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En dehors de la mortalité, la morbidité désigne d’autres problèmes sanitaires (apparition et aggravation de certaines maladies respiratoires ou cardio-vasculaires, visites médicales …) imputables à la pollution de l’air. Ces maladies, bien que moins graves, sont plus fréquentes et touchent une bien plus grande partie de la population. La morbidité est le témoin de la

fréquence et de l’évolution des maladies dans les populations. Certains auteurs préfèrent de distinguer entre les deux types de morbidité : celle ressentie et qui reste subjective car elle témoigne sur les symptômes ressentis par l’individu, et la morbidité réelle ou objective observée avec un moyen de dépistage. Il en ressort que cette notion de morbidité est très difficile à définir, mais celle qu’on mesure est la morbidité diagnostiquée. Deux indicateurs de morbidité généralement sont utilisés à cet effet : l’incidence et la prévalence. L’incidence représente le nombre de nouveaux cas de maladies rapportées à une population donnée pendant une période de temps, alors que la prévalence est le nombre total de cas (les nouveaux et les anciens) dans une population donnée et sur une période de temps donnée. En terme de morbidité, nombreux sont les indicateurs de santé qui ont été utilisés à savoir les admissions hospitalières, problèmes des fonctions respiratoires et les pathologies cardio- vasculaire (Spix et al, 1998).

a/ Admissions hospitalières

Le nombre d’admissions hospitalières est un critère intéressant mais qui fait encore l’objet de recherches en épidémiologie afin de l’améliorer. Comme pour la mortalité, il est possible de corréler la pollution d’un jour donné et ses conséquences sur la santé les jours suivants, appréhendées dans ce cas par les admissions hospitalières. Zmirou et al. (1998) ont, par exemple, mis en évidence une association entre les admissions dans les hôpitaux pour les cas de pathologies cardio-vasculaires chez les 15-64 ans lors d’une augmentation de 10 µg/m3 de SO2 (dioxyde de soufre) : le risque d’hospitalisation augmente de 1,4 %. Il a été estimé, selon

ces auteurs, que pour 8 villes qui ont fait l’objet de l’étude, 748 hospitalisations par an auraient pu être évitées si la pollution de l’air n’avait pas dépassé le niveau de 10 µg/m3

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b/Fonctions respiratoires

Des modifications de l’appareil respiratoire peuvent être engendrées par la pollution atmosphérique : le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) peut diminuer surtout chez les enfants et à des niveaux de pollution très élevés. Plusieurs études ont montré que les enfants vivant dans des zones polluées peuvent avoir des risques de réactivité bronchique plus marquée que ceux exposés à de faibles concentrations de polluants. Ces hyperréactivités bronchiques ont souvent un caractère transitoire et réversible, mais la répétition d’expositions à des pollutions atmosphériques peut à terme sensibiliser la muqueuse respiratoire à des allergènes comme les pollens, acariens, toxiques (Burnett et al., 1997a).

c/ Pathologies cardio-vasculaires

Des études ont montré l’existence d’un lien entre les pathologies cardio-vasculaires et la pollution atmosphérique. Une enquête a été menée aux Etats Unis soulignant le lien entre la pollution par le monoxyde de carbone (CO) et l’aggravation du risque cardiaque (Burnett et al., 1997b). L’enquête ERPURS (évaluation de risques de la pollution urbaine sur la santé) a également établi un lien entre la pollution et les pathologies cardio-vasculaires. Les auteurs ont rapporté dans cette étude que des diminutions de 10 à 50 % de la pollution acido- particulaire (dioxyde de soufre et particules) en région parisienne, pourrait respectivement engendrer une baisse de 100 à 3000 hospitalisations annuelles pour causes cardio-vasculaires (Gouveia et Fletcher, 2000).

I.4- Ventes de médicaments pour problèmes respiratoires et pollution d’air

Il semblerait que depuis les années 1970-80, le nombre d’asthmatiques est en augmentation, et ce dans beaucoup de pays. Cependant, on ne peut relier cette augmentation à la pollution atmosphérique en l’état actuel des connaissances. Il est désormais établi que la pollution est un facteur aggravant pour les sujets asthmatiques. Les admissions hospitalières pour crises d’asthme, la consommation de médicaments, la diminution de la fonction respiratoire des asthmatiques paraissent liées aux variations de concentrations en polluants dans l’air. Une étude épidémiologique a été menée durant les Jeux Olympiques d’été d’Atlanta de 1996 et les résultats obtenus ont montré que les conditions particulières de restriction de la circulation dans l’agglomération ont eu pour conséquence de diminuer de 28 % les teneurs en ozone, et il fut constaté une forte baisse de crises d’asthme chez les enfants. Pour un enfant asthmatique, le risque de faire une crise d’asthme pendant les 14 jours de Jeux Olympiques d’Atlanta était 2 fois moindre qu’en temps normal (Burnett et al., 1997b).

En plus des indices sanitaires de mortalité ou de morbidité, un nouvel indicateur épidémiologique basé sur les statistiques de ventes de médicaments a été récemment utilisé par la communauté scientifique pour étudier le lien entre la pollution atmosphérique et les problèmes d’asthme. Utilisant cet indicateur sanitaire, deux études en France ont été réalisées sur les agglomérations de Rouen et le Havre et ont principalement concerné la relation entre l’asthme et la pollution atmosphérique (Zeghnoun et al., 1999 ; Pitard et al., 2002). Des séries temporelles de vente de médicaments ont pu être constituées à partir d’un réseau de surveillance épidémiologique mis en place à l’initiative de pharmaciens de la ville du Havre. L’étude menée sur l’agglomération de Rouen en décembre 2001 par l’ORS (observatoire

régionale de la santé de Haute-Normandie) a mis en évidence un effet significatif des concentrations de fumées noires sur les délivrances de médicaments broncho-dilatateurs et anti-asthmatiques à l’attention des enfants de moins de quinze ans ; de la même manière, une présence accrue de fumées noires, de dioxyde de soufre ou d’azote entraîne une augmentation des ventes de médicaments dédiés au rhume et à la toux (Pitard et al., 2002).

Comparativement aux données de mortalité ou d’admission hospitalière, l’indicateur «ventes de médicaments» permettrait d’effectuer une surveillance épidémiologique sur des zones géographiques plus réduites. Aussi, sur une période donnée, la puissance statistique d’une étude écologique temporelle s’appliquant à cet indicateur pourrait se révéler très supérieure à celles des études concernant des indicateurs sanitaires classiques (mortalité, admissions hospitalières). Un tel indicateur semble toutefois affecté de mouvements commerciaux difficiles à corriger : le rythme des jours de travail s’imprime clairement sur les ventes de médicaments (chute par exemple des ventes de médicaments les dimanches et les jours fériés) (Quénel, et al., 1999 ; Zeghnoun et al., 1999; Goldenberg et al., 2002 ; Vergu et al., 2006).