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CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3. Production d'éthanol chez Saccharomyces cerevisiae

3.3. Amélioration du rendement de production d'éthanol

3.3.2. Modification des aspects d'oxydoréduction

Pour limiter la production de glycérol, il est possible d'introduire d'autres réactions ou voies métaboliques pour réoxyder le NADH en excès. Différentes stratégies ont été testées.

3.3.2.1. Régénération de NAD+ par expression d'une

transhydrogénase

Une transhydrogénase membranaire d'E. coli a été exprimée chez S. cerevisiae dans le but de réoxyder le NADH excédentaire. En effet, chez E. coli, cette enzyme est capable de produire NADPH et NAD+ à partir de NADP+ et NADH et elle serait donc susceptible chez la levure de régénérer NAD+ à la place de la glycérol-phosphate déshydrogénase. Son expression chez S. cerevisiae a conduit en conditions anaérobies à la production de 2-oxoglutarate, qui est liée à un excès de NADP+ et a augmenté la production de glycérol et d'acétate du fait d'un excès de NADH. Contrairement à ce qui était attendu, la transhydrogénase n'était pas localisée dans la membrane plasmique, mais dans la membrane du réticulum endoplasmique, sans que cela ne nuise à son efficacité catalytique. La mesure des concentrations intracellulaires de NADP+, NADPH, NAD+ et NADH a montré que la transhydrogénase fonctionnait dans le sens contraire au sens souhaité et catalysait la consommation de NADPH pour produire du NADH (Anderlund et al., 1999).

Un autre essai a été réalisé en exprimant une transhydrogénase cytosolique d'Azotobacter vinelandii dans une souche Δgpd1 Δgpd2. Cependant, l'expression de la transhydrogénase n'a pas suffi à complémenter les délétions en conditions anaérobies: comme la réaction de transhydrogénation est réversible, il faut une déplétion assez importante en NAD+ avant que la réaction ne soit favorisée dans le sens de sa synthèse. Cette déplétion était visiblement trop importante et empêchait la biosynthèse cellulaire avant que la réaction ne soit favorisée dans le sens désiré. En conditions aérobies, la double

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délétion Δgpd1 Δgpd2 a provoqué un retard de croissance important qui, dans le cas de l'expression de la transhydrogénase, était encore aggravé car la réaction catalysée allait à nouveau dans le sens de la formation de NADH (Nissen et al., 2000a). L'expression de la transhydrogénase d'A. vinelandii dans une souche de S. cerevisiae non délétée a confirmé le fonctionnement de l'enzyme dans le sens de la formation de NADP+ et NADH, avec pour conséquence la production d'oxoglutarate et de glycérol, la diminution de la production d'éthanol et une baisse de la vitesse de croissance (Nissen et al., 2001).

3.3.2.2. Réoxydation de NADH par couplage avec la production

de glutamate

Une autre stratégie testée consiste en la surexpression de certaines réactions du métabolisme de l'ammonium pour réoxyder le NADH. Chez S. cerevisiae, la production de glutamate provient principalement de l'action de la glutamate déshydrogénase 1, encodée par le gène gdh1, qui transforme l'oxoglutarate en glutamate en consommant du NADPH (Figure 33). La formation de glutamate est également possible par une voie ayant pour intermédiaire la glutamine et faisant appel à la glutamate synthase et la glutamine synthétase, encodées respectivement par les gènes glt1 et gln1. La formation de glutamate par ce couple de réactions consomme du NADH et de l'ATP.

Figure 33. Voies de formations du glutamate considérées pour l'étude de Nissen et al.

gdh1: glutamate déshydrogénase; glt1: glutamate synthase; gln1: glutamine synthétase.

Pour assurer la réoxydation de NADH dans le cadre de la production d'éthanol, la stratégie mise en place a consisté en la délétion de gdh1 et la surexpression de glt1 et gln1. Cette stratégie a permis d'augmenter le rendement de production d'éthanol de 10% et de baisser le rendement de production de glycérol de 38%. La souche ainsi obtenue présentait une vitesse de croissance légèrement inférieure à la souche contrôle, mais il semble que le fait d'augmenter encore la surexpression de glt1 et gln1 pourrait résoudre ce problème (Nissen et al., 2000b).

3.3.2.3. Réoxydation de NADH par couplage avec la réduction de

l'acétate

Une approche consistant à remplacer le glycérol par de l'acétate comme substrat pour la réoxydation de NADH a été testée. Cette utilisation de l'acide acétique est notamment valorisable dans le cadre de la production d'éthanol 2G, car l'acide acétique fait partie des co-produits issus de l'hydrolyse de la biomasse lignocellulosique. Dans un contexte Δgpd1 Δgpd2, une acétaldéhyde déshydrogénase NAD-dépendante d'E. coli a été exprimée (Figure 34) et a permis de restaurer la croissance en conditions anaérobies sur un milieu contenant 2 g/L d'acide acétique. Le rendement en éthanol a également été augmenté de 13%. Cependant, la souche modifiée a montré une vitesse de croissance diminuée de moitié par rapport à la souche contrôle, probablement à cause de problèmes d'osmotolérance en l'absence de production de glycérol (Medina et al., 2010). La surexpression de l'acétaldéhyde

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déshydrogénase d'E. coli dans une souche non délétée en conditions anaérobies a permis d'augmenter le rendement de production d'éthanol de 1,4% et de baisser le rendement de production de glycérol de 11% sans ajout d'acide acétique (Zhang et al., 2011). En supplémentant le milieu avant inoculation avec 2 g/L d'acide acétique, l'augmentation du rendement de production d'éthanol s'élevait à 4,3% et la baisse du rendement de production de glycérol était de 40%, sans effet négatif sur la croissance.

Figure 34. Stratégie de réoxydation du NADH par consommation d'acétate dans un contexte Δgpd1 Δgpd2.

gpd: gènes des isoformes de la 3-phosphate déshydrogénase; gpp: gènes des isoformes de la

glycérol-3-phosphate phosphatase;pdc: gènes des isoformes de la pyruvate décarboxylase; adh: gènes des isoformes de l'acétaldéhyde déshydrogénase; ecadh: gène de l'acétaldéhyde déshydrogénase NAD-dépendante d'E. coli.

3.3.2.4. Réoxydation par une NADH oxydase

Des études ont été menées pour déterminer l'impact d'une modification des cofacteurs d'oxydoréduction sur le métabolisme de S. cerevisiae. Ces études reposaient sur deux stratégies de surexpression: surexpression d'un gène nox de Streptococcus pneumoniae(Hou et al., 2009a; Vemuri et al., 2007) ou de Lactococcus lactis(Heux et al., 2006) codant pour une NADH oxydase ou surexpression d'une oxydase alternative de Histoplasma capsulatum (Hou et al., 2009a; Vemuri et al., 2007). Ces deux oxydases catalysent la réaction d'oxydation de NADH en NAD+ par O2. Les essais ont donc été menés en conditions aérobies ou microaérobies. Les résultats montrent que l'expression de la NADH oxydase, qui est localisée dans le cytosol, a provoqué une baisse de production de glycérol, mais sans impact positif sur la production d'éthanol, avec parfois même une diminution de celle-ci (Heux et al., 2006). L'expression de l'oxydase alternative, localisée dans la mitochondrie, n'a pas eu d'impact sur la formation de glycérol (Hou et al., 2009b). La stratégie de réoxydation de NADH par des oxydases ne semble pas adaptée à la production d'éthanol, surtout en raison des conditions aérobies requises pour le fonctionnement des enzymes.

3.3.2.5. Phosphorylation de NADH

L'impact de la phosphorylation de NADH sur la production d'éthanol a également été étudié. S cerevisiae possède deux enzymes NADH kinases cytosoliques, codées par les gènes utr1 et yef1 et une enzyme NADH kinase mitochondriale, codée par le gène pos5. Ces enzymes catalysent la réaction de formation de NADPH en consommant du NADH et de l'ATP. Pour augmenter la production d'éthanol, la NADH kinase a été surexprimée soit dans la mitochondrie, soit dans le cytosol, en supprimant le signal d'adressage mitochondrial de la séquence du gène pos5. La surexpression de l'enzyme dans le cytosol en croissance sur glucose montre une redirection du flux de carbone de CO2

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croissance sur xylose, l'effet n'est pas le même et l'enzyme favorise la formation de xylitol au détriment de l'éthanol. L'augmentation de l'expression de la NADH kinase dans la mitochondrie n'a par contre montré aucun effet physiologique significatif (Hou et al., 2009b).

3.3.2.6. Contournement de la production de NADH

Une stratégie pour limiter la production de glycérol a été obtenue grâce à une modélisation à l'échelle du génome de S. cerevisiae et consiste à contourner la réaction produisant du NADH en exprimant une enzyme, la 3-phosphoglycéraldéhyde déshydrogénase NADP+-dépendante et non phosphorylante (GAPN), qui permet de former du phosphoglycérate directement à partir du 3-phosphoglycéraldéhyde en consommant du NADP+ (Figure 35). L'expression de la GAPN de Streptococcus mutans a permis de diminuer le rendement de production de glycérol de 40% et d'augmenter le rendement de production d'éthanol de 3% sans effet négatif sur la vitesse de croissance (Bro et al., 2006). La surexpression de la GAPN de Bacillus cereus en conditions anaérobies a eu un effet moins important et a conduit à une augmentation du rendement de production d'éthanol de 2,5% et une diminution du rendement de production de glycérol de 23% (Zhang et al., 2011).

L'expression de GAPN a également été testée dans un contexte Δgpd2: la surexpression de la GAPN de Bacillus cereus a conduit à une augmentation du rendement de production d'éthanol de 7,6% et une diminution du rendement de production de glycérol de 48,7%. La surexpression de la GAPN de Kluyveromyces lactis en conjonction avec la délétion gpd2 a permis d'augmenter le rendement de production d'éthanol de 7,34% et de baisser le rendement de production de glycérol de 52,9% (Guo et al., 2011).

Figure 35.Surexpression d'une 3-phosphoglycéraldéhyde déshydrogénase NADP+-dépendante et non phosphorylante (GAPN) pour la production d'éthanol.

GAPDH: 3-phosphoglycéraldéhyde déshydrogénase phosphorylante; PGK: phosphoglycérate kinase; GPD: glycérol phosphate déshydrogénase; GPP: glycérol phosphate phosphatase; GAPN: 3-phosphoglycéraldéhyde déshydrogénase non phosphorylante NADP+ dépendante.

3.3.2.7. Effet transhydrogénase par construction d'une voie

métabolique

Un effet transhydrogénase peut être obtenu par les réactions de la pyruvate carboxylase PYC2, de la malate déshydrogénase cytosolique MDH2 et de l'enzyme malique mitochondriale MAE1 (Figure 36): le bilan global de ces trois réactions montre une consommation de NADH et d'ATP et une production de NADPH, ce qui correspond à une réaction de transhydrogénation. Dans le cadre de la production

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d'éthanol 2G chez une souche de S. cerevisiae pouvant métaboliser les pentoses, les trois gènes pyc2, mdh2 et mae1 ont donc été surexprimés selon différentes combinaisons dans le but de tempérer les problèmes de réoxydation de cofacteurs en croissance sur xylose et xylulose (Suga et al., 2012). Des essais de fermentation en conditions semi-anaérobies ont montré une amélioration du rendement de production d'éthanol pour la souche surexprimant soit uniquement mae1 (rendement augmenté de plus de 20%), soit mae1 et mdh2 (rendement augmenté de 13%). La surexpression simultanée des trois gènes n'a cependant pas permis d'augmenter le rendement d'éthanol. Ceci semblait dû à une augmentation de la production de xylitol par rapport à la souche contrôle, alors que les souches surexprimant mae1 ou mae1 et mdh2 métabolisaient le xylitol plus rapidement que la souche contrôle. Des essais sur glucose n'ont montré aucune amélioration du rendement de production d'éthanol, bien que la vitesse de consommation du glucose ait été améliorée chez la souche exprimant pyc2, mdh2 et mae1.L'explication avancée s'appuie sur la spécificité de substrat de MAE1, qui peut consommer du NAD+ et du NADP+. Si l'enzyme consomme du NAD+, l'effet transhydrogénase n'est pas réalisé et le cycle mis en place ne fait que drainer de l'ATP, ce qui peut être compensé en augmentant la vitesse de consommation du substrat. Cette explication avancée par les auteurs ne tient cependant pas compte du fait qu'en croissance sur glucose, l'enzyme MDH2 est dégradée et ne devrait donc pas fonctionner(Minard and McAlister-Henn, 1992).

Figure 36. Description de la voie métabolique créant l'effet transhydrogénase dans une souche de S. cerevisiae exprimant la xylose isomérase (d'après Suga et al., 2013).

ADH: isoformes de l'acétaldéhyde déshydrogénase; XR: xylose réductase; XI: xylose isomérase; XDH: xylitol déshydrogénase; XK: xylulokinase; PDC: isoformes de la pyruvate décarboxylase; PYC2: pyruvate carboxylase; MDH2: malate déshydrogénase cytosolique; MAE1: enzyme malique.