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PARTIE C : MONITORING SUR SITE ET MODELISATION

CHAPITRE 5: MONITORING DES GAZ DE LA GEOSPHERE

Le monitoring géochimique de la géosphère superficielle développé sur le site d’injection de

CO2 de Rousse 1 concerne les horizons géologiques situés entre –87 m de profondeur et 0 m.

Rappelons que deux puits dédiés à ce type de monitoring ont été mis en place sur le PAD de Rousse 1, le puits « Sentinelle », de 87 m de profondeur et le « Minipuits », de 3,4 m de profondeur. Rappelons également que les mesures en puits dédiés ont été complétées par un monitoring de surface (-1 m et +1 m), opéré sur une zone étendue de 42 km² centrée autour du site de Rousse 1.

Dans ce paragraphe, une première partie est essentiellement dédiée aux mesures des gaz du sous-sol (-87 m) obtenues par spectroscopie Raman dans le puits Sentinelle. Une seconde partie est consacrée aux mesures continues in situ des gaz du sol (-1 m ; +1 m), obtenues par la mise en œuvre de notre plate-forme de mesure géochimique in situ et continu associée au forage Minipuits. Puis, nous analyserons dans une troisième partie, comment les mesures in situ par campagne des gaz du sol (-1 m) et en surface (+1 m) opérées sur une surface étendue de 42 km² peuvent compléter ces mesures. Enfin nous verrons comment l’ensemble de ces mesures dans la géosphère peut aboutir à la conceptualisation d’un modèle global de transfert de gaz entre la géosphère superficielle et la surface.

5.1. MESURES IN-SITU PAR CAMPAGNE DES GAZ DU SOUS-SOL EN PUITS DEDIE

(Puits « Sentinelle », -87 m), (CO2, CH4, N2, O2, H2O vapeur)

La surveillance des gaz du sous-sol sur le site de Rousse 1 est réalisée au travers du puits Sentinelle, profond de 87 m, explorant les formations géologiques du Miocène (Aquifère des Poudingues de Jurançon). Rappelons que ce puits est immergé à partir de –45 m en moyenne (voir Chapitre 3.1.1. p 55) et que le niveau piézométrique varie au cours de l’année entre –44 m et –46,5 m. Le niveau piézométrique reste ainsi toujours situé au-dessus de la zone crépinée du puits Sentinelle. Cela signifie que les gaz mesurés dans le puits Sentinelle ont nécessairement transité par la phase aqueuse du puits avant d’atteindre la phase gazeuse du puits. Cette configuration a suscité l’élaboration d’une métrologie adaptée et suffisamment diversifiée pour rendre compte de l’évolution des compositions de chacune des phases (liquide et gazeuse) à diverses profondeurs dans le forage Sentinelle (voir Chapitre 3.1. p 55). L’UL, en partenariat avec la Société Kaiser Optical System, a testé une métrologie originale,

dans les phases gazeuse et liquide du forage Sentinelle. Pour ce faire, des profils verticaux par spectroscopie Raman ont été opérés dans le puits Sentinelle, par campagnes trimestrielles. Le protocole expérimental consiste à réaliser des mesures par pas de 5 m depuis la surface jusqu’au fond du puits (-87 m). C’est ainsi que 18 mesures ont été réalisées, 9 en phase gazeuse (de 0 à –47 m) et 9 en phase liquide (de –47 m à –87 m). En fonction de la profondeur et des phases rencontrées (gazeuse ou liquide), deux types de sondes Raman ont été utilisées :

− Une sonde Raman spécifique « gaz » fibrée (voir Chapitre 3.1.2. p 57) pour la

mesure des gaz dans la phase gazeuse du forage, entre 0 m et –47 m de profondeur.

− Une sonde spécifique « liquide » (voir Chapitre 3.1.2. p 57) pour la mesure des

gaz dissous dans la phase liquide du forage, entre –47 m et –87 m de profondeur. Ces deux sondes sont connectées par une fibre optique (silice) de 100 m de long à un spectromètre Raman de type RXN1 (Kaiser-Optical-System), positionné en surface.

Les paramètres d’acquisition pour ces expériences sont les suivants :

− Puissance du laser du spectromètre : 100 mW

− Temps de mesure : 2 à 4 min (2 min dans la phase gaz, et 4 min dans la phase liquide)

− Résolution des spectres : 5 cm-1

Les profils Raman obtenus en fonction de la profondeur mettent en avant les points suivants :

• Dans la phase gazeuse du forage (mesures par sonde Raman gaz), entre 0 m et – 40 m,

les spectres Raman mesurés sont très similaires quelle que soit la profondeur de mesure. La Figure 5.1 montre un exemple typique de spectre Raman obtenu dans la phase gazeuse du puits Sentinelle (vert). Le spectre rouge représente, en comparaison, une mesure réalisée sur un mélange gazeux étalon contenant CO2, O2, N2, CH4 et H2Ovapeur.

Les spectres mesurés dans le puits Sentinelle montrent la signature caractéristique de l’O2, du

Figure 5.1 : Exemple de spectre Raman acquis dans la phase gazeuse du puits Sentinelle (vert ), (sonde Raman gaz fibrée). En rouge un spectre mesuré sur un mélange étalon (CH4, O2, H2O vapeur, CO2) est

représenté.

Par ailleurs, nous avons testé la capacité de la sonde Raman liquide à mesurer la teneur en

CO2 dans la phase vapeur du forage, en acquérant des spectres par sonde Raman liquide à –40

m (Figure 5.2, vert). Ces mesures n’ont toutefois pas permis de détecter les différents gaz présents dans la phase gazeuse du forage. On voit donc tout l’intérêt du système optimisé spécifique à la sonde Raman gaz (voir Chapitre 3.1.2. p 57).

• Dans la phase liquide du forage, entre –47 m et –87 m, les spectres Raman enregistrés

sont également assez semblables quelle que soit la profondeur d’acquisition. La Figure 5.2 montre quelques uns des spectres obtenus (bleu).

Figure 5.2 : Spectres Raman acquis sur un profil vertical par pas de 5 m dans le puits Sentinelle entre –40 m et –87 m (sonde Raman liquide) .

Sonde dans phase gaz

Sonde en fond de puits

Sonde dans phase liquide

Sonde dans phase gaz

Sonde en fond de puits

On observe la signature Raman de l’eau liquide centrée à 3450 cm-1 (mode de vibration ν1a1)

et à 1645 cm-1 (mode de vibration ν2a1). Une légère évolution du profil de la bande

caractéristique de H2O centrée à 3450 cm-1 apparaît en fonction de la profondeur. Cette

évolution peut être caractérisée en suivant le rapport d’intensité 3418 cm-1 / 3260 cm-1. Des

expériences en laboratoire ont montré que l’évolution de ce rapport traduit une évolution de la salinité de l’eau. Plus ce rapport est proche de 1, plus la salinité est faible. La Figure 5.3 montre l’évolution du rapport d’intensité en fonction de la profondeur dans le puits Sentinelle.

Figure 5.3: Evolution du rapport d'intensité de la bande Raman de H2O (Intensité à 3418 cm-1 sur Intensité à 3260 cm-1), dans la phase liquide du puits Sentinelle, ( sonde Raman liquide).

D’un point de vue global les profils observés dans le puits Sentinelle statuent pour une salinité

de l’eau quasi nulle (rapport d’intensité 3418 cm-1 / 3260 cm-1 environ égal à 1,22). Toutefois,

on observe une légère évolution de ce rapport en fonction de la profondeur. Bien que cette évolution soit de très faible ordre de grandeur (variation du rapport d’intensité de l’ordre du millième), la Figure 5.4 fait ressortir trois zones distinctes au niveau de la phase liquide:

− une première zone entre –45 m et –50 m de profondeur où la salinité de l’eau

augmenterait avec la profondeur

− une seconde zone entre –50 m et –70 m où la salinité de l’eau diminuerait avec la

profondeur

− une troisième zone entre –70 m et –87 m où la salinité augmenterait de nouveau

avec la profondeur. Lorsque l’on se rapproche du fond du puits à –87 m de profondeur, on observe la signature Raman de la calcite sur les spectres mesurés. La présence de résidu de forage en fond de puits (essentiellement de la calcite) pourrait être la cause de ces observations.

Bien entendu, on peut discuter de la réalité de ces évolutions étant donné leur faible ordre de grandeur. Cet aspect sera discuté ci-après.

-85 -80 -75 -70 -65 -60 -55 -50 -45 -40 1.219 1.2195 1.22 1.2205 1.221 1.2215 1.222 1.2225 1.223 1.2235 1.224 Rapport d'intensités 3418 cm-1/3260 cm-1 P ro fo n d e u r (m )

Des mesures complémentaires ont été effectuées au niveau du puits Sentinelle par les autres partenaires du projet ANR Sentinelle. Il s’agit en particulier de mesures de concentration en

CO2 dans les phases gazeuse et liquide du forage et de mesures physico-chimiques au niveau

de la phase liquide. Les mesures de concentration en CO2 à différentes profondeurs dans la phase gazeuse ont été réalisées par capteurs spécifiques (INERIS et UL). La Figure 5.4

montre l’évolution du profil de concentration en CO2, en fonction des différentes campagnes

de mesures réalisées de septembre 2009 à septembre 2010.

Figure 5.4 : Evolution de la teneur en CO2 mesurée dans le forage Sentinelle en fonction de la profondeur pour les différentes campagnes de mesures entre septembre 2009 et septembre 2010 (INERIS/ UL)

La concentration en CO2 dans le puits « Sentinelle » varie globalement entre 360 et 480 ppm,

ce qui correspond aux teneurs atmosphériques. On constate selon les périodes, une

augmentation plus ou moins importante de la concentration en CO2 avec la profondeur.

L’augmentation de concentration en CO2 en fonction de la profondeur jusqu’à l’interface

air/eau que l’on observe sur les deux dernières mesures peut être le reflet d’un enrichissement

ponctuel de la phase liquide en CO2, principalement issu des formations géologiques

environnantes. En effet, on rappelle que les zones crépinées du puits Sentinelle sont ennoyées (voir Figure 3.2 p 56) et que cet aspect implique que les gaz issus des formations géologiques environnantes transitent obligatoirement par la phase liquide du puits Sentinelle pour se retrouver dans la phase gazeuse.

Puits Sentinelle Puits Sentinelle

D’une manière générale, la concentration en CO2 reste très inférieure à la limite de détection de la sonde Raman, qui peut être estimée pour ce type d’expérience entre 1000 et 4000 ppm.

En conséquence, il n’est pas surprenant que la signature Raman du CO2 n’apparaisse pas sur

les spectres mesurés dans la phase gazeuse du puits.

• Par ailleurs, des mesures physico-chimiques au niveau de la phase liquide ont été

réalisées par sonde Idronaut et par analyses chimiques spécifiques (BRGM) dans la colonne

d’eau du puits. Les profils de température, conductivité, pH, CO2 dissous, Eh et Oxygène

dissous, en fonction de la profondeur sont présentés Figure 5.5.

Figure 5.5: Mesures de température, pH, Eh, O2 dissous, CO2 dissous, et de conductivité dans le forage Sentinelle par Sonde Idronaut (BRGM).

• Ces mesures confirment l’existence des trois zones distinctes initialement pressenties à

partir des mesures Raman. On distingue :

− Une première zone entre –45 m et –52 m, particulièrement perturbée, avec un pH

et une conductivité qui fluctuent.

− Une seconde zone entre –52 m et –80 m, particulièrement stable, avec une

conductivité de 300µS/cm et un pH compris entre 7,5 et 8,5.

-52m --80m --85m -45m Temp pH Eh O2 CO2 Cond -52m --80m --85m -45m Temp pH Eh O2 CO2 Cond

− Une troisième zone entre –80 et –87 m, altérée par les résidus du forage (ciment et bentonite) avec un pH très basique (12) se rapprochant ponctuellement du pH de la zone 2 (par exemple en septembre 2010 le pH dans cette zone était de 8). Cette zone est très nettement limitée par un saut des divers paramètres mesurés.

La présence de ces 3 zones implique nécessairement l’existence d’une dynamique spécifique et différente au niveau de chaque zone. La colonne d’eau apparaît donc comme un système zoné multi-dynamique. Ces zones coïncident vraisemblablement avec l’évolution de la salinité de l’eau en fonction de la profondeur, révélée par les spectres Raman. La zone superficielle semble ne pas avoir atteint son équilibre. La zone médiane révèle un état d’équilibre avec une dynamique d’échange relativement rapide, tandis que la troisième zone révèle un état perturbé en liaison avec la création du forage. Elle révèle cependant une dynamique d’équilibre plus rapide que la zone superficielle.

Les valeurs élevées de pH rencontrées entre –80 et –87 m (pH voisin de 12) peuvent s’expliquer par la présence de résidus cimentaires en fond de puits essentiellement issus des opérations de tubage du puits Sentinelle. Cette zone à dynamique d’échange lente, pH élevé et très forte conductivité, peut expliquer l’existence de conditions de sursaturation ionique pouvant provoquer des précipitations de calcite, qui ont été observées par spectroscopie Raman.

Ces résultats montrent donc l’intérêt de la spectroscopie Raman comme outil de caractérisation des aquifères, en complément des autres techniques. Ces premières expériences sont très prometteuses pour établir à terme, une surveillance continue des

aquifères sur les sites de stockage de CO2. Les efforts pour l’amélioration du système doivent

essentiellement porter sur la limite de détection du système, en partie contrainte par la longueur de la fibre optique. Pour un laser de 732 nm, on évalue une perte de puissance de 85%, passant de 70 mW en sortie de spectromètre à seulement 10 mW en bout de sonde. La plus grande perte (en excitation et en collection) du signal vient de la jonction FC-FC (femelle-femelle) entre la fibre optique de la sonde Raman et la rallonge de 100 m. Compte tenu de ces considérations, plusieurs pistes sont alors à envisager :

− une meilleure adéquation longueur d’onde du laser/fibre

− une puissance du laser supérieure : Cette option nécessite cependant des aspects

logistiques conséquents.

− une connectique fibre améliorée : Pour éviter les pertes entre la fibre optique et la

sonde Raman, l’idéal serait d’utiliser une tête Raman déjà équipée de 100 m de fibre optique.

5.2. MESURES IN-SITU EN CONTINU DES GAZ DU SOL EN PUITS DEDIE (Minipuits, -3,4 m) (CO2, CH4, N2, O2, H2O vapeur)

Le suivi continu de la composition des gaz du sol sur le site de Rousse 1 a été initié par l’UL au travers de la mise en place du forage instrumenté « Minipuits » de –3,4 m de profondeur. La complétion, équipée d’une chambre de collection de 57 mm de longueur permet un prélèvement continu des gaz du sol entre –2,79 et –3,36 m de profondeur et leur acheminement en surface jusqu’au module d’analyse par spectrométries infrarouge et Raman (voir Chapitre 3.2.2. p 62). Dans ce paragraphe, l’ensemble des mesures issues de notre plate-forme de mesures géochimiques in situ et continues est présenté.

Les mesures in situ et continues dans le forage « Minipuits » ont été réalisées en deux temps :

• Une première série de mesures a été réalisée lors de la période de pré-injection, du

18/09/2009 au 25/11/2009. Pendant cette période, six paramètres étaient enregistrés en continu (Figure 3.41 et Figure 3.42) :

− la pression totale dans la cellule

− le spectre infrarouge mesuré par le compartiment interne (mesure des gaz du sol)

du spectromètre infrarouge

− le spectre infrarouge mesuré par le compartiment externe (mesure des gaz de

l’atmosphère) du spectromètre infrarouge

− la température ambiante

− l’humidité relative

− la concentration en CO2 dans le laboratoire de terrain, mesurée par un capteur

spécifique.

Tous ces paramètres étaient enregistrés conjointement et en continu par la centrale d’acquisition avec un pas d’échantillonnage d’une heure.

Le 25/11/2009, les mesures ont été interrompues suite à une période de fortes pluies ayant provoqué l’arrivée d’eau dans le circuit gaz de la complétion. Cet incident a provoqué la détérioration de l’ensemble de la complétion mais aussi des capteurs situés en surface. Il a conduit à orienter nos efforts vers la conception d’une nouvelle métrologie pour la mesure des gaz du sol, capable d’opérer dans des conditions d’inondation prolongée. La nouvelle complétion est décrite au Chapitre 3.2.2.1. p 63 de ce manuscrit.

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