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2.4 Calorimètre

2.4.2 Module optique

Dans l’expérience SuperNEMO, un module optique consiste en l’assemblage d’un bloc de scintillateur plastique et d’un photomultiplicateur. Le tout est disposé dans un blin-dage magnétique en fer ultrapur permettant d’isoler le photomultiplicateur du champ magnétique de 25 Gauss ambiant dans lequel le détecteur est plongé ainsi que du champ magnétique terrestre. Le blindage de chaque module mesure 42 cm pour une épaisseur de 3 mm.

Les modules optiques ont été préassemblés par bloc de huit modules, appelé calobrick, par le laboratoire du CENBG1 afin de faciliter le transport vers le LSM. Lors de l’ins-tallation et du montage des murs principaux du calorimètre, tous les modules constituant les calobrick sont testés avant d’être positionnés dans le mur. La figure 2.7 présente une

CHAPITRE 2. LE DÉMONSTRATEUR SUPERNEMO

Figure2.6 – Photographie d’un des deux murs du calorimètre du module démonstrateur de SuperNEMO installé au LSM.

photographie d’un module optique sans blindage à gauche et une calobrick de huit modules à droite.

Figure 2.7 – Module optique sans blindage avec bloc de scintillateur emballé dans du mylar à gauche et une calobrick, constituée de huit modules optiques à droite.

2.4.2.1 Scintillateur Géométrie

Les blocs scintillateurs de SuperNEMO sont des cubes de polystyrène (PS) de di-mensions 256×256×194 mm3 [85]. Ce grand volume permet une bonne segmentation du

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calorimètre tout en limitant le nombre de photomultiplicateurs, réduisant ainsi le nombre de voies électroniques associées et la quantité de matériaux potentiellement radioactifs à proximité du dispositif de détection.

Comme le montre le schéma 2.8, une découpe hémisphérique est réalisée dans une des faces du bloc afin de coupler directement le photomultiplicateur au scintillateur. La profondeur minimum entre la face d’entrée et la découpe est de 141 mm. Cette profon-deur est nécessaire pour garantir une efficacité d’au moins 50% aux γ de 1 MeV dans le scintillateur. Le schéma 2.8 montre aussi la présence d’une marche sur la face avant du scintillateur. Cette marche de 3.1 cm permet de venir caler le blindage magnétique autour du scintillateur et du photomultiplicateur sans créer de zone morte de détection pour les particules chargées. Elle est assez large pour que tous les électrons incidents interagissent et déposent toute leur énergie (notons que le parcours moyen d’un électron de 3,5 MeV dans du polystyrène n’excède pas 1.2 cm [86]).

Afin d’améliorer la collection de lumière au sein du bloc de scintillateur, les faces la-térales sont recouvertes de Mylar aluminisé de 12 µm d’épaisseur ainsi que de Téflon de 600 µm d’épaisseur. La face avant est recouverte de Mylar aluminisé de 12 µm d’épais-seur. Cette différence s’explique par le fait que les électrons entrant par la face avant du bloc doivent perdre le minimum d’énergie avant interaction dans le scintillateur. Cette couche de Mylar aluminisé est toutefois nécessaire afin d’empécher les photons UV issus du trajectographe de déclencher les modules optiques.

Figure2.8 – Géométrie (à gauche) et photographie (à droite) d’un bloc de scintillateur de SuperNEMO.

Fonctionnement

Un scintillateur est un matériau émettant de la lumière à la suite de l’absorption d’un rayonnement ionisant. L’énergie perdue par les rayonnements lors de leurs interactions avec la matière est transférée aux atomes ou molécules du milieu sous forme d’énergie d’excitation qui est ensuite dissipée par émission de photons. Le nombre de photons de scintillation produit est proportionnel à l’énergie déposée.

Les électrons incidents interagissent par diffusions inélastiques avec les noyaux ou les cortèges électroniques des atomes présents dans le bloc de scintillateur. Les γ quant à eux

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interagissent principalement par diffusion Compton mais aussi par effet photoélectrique dans le polystyrène au vu des énergies mises en jeu.

Les scintillateurs utilisés pour SuperNEMO sont des scintillateurs organiques composés de polystyrène (PS). Seules les molécules du milieu sont excitées et ce sont les électrons des orbitales π qui peuplent des états singulets. Ces électrons retournent vers leur état fon-damental en émettant un photon de fluorescence d’énergie inférieure à l’énergie absorbée à cause de pertes non radiatives. Il est aussi possible que les électrons passent par un état triplet avant de retourner vers leur état fondamental. La désexcitation d’un électron d’un état triplet vers le fondamental passe par l’émission d’un photon dit de phosphorescence. Les photons émis par la désexcitation des molécules sont généralement dans le domaine ultraviolet avec un rendement lumineux assez faible. L’émission de photons peut être amplifiée grâce à l’ajout d’un soluté ayant une meilleure efficacité de fluorescence. Ce soluté est le para-terphenyl (pTP [87]) dans le cas des scintillateurs de SuperNEMO. Un soluté secondaire est couramment utilisé pour décaler la longueur d’onde des photons émis afin d’améliorer l’efficacité de détection de la plupart des photodétecteurs. Le POPOP2

joue ce rôle dans le scintillateur. Au final, un bloc de scintillateur de SuperNEMO est composé de polystyrène, de 1,5% de pTP et de 0,05% de POPOP. Grâce à ce dosage, le rendement lumineux est de 9200 photons émis par MeV d’énergie déposée [88].

2.4.2.2 Photomultiplicateur Géométrie

Deux types de photomultiplicateurs sont utilisés pour l’expérience SuperNEMO. En effet, il y a 440 photomultiplicateurs 8” modèle R5912-03-MOD2 ainsi que 272 photomul-tiplicateurs 5” modèle R6594 de la société Hamamatsu [89]. Les photomultiplicateurs 5” sont issus de l’expérience précédente NEMO-3 et ceux avec la meilleure résolution en énergie ont été choisis. La figure2.9présente les schémas techniques de ces deux types de photomultiplicateurs.

Figure2.9 – Fiche technique des photomultiplicateurs 8” (R5912)-03 (à gauche) et 5” (R6594) (à droite) utilisés pour SuperNEMO. Schémas issus de [89].

2. 1,4-bis(5-phenyloxazol-2-yl) benzène)

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Fonctionnement

Le photomultiplicateur est un détecteur photosensible chargé de convertir la lumière d’entrée en un signal électrique proportionnel à la quantité de photons incidents. Un photomultiplicateur est constitué de plusieurs éléments successifs comme le montre le schéma2.10 :

• un tube en verre sous vide permettant la mise en mouvement d’électrons ;

• une photocathode permettant la conversion du photon incident en électrons par ef-fet photoélectrique (photoélectrons). L’efficacité quantique, définissant le rapport du nombre de photoélectrons créés par la photocathode sur le nombre de photons incidents, QEP M T caractérise le photomultiplicateur. La valeur de l’efficacité quan-tique pour les photomultiplicateurs 8” de SuperNEMO est de l’ordre de 35%. Les photomultiplicateurs 5” issues de NEMO-3 ont une efficacité quantique de 25% ; • une électrode de focalisation modifie la trajectoire des photoélectrons pour les

foca-liser vers la première dynode grâce à un champ électrique intense ;

• à la surface de la première dynode, les électrons subissent un processus d’émission secondaire et produisent ainsi plusieurs électrons secondaires. Ce mécanisme est ré-pété au niveau de chaque dynode constituant le photomultiplicateur. Le gain du photomultiplicateur, définit par le rapport du nombre d’électrons en sortie sur le nombre de photoélectrons au niveau de la photocathode, est de 106 à 108 pour une dizaine de dynodes ;

• le signal électrique est récupéré au niveau de la dernière dynode. L’amplitude du si-gnal électrique est proportionnelle à la quantité de photoélectrons et donc de photons incidents.

Figure2.10 – Schéma présentant les différents éléments d’un photomultiplicateur

2.4.2.3 Signaux

Le signal électrique se forme au fur et à mesure que les électrons issus de la dernière dynode sont collectés par l’anode. Un signal typique créé par un photomultiplicateur de SuperNEMO est présenté en figure2.11. La durée totale de ce signal est de l’ordre de 100 à 200 nanosecondes. Trois temps caractérisent le signal issu d’un photomultiplicateur :

• Le temps de montée du signal est défini comme étant le temps requis pour que l’am-plitude passe de 10% à 90% de sa valeur maximale sur la partie ascendante du signal.

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Le front de montée du signal est très rapide, de l’ordre de quelques nanosecondes. La majorité des électrons créés dans le tube photomultiplicateur par la succession de dynodes sont collectés dans un court laps de temps. Le temps de transit est l’inter-valle de temps entre l’arrivée du photon incident sur la photocathode et l’apparition du signal. Chaque photoélectron créé par la photocathode jusqu’à sa collection sur l’anode va parcourir, pendant un certain temps, un chemin particulier dépendant de son point d’origine et de son énergie. Les écarts en temps de collection d’un électron à l’autre induit la dispersion du temps de transit nommé TTS3. Cette dispersion est de l’ordre de 100 ps pour les photomultiplicateurs de SuperNEMO ;

• Le temps de réponse impulsionnelle est défini comme la largeur à mi-hauteur (FWHM4) de l’impulsion soit la différence en temps entre les deux valeurs extrèmes à la moitié de l’amplitude maximale du signal ;

• Le temps de descente représente la durée pour que l’amplitude du signal passe de 90% à 10% de sa valeur maximale sur la partie descendante du signal. Ce temps de descente, dépend notamment de la constante de temps du circuit anodique (cir-cuit RC) dans le photomultiplicateur (et dans une moindre mesure, du temps de scintillation du plastique).

Il arrive que d’autres signaux viennent se superposer avant ou après le signal d’intérêt, ce sont les pré et post-impulsions. Leurs origines sont bien connues. Les pré-impulsions sont dues au fait que le photon incident n’interagit pas dans la photocathode mais directement dans la première dynode du photomultiplicateur. Pour les post-impulsions, il en existe deux sortes, les rapides (de l’ordre de quelques dizaines de nanosecondes) et d’autres plus tardives qui peuvent apparaître plusieurs microsecondes après le signal initial. La plupart des post-impulsions rapides sont causées par la rétrodiffusion des électrons sur la première dynode. Les post-impulsions lentes sont générées par l’ionisation des gaz résiduels présents à l’intérieur du tube. Le retard temporel de ces post-impulsions varie en fonction du type d’ion, de la position d’interaction dans le tube et du champ électrique −E . Elles peuvent

donc intervenir de quelques centaines de nanosecondes à quelques microsecondes après le signal initial.

Concernant l’amplitude des signaux obtenus, elle est de l’ordre de 300 mV pour des signaux de 1 MeV. Des seuils en amplitude sont positionnés pour chaque voie d’électronique afin de réduire au maximum le taux de comptage induit par l’instrumentation. Les seuils utilisés pour réduire ce taux seront typiquement positionnés vers 45 mV, soit une énergie équivalente à 150 keV.

2.4.2.4 Performances

La résolution en énergie des modules optiques est principalement dominée par la fluc-tuation stochastique du nombre de photoélectrons produits. Si ce nombre est élevé, une approximation Gaussienne peut être utilisée afin de définir la résolution en énergie :

∆E

E = 2, 35σ

E = p2, 35

Npe (2.5)

avec σ l’écart type de la distribution. Le nombre de photoélectrons (Npe) produits est décrit en fonction de l’énergie déposée E, de propriétés propres au scintillateur et au photomultiplicateur ainsi que la collection de lumière dans celui-ci :

3. Transit Time Spread

4. Full Width at Height Maximum

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Figure 2.11 – Signal analogique produit par un module optique de SuperNEMO.

Npe = E[MeV] · N0

ph· ǫscintcol · (QEP M T · ǫP M Tcol ) (2.6)

avec E, l’énergie initiale déposée par la particule dans le scintillateur. N0

ph le nombre de photons de scintillation créé pour 1 MeV d’énergie déposée. ǫscint

col est l’efficacité de collection de lumière par la photocathode du photomultiplicateur. QEP M T est l’efficacité quantique de cette photocathode. ǫP M T

col est l’efficacité de collection des photoélectrons, de la production par la photocathode jusqu’à la collection par l’anode.

La résolution en énergie moyenne obtenue sur les modules optiques avec des photomul-tiplicateurs 8” a été mesurée a 8,3% à 1 MeV [85]. La résolution en énergie des modules optiques avec des PM 5” de NEMO-3 était de 14-17%. Cette grande amélioration est due au travail de R&D effectué sur les différentes parties du module optique (composition du scintillateur, couplage optique, taille du photomultiplicateur, efficacité quantique de la photocathode) [90].

La résolution temporelle des modules optiques de SuperNEMO pour un signal de 1 MeV est de 400 ± 90 ps [91]. Cette mesure a été effectuée grâce à une diode électroluminescente (LED) pulsée et envoyée en coïncidence sur deux modules optiques.

Le détecteur étant en cours d’installation au Laboratoire Souterrain de Modane, il a été possible de mesurer le taux de comptage en fonction du seuil appliqué sur plusieurs modules optiques d’un mur du calorimètre. Les premières mesures et estimations, sans blindage, donnent un taux de comptage de 50 à 100 Hz pour un seuil fixé à 150 keV soit 45 mV d’amplitude (voir figure2.12).