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Revue de la littérature et discussion préalable pour les économies de l’UEMOA

2.2.1. De la money view à la credit view Le dépassement de la money view

Les théories traditionnelles (money view) mettent en avant la sensibilité de la demande de biens et de crédit au coût du capital, la politique monétaire pouvant affecter ce coût via le maniement du taux d’intérêt. Cette approche conventionnelle ne fournit pas toutefois une explication suffisante de l’ampleur de l’influence de la politique, pour trois raisons principales suivant Bernanke et Gertler (1995).

En premier lieu, les études empiriques examinant les déterminants de la dépense, ont des difficultés à identifier les effets quantitatifs du coût du capital, dans le meilleur des cas, elles n’obtiennent que des effets très faibles. Plusieurs études mettent plutôt en évidence l’influence plus marquée sur la demande d’autres variables comme les valeurs retardées de la production ou des recettes11. Par ailleurs, l’effet de ces variables coexiste le cas échéant avec celui du coût du capital.

En deuxième lieu, les approches traditionnelles de la money view ne permettent pas de comprendre comment la politique monétaire peut influencer les dépenses en biens durables; vu qu’elle est supposée agir sur les taux de court terme et très peu sur les taux longs. Ces derniers sont pourtant ceux qui déterminent la demande en biens durables12.

En troisième lieu, les théories traditionnelles se tiennent dans un environnement de marchés de capitaux parfaits, hypothèse qui limite leur capacité à rendre compte de la réalité. En effet, les asymétries d’information sont une réalité particulièrement frappante sur les marchés de crédit. Elles rendent erronée l’application des mécanismes d’équilibre standard sur ces marchés, car ceux-ci diffèrent des marchés de la théorie classique. Les principales différences tiennent à la non-homogénéité des

11 Pour une revue des travaux sur les déterminants des composantes de la demande voir Blinder et Maccini (1991), Chirinko (1993) et Boldin (1994).

12 Greenwald et Stiglitz (2003) rendent compte du caractère contrasté des travaux sur les déterminants de l’investissement, avec notamment comme argument le taux nominal, le taux réel et le taux de long terme. Ils notent par ailleurs, dans une perspective néokeynésienne, comment les taux de long terme peuvent être influencés par les taux de court terme via les anticipations.

36 biens échangés et à la non-simultanéité des opérations d’achat et de vente, avec les problèmes respectifs inhérents de sélection adverse et d’aléa moral. Le taux d’intérêt n’est pas un prix comme les autres et ne s’ajuste pas de façon standard vers l’équilibre comme sur un marché d’enchères (Stiglitz et Weiss, 1981).

La prise en compte des imperfections des marchés est décisive dans la perspective d’une compréhension plus large et plus précise de l’ampleur de la politique monétaire, car elle occasionne la recherche de canaux supplémentaires. En effet, l’économie de l’information a permis une exploration de l’intérieur de la boite noire que constituaient les banques dans les théories antérieures. Elle a apporté un éclairage nouveau sur la transmission monétaire, précisément via la variable crédit, non plus du coté de la demande seule, mais également de l’offre. Dès lors, le crédit apparait comme une variable de premier intérêt dans l’étude des effets monétaires sur l’activité. Sa quantité et son prix déterminent de façon essentielle le niveau de l’économie et par conséquent l’efficacité de la politique est fonction de ses effets sur la demande mais aussi sur l’offre de crédit.

La Figure I. 2 offre un schéma de la transmission suivant la money view.

Figure I. 2. Chaine de transmission de la money view

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La credit view

La credit view explique comment la politique monétaire affecte l’économie par son effet sur le rationnement du crédit. Elle repose sur la prise en compte des imperfections des marchés de crédit comme mécanismes de distorsion de l’écart entre les coûts de financement externe et interne des firmes (la prime de financement

externe13) et lie ainsi les variables économiques et financières (Repullo et Suarez, 2000). La théorie fondatrice due à Bernanke et Blinder (1988) est d’inspiration néo-keynésienne. Elle prolonge le modèle IS/LM avec l’hypothèse centrale d’imparfaite substituabilité des titres financiers et des emprunts bancaires. En introduisant un troisième actif (le crédit bancaire) dans ce modèle, les deux auteurs étudient l’équilibre généré sur les marchés de biens, de la monnaie, du crédit et des titres. Trois agents économiques sont dès lors en présence : la Banque centrale ; les banques commerciales et les agents économiques non financiers.

L’équilibre sur les trois marchés permet de dériver une courbe à pente négative, la «courbe CC»14, qui retrace les points optimaux sur les marchés des biens et du crédit. A la différence de la courbe IS, la « courbe CC » est affectée par les chocs de politique monétaire et du crédit.

Un choc monétaire positif induit une augmentation de la prime de financement

externe ; si bien que l’impact de la politique monétaire sur les coûts d’emprunt et la

quantité de crédit, et par conséquent sur la dépense et l’activité, est amplifié.

13 external finance premium

38 Les effets directs de la politique monétaire sont donc amplifiés par les variations du gap entre le coût d’un financement externe (emprunt) et l’autofinancement. Cette

prime de financement externe reflète les imperfections sur les marchés du crédit.

Celles-ci déterminent l’écart entre le rendement escompté par les prêteurs et les coûts supposés par les emprunteurs potentiels.

Le canal du crédit est constitué en réalité de deux voies distinctes de transmission.

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