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C. Biologie du peptide amyloïde

2. Modifications du peptide amyloïde

Les formes tronquées d’Aβ sont retrouvées au sein des plaques séniles dans les cerveaux de patients souffrant de maladie la d’Alzheimer aussi bien dans les cas sporadiques que dans les cas de formes familiales de la maladie particulièrement quand ces cas mettent en jeu des mutations sur la préséniline 1 (Russo et al., 1997; Saido et al., 1996; Tekirian et al., 1998).

En 1992, une première étude mettait en évidence la présence d’une forme tronquée de peptide amyloïde débutant en 3 dans des dépôts amyloïdes prélevés sur des cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer (Mori et al., 1992). En 1994, d’autres formes tronquées d’Aβ ont été détectées dans des cerveaux de patients malades : des peptides débutant en 2, 3, 4, 6, 8 et 11 et terminant en 40 ou 42. Cependant, parmi ces formes, les principales sont les peptides Aβ 3-x et 11-x. Dans les cerveaux de patients sains, ce sont essentiellement des formes intactes et la forme débutant en 11 qui étaient retrouvées (Naslund et al., 1994). Depuis, une autre forme, débutant en 5, a été identifiée dans le cerveau de patients malades (Takeda et al., 2004).

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Cas particulier des formes des Aβ11-x et 17-x. - Le cas 11-x.

Le peptide Aβ11-x est une forme tronquée en N-terminal produite directement, suite à l’action de la β-sécrétase. Si la présence de ces formes dans les dépôts amyloïdes est clairement établie et bien documentée (Russo et al., 2000), la façon dont elles sont générées à partir de la βAPP est peu connue.

In vitro, la β-sécrétase est capable de couper la βAPP, non seulement en 1, mais

également entre les 10 et 11èmes résidus de la séquence Aβ (Vassar et al., 1999).

Cependant, le mécanisme précis est inconnu : est-ce un clivage alternatif ou un clivage supplémentaire ? Des expériences ont montré que la coupure en 11 est très nettement augmentée quand BACE1 est surexprimée (Liu et al., 2002). D’après Liu et collaborateurs, ce sont deux événements qui coexistent : BACE1 clive la βAPP en 1 et en 11 mais le fragment C99 issu de la première coupure est encore substrat de BACE1 pour produire le fragment C89. Il semble que les formes 11-x soient produites physiologiquement (Liu et al., 2002), cependant, peu de choses sont connues sur leurs effets. Ces espèces d’Aβ sont toujours susceptibles de former des fibrilles, car elles contiennent le domaine requis (les résidus 8 à 16 sont impliqués dans la liaison au cuivre) (Serpell, 2000; Serpell et al., 2000). Comme toutes les formes tronquées, elles sont plus hydrophobes et donc plus promptes à s’agréger (Pike et al., 1995).

- Le cas 17-x (p3).

De même que les Aβ11-x, les Aβ17-x sont produits directement suite aux clivages successifs par l’α- et la γ-sécrétase. Ces formes, sous-produits de la voie non amyloïdogène, ne seraient pas dénuées de toxicité, bien que cela demeure controversé. Des études physico-chimiques ont montré que ces peptides présentent une forte hydrophobicité à leur extrémité N-terminale. Considérant la

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forte hydrophobicité de l’extrémité C-terminale du peptide Aβ, il a été postulé que les Aβ17-x devaient présenter une cinétique d’agrégation accélérée. De façon plus précise, l’entité principalement impliquée est Aβ17-42. En effet, chez certaines espèces (chiens, ours polaires), comme chez les patients non déments, qui ne présentent pas d’accumulation des formes Aβ x-40 (Tekirian et al., 1998), il existe un marquage Aβ17-x que l’ont peut donc logiquement attribuer à la forme Aβ17- 42. Ces peptides se retrouvent au sein d’agrégats, les plaques diffuses (Lalowski et al., 1996) où ils sont la forme d’Aβ la plus abondante.

Le peptide Aβ17-x a été colocalisé avec les paires de filaments hélicoïdaux dans les dégénérescences neurofibrillaires (NFT), bien que son rôle n’y ait pas été clairement identifié. Aussi, la détection des Aβ17-x au sein d’agrégats et associés au NFT tendrait à leurs attribuer un rôle toxique.

A l’inverse, une présence des fragments Aβ17-x dans les dépôts non fibrillaires, en grande quantité en absence de plaques séniles matures et le fait qu’ils soient dépourvus d’une région essentielle pour le recrutement de la glie (Velazquez et al., 1997) tendrait à leurs attribuer plutôt un rôle protecteur (ou en tout cas non toxique). Cette hypothèse n’est pas évidente à confirmer dans la mesure où les peptides 17-x sont assez difficiles d’emploi en raison d’une très faible solubilité dans n’importe quel tampon aqueux. L’utilisation de DSMO, dans lequel 17-40 est très soluble, rend l’interprétation des résultats difficile car le DSMO en lui-même est pro-apoptotique (Marthyn et al., 1998).

Dégradation par des aminopeptidases.

L’implication d’aminopeptidases dans les phénomènes de dégradation des peptides amyloïdes a été soupçonnée lorsque l’analyse des dépôts amyloïdes a permis l’identification de formes tronquées d’Aβ qui ne pouvaient pas découler directement de l’action de l’α- ou de la β-sécrétase. En effet, l’apparition des formes tronquées débutant en position 3 n’est pas liée à une maturation normale de la βAPP (Shirotani et al., 2002).

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Parmi les aminopeptidases hypothétiquement impliquées pourrait se trouver, en premier lieu, l’aminopeptidase A (APA). En effet, le premier résidu d’Aβ est un acide aspartique qui, comme l’acide glutamique, est substrat de l’APA.

Le rôle principal de l’APA est la dégradation de l’angiotensine II en angiotensine III par l’élimination d’un résidu aspartate. L’APA est une protéine transmembranaire de type II (160 kDa), porteuse d’une activité ectopeptidasique de type zinc-métalloprotéase. Elle est exprimée dans de nombreux tissus dont, essentiellement, la bordure en brosse de l’épithélium intestinal, les cellules épithéliales rénales, l’endothélium vasculaire et le cerveau (Zini et al., 1997). L’APA pourrait être un candidat pour la transformation des formes d’Aβ1-x en 2- x.

L’excision du deuxième résidu, une alanine, conduit à la formation des Aβ3-x. Les formes Aβ3-40 et 3-42 représente à elles deux 51% des formes totales d’Aβ au sein des plaques séniles et 11% des espèces contenues dans les dépôts amyloïdes vasculaires (Kuo et al., 1997).

L’alanyl-aminopeptidase sensible à la puromycine est, quand à elle, fortement suractivée dans le cerveau de patients atteints d’Alzheimer (Minnasch et al., 2003). Cette aminopeptidase impliquée dans la maturation d’épitopes associés au complexe majeure d’histocompatibilité de type I, avait été, à l’origine, pressentie dans le rôle de β-sécrétase (Huber et al., 1999). A l’heure actuelle, son rôle dans la pathologie n’est pas encore clairement identifié, mais elle est soupçonnée de participer au métabolisme du peptide amyloïde dans le cerveau des patients malades.

- 45 - b. Cyclisation.

Les séquences des formes d’Aβ3-x et 11-x, présentées dans les paragraphes précédents, débutent par un acide glutamique qui présente la particularité de subir une cyclisation intramoléculaire grâce à l’action d’une glutaminyl-cyclase (QC) (Cynis et al., 2008) ce qui le transforme en pyroglutamate (pE).

Les formes 3-x et 11-x n’existent, en fait, pas autrement que sous forme de (pE)3-x et (pE)11-x, la cyclisation leur conférant une résistance à la dégradation par les aminopeptidases (Saido et al., 1995). Dans le cas des formes (pE)3-x, la perte des deux premiers résidus de la séquence modifie les propriétés physicochimiques des Aβ(pE)3-x qui acquièrent une plus grande hydrophobicité et une capacité d’agrégation accrue (Russo et al., 2002b).

De façon intéressante, les formes cyclisées d’Aβ requièrent l’action de la néprilysine pour être dégradées, protéase dont l’expression et l’activité sont justement diminuées dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer (Yasojima et al., 2001a).

c. Racémisation et isomérisation.

Certains résidus, particulièrement les Asp 1 et 7, sont sujets à racémisation et isomérisation (Russo et al., 1997). Au sein des plaques séniles, les formes isomérisées d’Aβ se trouvent au cœur de l’agrégat (supposé logiquement d’être formé en premier) et sont souvent entourées de formes non-isomérisées d’Aβ (déposées plus tardivement). Ces modifications sont probablement liées au seul vieillissement des peptides, car, l’implication d’une activité enzymatique spécifique n’a pas encore pu être mise en évidence. En ce qui concerne les effets de ces modifications, il a été montré, par exemple, que l’isomérisation du résidu aspartate en position 7 est cruciale pour l’activation du complément.

- 46 - d. Oligomérisations.

L’oligomérisation est l’une des principales modifications des peptides Aβ après

production ; d’après Kuo et collaborateurs, les formes oligomériques

représenteraient près de 45% des espèces d’Aβ (Kuo et al., 1996). Parmi les oligomères extraits des dépôts amyloïdes vasculaires et des plaques séniles, une partie est constituée d’assemblages, dimériques ou trimériques, de peptides amyloïdes reliés par une liaison covalente entre leurs résidus tyrosine en position 10 (Atwood et al., 2002). Ces liaisons covalentes tyrosine-tyrosine sont très résistantes à la protéolyse et augmentent la stabilité des plaques formées.

In vitro, cette oligomérisation par l’intermédiaire de la tyrosine 10 est directement induite par les phénomènes d’oxydation et plus précisément par l’action du cuivre. Il est intéressant de noter que les phénomènes d’oxydation induits par le cuivre sont sans effets sur le peptide Aβ de rat qui ne possède pas de tyrosine (Atwood et al., 2004).

3. Dégradation et élimination des peptides amyloïdes.