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Modifications de l’échantillon par le faisceau d’électrons

5.2 Acquisition et traitement des données

5.3.3 Modifications de l’échantillon par le faisceau d’électrons

Un constat rapide révèle une inconsistance sur la position du pic de la résonance du plasmon de surface dans nos mesures. Les valeurs de l’énergie de cette résonance ne semblent pas suivre une tendance particulière et varient beaucoup d’une particule à l’autre, voire sur des mesures effectuées sur le même agrégat. Les énergies du plasmon de surface et de volume de la particule 3 de la figure 5.8 sont regroupées dans le tableau 5.1 pour différentes mesures prises au cours du temps. On constate d’une part que plus le temps passe, plus la fréquence du SPR se décale vers le bleu. D’autre part, on observe également sur les images HAADF associées à ces spectres que le diamètre de la particule diminue au fil des mesures.

Diamètre (nm) Plasmon de surface (eV) Plasmon de volume (eV)

3.9 3.4 3.9

3.5 3.5 3.9

3.1 3.6 4.0

2.6 3.6 3.9

Table 5.1: Énergies des modes de plasmon de surface et de volume obtenues par plusieurs mesures EELS

sur une particule d’argent en matrice de silice au cours d’une exposition prolongée dans le temps. La particule étudiée est la particule 3 visible sur la figure 5.8.

C’est en réalité le faisceau d’électrons, très focalisé et intense, qui endommage l’échantillon au cours du temps. L’énergie apportée par les procédés de diffusion inélastiques détériore la matière. Des images HAADF prises dézoomées par rapport aux mesures permettent de se rendre compte de l’évolution de la zone de balayage du faisceau d’électron, comme le montrent les images HAADF

CHAPITRE 5. MESURE EN SPECTROSCOPIE ÉLECTRONIQUE À PERTE D’ÉNERGIE

sur la figure 5.10. Cette zone de mesure devient de plus en plus contrastée comparée au reste de l’échantillon au cours du temps, signifiant une modification physique. Sur la dernière image HAADF, l’agrégat a complètement disparu. L’hypothèse émise est que le faisceau retire la couche de matrice et détériore la particule, pour au final faire un trou de part en part du substrat de Si3N4. Une mesure EELS sur la dernière image dans la zone sombre ne montre aucun signal significatif, prouvant qu’il s’agit bien là d’un trou.

Figure 5.10: Série d’images HAADF montrant l’évolution d’une particule d’argent d’environ 3 nm (en

blanc) dans une matrice de silice correspondant à la particule 3 de la figure 5.8 suite à une exposition prolongée dans le temps. Le balayage endommage la particule, de telle sorte qu’un contraste se forme entre la partie de l’environnement touché par le balayage autour de la particule et celle qui reste intacte. La zone devient de plus en plus sombre, jusqu’à ce que la particule disparaisse de l’image. Une mesure EELS dans la zone noire de la dernière image ne montre aucune réponse, signifiant un trou de part en part du substrat.

Figure 5.11: À gauche : Spectres EELS associés aux images HAADF de la figure 5.10 sur une région

d’intérêt à la surface de la particule. Ils montrent le fréquence de la résonance du plasmon de surface qui se décale vers le bleu en même temps que l’environnement autour de la particule est de plus en plus endommagé, jusqu’à créer un trou à travers l’échantillon. À droite : Spectres EELS associés aux images HAADF de la figure 5.10 sur une région d’intérêt à l’intérieur de la particule. La position du pic de résonance du plasmon de volume ne bouge pas en fonction de l’état de l’environnement.

5.3. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX

Au vu de ces observations, il est impossible de dire dans quel état précis se trouve l’environnement autour de la particule au moment de nos mesures. Or, un agrégat d’argent entouré de manière homogène de silice ne donne pas la même réponse qu’un agrégat posé sur une surface de silice (cas où on aurait retiré la couche du haut). Les disparités sur la fréquence de résonance du plasmon de surface des spectres de la figure 5.8 seraient donc dûes à l’instabilité de l’environnement dans lequel se trouvent les particules étudiées. Des spectres EELS associés aux images de la figure 5.10 ont été obtenus, et sont visibles sur la figure 5.11. On y voit le pic du plasmon de surface qui se décale vers les grandes énergies, correspondant à un décalage de la fréquence vers le bleu. On retrouve bien cette tendance dans les calculs théoriques visibles sur la figure 5.12 d’une particule passant d’un environnement de silice homogène à une particule posée sur une surface de silice, confirmant cette hypothèse du faisceau retirant la matrice. Ces calculs ont été réalisés à l’aide d’un modèle classique utilisant la théorie de Mie. Ce modèle ne prenant en compte aucun effet de taille, la position absolue des pics ne peut pas être comparée, seule la tendance observée en fonction du changement de l’environnement nous intéresse ici.

On peut également noter sur les spectres EELS expérimentaux que l’énergie du plasmon de volume ne change pas en fonction de la taille et de l’environnement de la particule. Ce n’est pas un comportement étonnant puisque la théorie décrit ce mode comme n’ayant aucune dépendance à ces paramètres. La valeur absolue de l’énergie de résonance de ce plasmon de volume est toutefois différente entre théorie et expérimental. Dans le chapitre 2, on a calculé que pour l’argent, cette énergie devait être de 3.8 eV, alors qu’on mesure sur nos spectres des valeurs tournant autour de 3.9 eV. Cependant ce décalage de 100 meV est également observé par Scholl et al. [96] et Raza et al [97] dans leurs mesures EELS sur des agrégats d’argent de tailles similaires.

Figure 5.12: Calculs théoriques de l’absorption d’un agrégat d’argent réalisés à l’aide d’un modèle classique

utilisant la théorie de Mie et les constantes diélectriques de Johnson & Christie [20] pour différents types d’environnement. La courbe noire correspond à un agrégat dans le vide, celle en bleu foncé à un agrégat posé sur une surface de silice, et celle en bleu clair à un agrégat noyé dans une matrice de silice homogène.

CHAPITRE 5. MESURE EN SPECTROSCOPIE ÉLECTRONIQUE À PERTE D’ÉNERGIE

Afin de confirmer cette hypothèse, des échantillons ont été fabriqués avec une couche plus épaisse de matrice au dessus des agrégats d’argent d’environ 20 nm. Si le faisceau d’électrons a effectivement pour effet de retirer de la matière, une couche épaisse devrait permettre à l’agrégat de rester dans un milieu homogène plus longtemps, et ne devrait pas voir sa réponse optique se modifier dans un premier temps. C’est effectivement ce que l’on observe sur les résultats de la figure 5.13. La position du pic du plasmon de surface ne bouge pas sur les différents spectres qui ont été pris durant 1h d’exposition au faisceau d’électrons. De plus, des images HAADF de la particule et de son environnement ont été acquises avant et après chaque mesure, et ne montrent aucune évolution notable de la taille, de la forme, ou de l’environnement.

Figure 5.13: Spectres EELS mesurés sur une particule d’argent de 5 nm en matrice de silice sur une période de 1h. Sur les spectres, le pic correspondant à la résonance du plasmon de surface est indiqué et ne bouge pas. Les images HAADF associées à la particule étudiée sont également visibles au début et à la fin des mesures après 1h d’exposition au faisceau d’électrons.