phase ferritique. La martensite d’écrouissage, principale phase présente en dehors de la ferrite, facilite la propagation de la microfissuration au sein de l’austénite.

Chapitre 6