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Chapitre 2 : ÉVOLUTION DES CONDUITES ALIMENTAIRES DU JEUNE ENFANT LORS

IV. 3.2 8-11 mois : introduction de textures variées

Après une première période au cours de laquelle la consommation des purées et des compotes est prédominante, les résultats obtenus mettent en évidence l’émergence dès 8 mois, d’une deuxième période caractérisée par la diversification des textures introduites dans l’alimentation. En effet, même si les purées et les compotes sont consommées régulièrement par plus de 80 % de l’échantillon, à partir de 8-9 mois les liquides et les semi-solides sont introduits pour plus de la moitié de l’échantillon tandis qu’ils étaient consommés par une minorité d’enfants jusqu’alors. Les résultats obtenus ici mettent en évidence un âge d’introduction plus précoce des semi-solides par rapport à celui rapporté par Marduel Boulanger & Vernet (2018) pour qui les biscuits sont consommés par la majorité de l’échantillon à partir de 12-17 mois. Le nombre restreint de participants au sein des classes d’âge de leur étude (e.g. 9-11 mois : n = 16) pourrait cependant expliquer les différences observées entre leurs résultats et ceux obtenus ici. Dans le cas présent, l’âge pour lequel sont introduits les textures semi-solides et liquides correspond également à la période au cours de laquelle l’alimentation complémentaire devient majoritaire dans le régime alimentaire de l’enfant.

En effet, comme décrit précédemment, le taux d’allaitement maternel chute et le nombre de repas diversifiés devient supérieur au nombre de repas lactés à partir de 8 mois. L’introduction de nouvelles textures, qui engendre indirectement l’introduction de nouveaux aliments, pourrait alors permettre de répondre aux besoins énergétiques et nutritionnels de l’enfant. Celle-ci permettrait ainsi de diminuer le nombre de repas lactés qui complétaient jusqu’alors les apports

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nutritifs fournis par les purées et les compotes (Netting & Makrides, 2017). Par ailleurs, une augmentation importante de la proportion d’enfants consommant des semi-solides est observée entre 8 et 11 mois (10-11 mois : 86,5 %) et dans une moindre mesure, la proportion d’enfants consommant des textures solides augmente également (10-11 mois : 68,9 %). Les résultats obtenus dans l’étude de Demonteil et al. (2018) décrivent par ailleurs que les « petits morceaux

mous » (e.g. carottes cuites) sont hautement acceptés dès 8 mois, tandis que les morceaux plus

durs (i.e. morceaux de pain et biscuits) sont quant à eux acceptés vers 12 mois. Or, d’un point de vue moteur, même s’il est capable de contrôler les semi-solides, le « sucking » des premiers mois est adapté à une variété limitée de textures (Nicklaus, Demonteil & Tournier, 2015) ce qui pourrait expliquer pourquoi les textures solides sont acceptées de manière plus tardive par l’enfant.

L’introduction conjointe des textures semi-solides et solides pourrait ainsi expliquer d’une part, l’apparition des mâchonnements (i.e. « munching ») constatés à partir de 8 mois (Demonteil et al., 2018) et d’autre part, le chevauchement observé entre les mouvements de « sucking » et de mâchonnements au cours des premiers mois de l’alimentation complémentaire (Demonteil et al., 2018; Gisel, 1991; Stolovitz & Gisel, 1991). Autrement dit, l’augmentation importante de la proportion d’enfants qui consomme des semi-solides et solides entre 8 et 11 mois suggère une introduction rapide de ces textures qui vont ainsi permettre le développement des compétences masticatoires.

Enfin, il est intéressant de noter le profil d’introduction obtenu pour les liquides au cours de cette période. En effet, ceux-ci sont introduits plus tardivement que les purées et les compotes et sont moins consommés que les semi-solides à 10-11 mois. Or, les soupes étant des textures fluides, celles-ci ne demandent pas ou peu de processus oraux pour être dégluties (Koç et al. 2013) et devraient alors pouvoir être prises en charge par la même stratégie motrice que celle réalisée lors de l’alimentation lactée. Néanmoins, l’âge d’introduction relativement tardif des soupes obtenu ici pourrait être expliqué de manière empirique. En effet, de par sa nature liquide, l’ingestion de la soupe nécessite une certaine maitrise de l’appareil oro-moteur pour pouvoir l’aspirer hors de la cuillère, la maintenir à l’intérieur de la cavité buccale (en occlusion complète) puis la déglutir sans effectuer de fausses routes. De ce fait, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’au même titre que les semi-solides et les solides, les textures liquides sont introduites de

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manière régulière dans l’alimentation de l’enfant dès lors que ses compétences oro-motrices sont suffisamment développées pour les prendre en charge.

IV.3.3

Dès 12-13 mois : En route vers une alimentation de « grand »

Alors qu’elle était jusque-là en continuelle augmentation, la proportion d’enfant consommant des textures semi-solides se stabilise puis diminue à partir de 12-13 mois et ce, jusqu’à 24 mois, tandis que celle des solides ne cesse d’augmenter. Cette tendance est également observée pour la fréquence de consommation régulière des semi-solides qui diminue dès 13 mois. Ces données suggèrent que les semi-solides pourraient être utilisés comme textures de transition pour permettre aux compétences masticatoires de se développer, mais qu’une fois que les enfants sont capables de prendre en charge les solides, les semi-solides sont progressivement retirés de l’alimentation. En outre, les résultats obtenus par Demonteil et al. (2018) mettent en évidence qu’à partir de 12 mois, toutes les textures solides proposées à l’enfant (e.g. morceaux de pain, bananes, biscuits) sont acceptées. Selon Stolovitz & Gisel (1991) et Demonteil et al. (2018), les mâchonnements qui coexistaient jusqu’alors avec le « sucking » deviennent prédominants à partir de 10-12 mois. De ce fait, nous pouvons émettre l’hypothèse que l’exposition répétée aux textures semi-solides entre 8 et 11 mois aurait ainsi permis l’amélioration progressive des compétences masticatoires conduisant ensuite à l’introduction des textures solides (Green et al., 2017). L’augmentation de la consommation régulière des solides observée à partir de 13 mois, ainsi que leur consommation par une proportion supérieure à 80 % de l’échantillon à partir de 14-15 mois pourrait alors témoigner de l’amélioration des compétences masticatoires observée au cours de cette période et qui s’affineront ensuite progressivement jusqu’à 3 ans (Green et al. 1997). Enfin, contrairement aux autres textures, les multi-textures ne sont introduites que pour 54,2 % de l’échantillon à 16-17 mois et pour la plupart d’entre eux, elles ne sont jamais consommées de façon régulière. Ces données, similaires à celles rapportées par Marduel Boulanger & Vernet (2018), amènent à penser que les multi-textures ne sont pas utilisées comme texture de transition vers les textures solides. Selon Harris & Mason (2017), le mélange des textures solides avec des liquides pourrait être une source de difficultés au vu de l’immaturité des compétences orales lors de cette période. En effet, l’association de ces deux textures nécessite de positionner le solide sur le côté de la cavité buccale de façon à éviter au reflexe

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nauséeux de se déclencher lors de la déglutition du liquide. Ce mélange de textures représente donc un niveau de difficulté élevé pour les enfants dont les compétences oro-motrices sont limitées et pourrait ainsi expliquer pourquoi les multi-textures sont introduites tardivement dans notre échantillon.

IV.4 Existe-t-il une fenêtre temporelle optimale ?

Les résultats descriptifs de cette étude ont montré la présence d’étapes identifiables pour la consommation des textures et pourraient suggérer l’existence d’une fenêtre temporelle optimale pour leur introduction.

IV.4.1

Au sens large : 4-14 mois

Les résultats obtenus montrent que l’introduction puis la diversification des aliments complémentaires s’effectue progressivement entre 4 et 14 mois. En effet, après une période qui débute vers 4-5 mois au cours de laquelle les purées et les compotes sont prédominantes, les textures semi-solides sont introduites à partir de 10-11 mois pour la grande majorité des enfants suivies par les textures solides à partir de 14-15 mois. Dès lors, nous pouvons émettre l’hypothèse que la période située entre 4 et 14 mois pourrait constituer une fenêtre temporelle idéale au cours de laquelle les aliments complémentaires devraient être introduits dans l’alimentation de l’enfant. Nos résultats rejoindraient ainsi le postulat émis par Illingworth & Lister (1964) suggérant l’existence d’une période sensible pour l’introduction des aliments complémentaires. Ainsi, l’enfant serait prêt à consommer des aliments complémentaires faciles à ingérer dès l’âge de 4-5 mois et serait capable de prendre en charge les textures semi-solides puis les solides à partir de 10-11 mois.

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