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CHAPITRE 2. ÉTAT DE L’ART

2.4 Adjuvants plastifiants

2.4.3 Modes d’action des superplastifiants

Les grains de ciment en contact avec l’eau ont tendance à s’agglomérer sous forme d’amas ayant une structure en château de carte, c’est la floculation. Ce phénomène est lié à la présence de charges électriques sur la surface des grains qui tend à piéger un certain volume d’eau à l’intérieur des flocs et empêcher l’eau d’hydrater certaines parties des surfaces des grains de ciment qui se trouvent en quelques sortes soudés les unes aux autres (Figure 2.22)

Les superplastifiants sont donc ajoutés et vont s’adsorber sur les grains fins de ciment ou d’additions en suspension dans l’eau leur conférant une charge qui conduit à une répulsion entre les grains qui sont ainsi défloculés et leur suspension se trouve stabilisé. Dans ce cas, les adjuvants réducteurs d’eau augmentent la surface des grains de ciment qui engendre l’hydratation initiale, ainsi que la quantité d’eau disponible pour l’hydratation. De plus, les charges électrostatiques sont à l’origine du développement autour de chaque grain, d’une gaine formée de molécules d’eau orientées qui empêchent le rapprochement des grains les uns vers les autres et qui ont alors une plus grande

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mobilité et l’eau libérée du système floculé devient disponible pour lubrifier le béton et fait croître sa maniabilité [A.M. Neville, 2000].

Figure 2.22 Schéma de principe de l’action des superplastifiants sur les particules de ciment dans l’eau [M.H. Noel, 2009]

Le pouvoir fluidifiant des superplastifiants s’exerce par une combinaison de phénomènes physiques se produisant instantanément (à t = 0) [C. Jolicoeur et M.A. Simard, 1998; C. Jolicoeur et al., 1994]. Ces processus sont l’adsorption des superplastifiants, la répulsion électrostatique et l’encombrement stérique. La dispersion des particules de ciment par les superplastifiants conduit à une évolution des propriétés rhéologiques des pâtes, mortiers et bétons de ciment.

2.4.3.1 Adsorption des superplastifiants sur les grains de ciment

L’étude de [R.J. Flatt et F. Houst, 2001] sur des suspensions modèles, montre que seuls les superplastifiants adsorbés contribuaient à la dispersion. Les molécules des adjuvants doivent d’abord s’adsorber à la surface des grains de ciment et, seulement après, elles peuvent exercer leur pouvoir fluidifiant.

[C. Jolicoeur et al., 1994], rapportent que dans leur étude lorsque les molécules organiques des superplastifiants sont introduites dans une suspension d’un matériau cimentaire, une grande partie d’entre elles viennent se fixer à la surface des particules de

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ciment (adsorption). Les superplastifiants réduisent les forces attractives d’interactions inter-particulaires de Van der Waals qui existent entre les atomes des différentes particules (figure 2. 23).

Figure 2.23 Représentation schématique de l’adsorption d’un polymère à la surface d’une particule [C. Jolicoeur et al., 1994]

Une pâte de ciment peut être envisagée comme une suspension contenant des particules colloïdales dispersées dans l’eau. Les grains de ciment porte des charges électriques à leurs surfaces, lesquelles ont pour origine des imperfections de la structure cristalline, des liaisons dissociées ou des ions adsorbés [G.H. Tattersall et P.F.G. Banfill, 1983; P.C. Kreijger, 1980]. Cette charge confère à la particule un potentiel de surface, appelé potentiel de Nernst et noté Ψ0. Les électrolytes, présents dans la phase aqueuse, vont alors

former une couche autour de la particule afin de neutraliser ce potentiel électrostatique [R. Tadmor et al., 2002; Stankovich et J. Stankovich, 1996] et stabiliser ainsi la dispersion. Cette couche est appelée la double couche électrochimique. La structure de la double couche électrochimique est décrite ci-dessous d’après le modèle de Stern pour une particule portant une charge de surface positive. Elle est représentée de façon schématique à la figure 2.24.

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Figure 2.24 Double couche électrochimique d’une particule colloïdale positivement chargée et évolution du potentiel électrostatique [H. Salmang et H. Scholze, 2007]

Une couche fixe de molécules d’eau et d’ions, entourent les particules qui se trouvent en suspensions. L’adsorption des molécules d’eau et d’ions sur les particules se trouvant en suspensions, se fait sous l’effet de l’attraction électrostatique; et donne naissance à une couche autour des particules. Cette couche est appelée couche de Stern, elle-même se compose de deux couches distinctes (figure 2.24): couche d’Helmholtz interne, formée d’anions non solvatés et couche d’Helmholtz externe qui est constituée par une monocouche de cations solvatés. En raison de leur taille relativement importante, les ions ne peuvent pas neutraliser complètement la charge de la particule colloïdale. La compensation est réalisée au sein de la couche diffuse [G.J. Gouy, 1910; D.L. Chapman, 1913]. Dans cette couche, les ions sont mobiles et leurs concentrations évoluent avec la distance, de telle façon qu’à la fin de la couche diffuse, l’électroneutralité est atteinte. L’adsorption des polymères organiques des superplastifiants à la surface des grains de ciment repose sur l’attraction électrostatique entre les groupements anioniques de l’adjuvant (—COO-, —SO3-) et les domaines positivement chargés de la double couche

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électrochimique. Il s’agit ainsi d’un mécanisme de physisorption. Ce processus montre un plateau d’adsorption, lequel est appelé point de saturation de surface [Y.F. Houst et al., 1999] et correspond grossièrement à la quantité de superplastifiant permettant la fluidité optimale.

L’adsorption des superplastifiants est influencée par les caractéristiques physicochimiques du ciment. Il a été rapporté que l’adsorption des polymères est meilleure lorsque la finesse du ciment est élevée [T. Nawa et H. Eguchi, 1992]. Par ailleurs, les différentes phases cimentaires n’adsorbent pas les mêmes quantités de superplastifiant et cela est dû aux valeurs déférentes des potentiel ζ. Les phases silicates du ciment C3S et C2S, ont un potentiel ζ négatif de l’ordre de -5 à -10 mV. Par contre, les phases aluminates, C3A et C4AF, ont un potentiel ζ situé entre 5 et 10 mV [K. Yoshioka et al., 2002]. Les superplastifiants négativement chargés ont donc une plus grande affinité pour les phases aluminates.

Le processus d’adsorption, est affecté par les différents paramètres propres aux superplastifiants lui-même du point de vue structural, densité de charge, longueur des chaînes carbonées et groupement anionique. Ces répercussions sur le phénomène d’absorption sont décrites ci-dessous :

 La densité de charges

Plus le nombre de groupement chargé par molécule est important, meilleure est l’adsorption [H. Uchikawa, 1984].

 La longueur des chaînes carbonées

D’après [O. Blask, 2002], les polycarboxylates ayant une longue chaîne principale et de courtes chaînes secondaires présentent l’adsorption la plus importante. D’une part, le nombre de groupes —COO- augmente avec l’allongement de la chaîne principale et, d’autre part, l’encombrement stérique généré par les longues chaînes secondaires peut gêner l’adsorption [O. Blask, 2002].

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 Le groupement anionique

L’ancrage des polymères sur les grains de ciment a lieu par l’intermédiaire des groupements anioniques. Selon [C.M. Hirsch, 2005], les groupements carboxylate s’adsorbent plus fortement que les groupements sulfonate.

2.4.3.2 Répulsion électrostatique

L’effet de répulsion électrostatique caractérise principalement les dispersions des particules de ciment par les superplastifiants de type polysulfonate [E. Sakai, 1997; C. Jolicoeur et al., 1994; K. Yoshioka et al., 1997]. Les superplastifiants s’adsorbent à la surface des particules de ciment par des interactions coulombiennes, des forces de Van der Waals ou des liaisons hydrogènes [C.M. Hirsch, 2005].

L’adsorption de polymères chargés négativement se fait par l’intermédiaire d’ions bivalents Ca2+. La quantité de polymères adsorbés est d’autant plus grande que la masse moléculaire du polymère est élevée et qu’il y’a plus d’ions Ca2+ dans la solution interstitielle. En se fixant sur les grains de ciment, les polymères anioniques changent la charge des particules de ciment, comme le montre la figure 2.25.

Figure 2.25 Évolution du potentiel lors de l’adsorption de superplastifiants de type polysulfonate [J. Plank et al., 2004]

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Entre chaque particule de ciment occupé par une molécule de superplastifiant, est créée une force répulsive se forme en raison des charges identiques charge négative qui se repoussent (figure 2.26).

Figure 2.26 Illustration schématique de la répulsion électrostatique entre deux particules [C. Jolicoeur et al., 1994]

Ces forces induisent une forte dispersion des particules et empêche ainsi la coagulation [V.S. Ramachandranet al., 1998]. L’intensité de la force répulsive est intimement liée à la structure moléculaire de l’adjuvant. Dans leur recherche [H. Uchikawa, 1984] ont montré de cette façon que plus le nombre de groupements anioniques est élevé, plus le potentiel ζ est important et donc plus la répulsion est forte. Le processus d’adsorption, est affecté par les différents paramètres propres aux superplastifiants lui-même du point de vue structural, densité de charge, longueur des chaînes carbonées et groupement anionique. Ces répercussions sur le phénomène d’absorption sont décrites ci-dessous.

2.4.3.3 Encombrement entropique

Appelé aussi encombrement stérique, est un autre mode de répulsion créé par les superplastifiants de type polycarboxylate [H. Uchikawa, 1984].

Cet encombrement, nécessite des molécules qu’une partie puisse se placer ou se fixer à la surface des particules et que l’autre partie puisse se déployer dans le liquide en raison de son affinité avec ce dernier. Dans ce cas, lorsque deux particules "chevelues" se rapprochent au point que les chaînes puissent s’interpénétrer, cela provoque une

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augmentation de l’énergie du système associée à une force de répulsion entre les deux particules (figure 2.27).

Figure 2.27 Représentation schématique du phénomène de répulsion entropique ou stérique [C. Jolicoeur et al., 1994]

L’adsorption de grosses molécules crée des forces de répulsions, que les molécules de polymères soient chargées ou non. Les chaînes polymérisées ne peuvent pénétrer les unes dans les autres, empêchant ainsi toute floculation. L’effet entropique s’amplifie avec la masse moléculaire et le degré de ramification du polymère [C. Jolicoeur et al., 1994]. L’encombrement stérique apparaît dès que la distance entre les polymères adsorbés est inférieure à deux fois l’épaisseur des polymères [A. Griesser, 2002]. Ce type de répulsion est donc une force purement répulsive, qui n’agit que si les molécules sont très proches [O. Blask, 2002].

[K. Yamada et al., 2001], ont mené une étude comparative des potentiels ζ de pâtes de ciment contenant différents types de superplastifiant. Il est ainsi apparu qu’en présence de polysulfonates, le potentiel ζ est négatif, alors qu’avec des polycarboxylates, le potentiel ζ est nul voire positif. Ces différences ont été expliquées par [J. Plank et al., 2004] à partir de la structure de la double couche électrochimique lors de l’adsorption de polycarboxylates, Une représentation est proposée à la figure 2.28. Cette absorption provoque un élargissement de la couche de diffusion et/ou un déplacement de la surface de cisaillement. Pour de courtes chaînes secondaires, la répulsion engendrée est, dans ces conditions, semblable à celle créée par les polysulfonates. Lorsque les chaînes secondaires s’allongent, le potentiel ζ devient nul puis positif [J. Plank et al., 2004; J. Plank, 2004]. Le potentiel ζ fournit ainsi une évaluation approximative des proportions

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électrostatique et stérique dans la dispersion des polycarboxylates. D’après les mêmes auteurs [J. Plank et al., 2004; J. Plank, 2004], la dispersion dépend, par conséquent, de la longueur des chaînes secondaires et de la densité de charges anioniques de la chaîne principale.

Figure 2.28 Évolution du potentiel lors de l’adsorption de superplastifiants de type polycarboxylate d’après [Plank et al., 2004]

2.4.3.4 Effet du polymère en solution interstitielle

Lors de l’ajout de superplastifiant à une pâte de ciment, il reste toujours une quantité de polymère non adsorbé se trouvant dans la solution interstitielle. Cette partie du superplastifiant n’est pas sans conséquence sur le comportement de la pâte [M. Neuville, 2007]. En effet, le dispersant va diminuer la tension de surface du liquide interstitielle ce qui facilite la pénétration de bulles d’air. De plus, le polymère, se trouvant dans la solution interstitielle, comprimé entre deux particules va être expulsé de l’espace interparticulaire. La différence de concentration entre cette zone et le reste de la solution va provoquer une floculation de la suspension par déplétion. Cette floculation peut avoir pour conséquence la sédimentation des particules, sous l’action de la gravité.

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Pour résoudre ces problèmes de sédimentation des particules de ciment, le choix d’un polymère adaptatif interagissant avec son environnement a été fait. En effet, ce polymère doit permettre :

• tout comme un superplastifiant, une fluidification de la pâte,

• de contrôler la rhéologie de la pâte sous l’effet d’un stimulus externe afin d’éviter la sédimentation des particules.