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Partie 3 : Pour un élève acteur en pratique

3- Mon Constat vis-à-vis des hypothèses de départ

Pour rappel, je me suis demandé en introduction par quel biais agir en tant que professeurs des écoles pour rendre nos élèves responsables d’eux-mêmes dans la classe. Je pensais qu’impliquer les élèves dans les évaluations leur permettraient de se valoriser et que la coévaluation et l’autoévaluation implantées dans ma classe forgeraient un élève autonome, responsable et à qui on peut faire confiance.

Il faut tout d’abord être conscient que j’ai choisi cette orientation avant de connaître mon profil de classe de cette année. La violence, les insultes et les comportements d’une majorité de la classe auxquels j’ai dû faire face m’empêchent de conclure positivement en ce qui concerne un élève « autonome, responsable, à qui on peut faire confiance ». Il est évident qu’une autre situation de classe aurait pu m’amener à des résultats plus conséquents et surtout plus observables sur ce point. J’espérais en effet une réelle évolution de la posture de chacun en cours d’année, passant d’un élève exécutant et individualiste à un élève qui se sent membre du groupe classe et qui donne du sens à son travail. Toutefois, la mise en place de l’autoévaluation et de la coévaluation dans ma classe - quasi inconnue en début d’année pour ces élèves de CM1- amène malgré tout à des résultats positifs.

On remarque tout d’abord une évolution dans la conception des corrections : on est passé globalement d’un élève expliquant que « c’est mieux quand c’est la maitresse qui corrige comme

ça on est sûr d’avoir bon » à un élève concluant avec surprise et plaisir que « c’est mieux quand on corrige avec un camarade comme ça on peut mieux comprendre nos erreurs et on progresse plus ». La coévaluation instaurée dans ma classe a donc été bénéfique puisque les élèves, quasi

unanimement, ont pris conscience du bénéfice et de la richesse du travail en collaboration. Désormais, mes élèves n’ont plus peur de prendre appui sur un pair, ne craignent pas d’être accusé de tricherie car ils savent qu’ils peuvent compter les uns sur les autres dans la limite des inimitiés évoquées précédemment.

Le constat est sensiblement le même pour les autoévaluations ; à force de récurrence dans les exercices quotidiens et dans les évaluations de fin de séquence, les élèves ont en grande majorité compris ce qu’une telle pratique peut leur apporter, avec raison : « on se rend mieux

compte de nos erreurs », « on peut dire à la maîtresse ce qui était bien et moins bien pour qu’elle fasse mieux la prochaine fois », « on peut dire comment on s’est senti, si on était investi ou pas et ça nous force à faire attention la prochaine fois si on s’est mal comporté », « on dit notre avis et

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la maîtresse aussi, au début c’était bizarre de dire soit même si on avait réussi ou pas et à force on aime bien dire notre avis à la maîtresse. » Ces paroles d’élèves enregistrées au terme des

dispositifs corroborent le sentiment d’une avancée de leur réflexion sur leur place dans la classe. En effet, j’ai voulu transmettre aux élèves le fait qu’ils étaient acteurs de leur classe et qu’ils avaient un pouvoir décisionnaire. Il était donc légitime que je leur demande régulièrement leur avis sur tel ou tel travail, et surtout qu’ils sachent que je me servirai de leurs critiques pour moi- même progresser.

Enfin, l’évaluation confiée aux élèves avait également pour objectif de les rendre davantage acteurs de leur enseignement. J’ai donc, au cours de l’année scolaire, proposé à mes CM1 des projets impliquants qui nécessitaient une action constructive de leur part, que ce soit des sketchs, des projets d’écriture, des théâtralisations d’albums, des projets interdisciplinaires (nous avons énormément travaillé sur le monde du policier et de Harry Potter). Ils ont été désarçonnés au premier abord par ma démarche qui consistait à leur demander ce dont ils allaient avoir besoin pour élaborer la tâche finale. Ils ont vite compris que cette méthode de travail leur laissait une liberté contrôlée et qu’ils avaient à disposition une « maîtresse qui aide » et non une « maîtresse qui enseigne » sur ces temps de travail. Je suis donc globalement satisfaite des dispositifs mis en place pour répondre à mes hypothèses. Toutefois, le constat amer du manque cruel d’autonomie et de responsabilisation des élèves, malgré les multiples tentatives et mises en garde, a terni le tableau. A regret, je ne peux pas conclure que le fait de travailler de manière autorégulative dans la classe a amené mes élèves à être dignes de confiance et responsables.

Toutefois, il faudrait reproduire les essais de ce mémoire dans un environnement autre pour affirmer sans retenue que l’autoévaluation et la coévaluation ne peuvent pas être une solution viable dans un enseignement faits de projets et de régulations par les élèves.

58 Avant de conclure ce mémoire, j’aimerais rappeler l’origine du choix de mon sujet. L’impression d’une école à deux vitesses. Des prérogatives d’autonomie et de projets suivis par des enseignants chevronnés ou non - là n’est pas la question. Mais surtout, d’autres qui restent enfermés dans une époque où l’enseignant, digne de Louis XIV, aurait les pleins pouvoirs. Un enseignant rigide, autoritaire, qui décide quand interroger, quand évaluer, quoi faire et quoi dire. Un enseignant qui serait le seul détenteur, par son stylo rouge, du droit à une correction définitive, sans aucun doute ou remise en question possible. Oui, en 2017, on en rencontre encore ; certains qui refusent d’évoluer avec leur temps et surtout avec les instructions officielles. Jeune enseignante, ce n’est pas ce modèle que je veux choisir pour ma carrière, mais plutôt un enseignement riche en projets et en imprévus, en collaboration avec mes élèves dès que c’est possible.

Il est temps à présent de conclure sur ma problématique. Cette dernière, qui interrogeait le fait que les pratiques autoévaluatives et coévaluatives puissent ou non permettre aux élèves de mesurer leur progrès et d’être davantage impliqués dans les apprentissages, se légitimise en partie. Oui, les élèves sont davantage capables d’estimer leur niveau de compétences, leurs points forts et faibles ainsi que leur attitude face à un travail. Oui, les élèves prennent pleinement conscience des bénéfices que les méthodes autorégulatives peuvent leur apporter. Cependant, la question de la citoyenneté, du vivre ensemble, des responsabilités et de l’être autonome en qui on a confiance n’est pas pleinement concluante, le contexte jouant défavorablement sur les dispositifs en jeu. Bien entendu, certains élèves sont entrés pleinement dans leur rôle d’élève acteur et responsable de leur scolarité ; ils prennent soin d’aider les autres, partagent leur savoir avec plaisir, et sont plus autonomes dans leur travail personnel selon les parents de certains. Mon projet n’est donc pas resté vain. Il faudrait néanmoins trouver un moyen d’affaisser ces barricades qui cloisonnent et empêchent certains élèves de prendre pleinement possession des outils proposés, du fait de leur comportement. Un groupe classe apaisé et sans tensions permanentes serait un cercle vertueux pour dynamiser les pratiques autorégulatives. Il est évident que des élèves qui nous montrent qu’on peut leur faire confiance profiteront de davantage de projets et d’un enseignant investi dans l’étayage plutôt que dans la gestion des conflits entre élèves. Malgré cet obstacle plutôt virulent, je peux affirmer grâce à ce mémoire tous les bienfaits de l’utilisation de la coévaluation et de l’autoévaluation dans les classes et plus largement dans les écoles. Quel intérêt passionnant en effet, de travailler par la suite sur une coévaluation entre différents niveaux de classe… Un projet qui j’espère, pourra se concrétiser dans mes futures écoles.

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