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La sénescence ne correspond pas à un arrêt complet des fonctions métaboliques de la cellule. Au contraire, celle-ci reste viable durant de longues périodes. De plus, elle présente une activité de synthèse et de dégradation des macromolécules (ARN et protéines), malgré une diminution de ces taux par rapport à ceux trouvés dans des cellules réplicatives (Campisi 2000). Il a également été constaté, dans certains types cellulaires, une augmentation de l’activité de certaines protéases impliquées dans la dégradation des protéines de la matrice extracellulaire (collagénase, stromelysine), mais également une réduction de l’expression des inhibiteurs de ces mêmes protéases. La sénescence des cellules s’accompagne d’une diminution d’expression de différentes protéines et enzymes impliquées dans la synthèse, la structure et la réparation de l’ADN. De nombreux gènes voient également leur expression perturbée, parmi lesquels nombre de facteurs de croissance, de cytokines ou encore de régulateurs du cycle cellulaire (Cristofalo, Phillips et al. 1989; Cristofalo and Tresini 1998; Cristofalo, Volker et al. 1998). Enfin, l’activité anormale de la β-galactosidase est généralement considérée comme un marqueur de sénescence. En effet, dans de nombreux types cellulaires, la β-galactosidase (hydrolase lysosomale) voit son activité augmentée pour des pH inhabituels. Active pour un pH de 4 dans des cellules en prolifération, la β -galactosidase devient détectable à un pH de 6 dans des cellules sénescentes (Dimri, Lee et al. 1995). La modification de l’activité de cette enzyme a été reliée à une augmentation de la densité lysosomale, elle-même due à un accroissement du nombre de processus d’autophagie (Gerland, Peyrol et al. 2003).

III.2.La voie « télomères dépendante »

En 1973, le concept de régulation de l’horloge mitotique par la réduction progressive de l’ADN télomérique fut proposé par Olovnikov (Olovnikov 1973). Partant des observations réalisées par Hayflick selon lesquelles l’âge du donneur détermine la capacité proliférative des cellules et que celles-ci, même soumises à une congélation, conservent une « mémoire » du nombre de divisions qu’elles ont effectué, Olovnikov a émis, à partir du mécanisme de

réplication de l’ADN, l’hypothèse que la sénescence cellulaire découlait d’une perte excessive de l’ADN télomérique. En effet, à chaque division, l’ADN polymérase qui permet de répliquer l’ADN, se voit dans l’incapacité de dupliquer, de façon intégrale, les séquences télomériques 3’ terminales présentes aux extrémités des doubles brins d’ADN. Ainsi, la taille des télomères se voit réduite à chaque division d’environ 50 à 150 paires de bases (pdb). À partir d’une taille critique d’environ 6kb, un télomère est considéré par la cellule comme une source d’instabilité qui va être à l’origine d’un signal conduisant à la sénescence de la cellule (Wright and Shay 2001). Les télomères ayant atteint leur taille critique, sont reconnus comme des cassures de l’ADN et vont activer les systèmes de réparation de l’ADN. La mise en œuvre de ce mécanisme conduit à une augmentation de l’activité de p53 (Vaziri and Benchimol 1996) ayant pour conséquence une accumulation de la protéine p21WAF1 qui inhibe les complexes CdK/cyclines et provoque un arrêt du cycle cellulaire.

Ainsi, p53 joue un rôle central dans le devenir des cellules. Son activation conduit la cellule vers l’une des deux voies terminales, la sénescence ou l’apoptose. p53 est un des principaux suppresseurs de tumeurs et son inhibition contribue à l’immortalisation de certains types cellulaires ainsi qu’un accroissant de l’instabilité chromosomique. Les télomères, formés par des répétitions de séquences TTAGG et de protéines spécifiques, assurent la stabilité des extrémités chromosomiques. La prolongation de la capacité proliférative au-delà de la limite de Hayflick, va entraîner une érosion excessive des télomères. Les extrémités chromosomiques n’étant plus protégées du fait de la taille réduite des télomères (Karlseder, Smogorzewska et al. 2002), en résulte une forte instabilité génomique qui participe au processus de tumorisation ou de déclenchement de la mort cellulaire (Collins 2000). Dans certains types cellulaires comme les cellules germinales, certaines cellules souches ainsi que des cellules tumorales ou immortalisées, l’érosion des motifs télomériques (répétitions TTAGG) est compensée par la présence d’une transcriptase inverse spécifique, la télomérase (Cong, Wright et al. 2002). Celle-ci va assurer la synthèse de novo des répétitions télomériques sur les télomères préexistants, maintenant ainsi leur longueur au cours des divisions.

III.3.La voie p16

INK4A

a. Locus INK4A/ARF (CDKN2A)

La protéine p16INK4A est issue du locus INK4A/ARF, présent en position 9q21. Ce locus est tout à fait particulier car il contient deux gènes codant pour deux protéines dont la fonction est différente, bien que ceux-ci aient deux exons en commun. Le premier variant issu de ce locus est généré à partir des exons 1α, 2 et 3, et correspond à p16INK4A. Le second variant, p14ARF est formé des exons 1β, 2 et 3. En outre, le cadre de lecture de p14ARF (pour Alternative open Reading Frame) est différent de celui de p16 conduisant à une absence d’homologie entre les deux protéines. Il faut également noter que ce locus se trouve fréquemment inhibé dans de nombreux types de cancers chez l’Homme, d’où sa dénomination de MTS1 pour Major Tumor-Suppressor Locus. L’épissage alternatif de ce locus permet d’obtenir deux protéines possédant un promoteur ainsi qu’un exon 1 propres à chacune (Figure 12) (Bodenez, Darrouzet et al. 2006).

Figure 12 : Schéma du locus du gène CDKN2A (9q21), de ces produits et de leur implication dans la régulation du cycle cellulaire.

Les protéines issues des transcrits alternatifs du locus CDKN2A vont agir tous deux sur l’arrêt du cycle cellulaire mais en touchant deux voies bien distinctes. Le locus CDKN2A est en mesure de produire deux autres variants (p12 et p16γ) mais leur production reste très minoritaire (p16γ) ou localisée dans certains organes (p12 dans le pancréas).

Les deux molécules décrites précédemment vont intervenir dans deux voies séparées. De par son action sur la protéine de dégradation HDM2 (MDM2), p14ARF participe aux phénomènes de sénescence réplicative et/ou d’apoptose via la stabilisation de p53 et l’induction de p21CIP1. De son côté, p16INK4A intervient directement au niveau de certains acteurs du cycle cellulaire. En effet, p16 est capable d’inhiber les CdK4 et 6 et ainsi bloquer les complexes CdK/cycline formés à partir de ces dernières. Une fois le complexe CdK/cycline inhibé, le complexe protéique Rb/E2F ne peut plus être phosphorylé. Ceci va avoir pour conséquence l’impossibilité pour la cellule d’entrer en phase S, et donc un blocage du cycle cellulaire en phase G1.

La complexité de la régulation de p16 est due à la nature même du locus INK4. En effet, les trois gènes présents sur ce locus (p14ARF, p15INK4B et p16INK4A) possèdent chacun un promoteur indépendant permettant une régulation indépendante de chacun d’entre eux. Cependant, leur regroupement sous un même locus permet également une régulation globale et/ou coordonnée grâce à des événements de remodelage chromatinien (Barreau, Paillard et al. 2005; Barreau, Paillard et al. 2006) (figure 13). Plusieurs études ont permis de déterminer des sites de fixation de facteurs de transcription présents sur le promoteur de p16INK4A. Ainsi les sites Ets, boite E, sites de Sp1, site de RHA et site de ITSE ont été identifiés, indiçant que la transcription de p16 est sujette à de multiples niveaux de contrôle.

Figure 13 : Modèle mécanistique de l’inhibition du locus INK4/ARF par Cdc6

La présence d’une forte concentration de Cdc6 peut conduire à un recrutement des histones déacétylases (HDAC) 1 & 2. La désacétylation de la chromatine va conduire à une condensation de cette dernière sous forme d’hétérochromatine, et à une inhibition du locus INK4/ARF. (d’après Gonzalez and Serrano 2006)