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I.2 RENFORCER LE REGIME JURIDIQUE DES SERVITUDES

I.2.2 Le mode d’exercice des servitudes

L’étendue et la fixité d’une servitude servent fréquemment à définir et à caractériser le mode d’exercice de celle-ci. Le principe général qui illustre le mode d’exercice des servitudes est qu’il est de bon droit d’en user dans sa plus grande totalité et que rien ne doit en diminuer l’usage et l’exercice.

Ainsi, le mode d’exercice renvoie nécessairement aux droits et aux devoirs afférents à la relation entre propriétaires du fonds servant au fonds dominant et réciproquement.

I.2.2.1

L’étendue des droits

La difficulté consiste à déterminer l’étendue des droits des deux propriétaires.

Au profit du fonds dominant

L’article 69647 du code civil pose le principe selon lequel la naissance d’une servitude doit procurer

au propriétaire du fonds dominant le droit de faire tout ce qui est nécessaire pour en user. Cette condition s’établit aussi bien aux servitudes acquises par prescription, par titre ou encore par destination du père de famille.

47. Alinéa 1er de l’article 696 du code Civil : « Quand on établit une servitude, on est censé accorder, tout ce qui est

nécessaire pour en user ».

Terrain À bâtir Voirie Unité foncière Limite divisoire Aménagement extérieurs

L’intitulé de la section (Des droits du propriétaire du fonds auquel la servitude est due) signifie que la servitude doit être mise en œuvre pour multiplier l’utilité des fonds servants au profit des fonds dominants. Ainsi quelques soient leur origine, ces droits réels doivent permettre de retirer directement du fonds assujetti les avantages qui font défaut au bien bénéficiaire48.

Il est important de rappeler que l’étendue des droits du propriétaire du fonds dominant dépend principalement de son titre. La liberté conventionnelle, traité antérieurement, doit permettre de déterminer la portée des droits et des devoirs accordés au bénéficiaire de la servitude.

L’article 686, alinéa 2 du code Civil permet de comprendre ces propos : « L’usage et l’étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles …. ». Ainsi les ouvrages nécessaires à l’usage et à la conservation d’une servitude49, initialement prévus

aux frais du fonds bénéficiaire, peuvent incomber aux deux propriétaires si le titre constituant la servitude le prévoit.

Au profit du fonds servant

N’étant pas le bénéficiaire de la servitude, le propriétaire du fonds servant doit par définition la subir. La loi, lui accorde toutefois le droit de déguerpir, c’est-à-dire d’abandonner la servitude pour s’affranchir d’un quelconque coût afférent à l’entretien et à la conservation de celle-ci, si tant est que la charge financière de ces réparations, lui soit imputée dans une convention.

Le droit d’abandon des servitudes comporte un caractère unilatéral. En effet, l’abandon n’a pas à être accepté par le propriétaire du fonds dominant. Toutefois, ce droit accordé au propriétaire du fonds servant peut être refusé par les juges du fond si ceux-ci estiment qu’ils ont a faire à un comportement fautif de la part de celui-ci. Ce comportement peut être révélé par un abandon insatisfaisant de l’étendue de la servitude ou par un manquement à des obligations d’entretien et de conservation courants qui incombaient au propriétaire du fonds servant comme prévu initialement dans la convention.

La réforme du code civil conserve ce droit accordé au propriétaire du fonds servant dans son article 619 : « Lorsque le propriétaire du fonds servant est tenu par la convention […..], il peut toujours s’en affranchir en abandonnant au propriétaire du fonds dominant, à sa convenance, soit le fonds

48. P. MALAURIE, L. AYNES, Les Biens (éd. Droit Civil). Paris : Defrénois, 2005

49. Article 697 du code Civil : « Celui auquel est due la servitude, a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en

servant, soit le terrain d’assiette de la servitude ». Toutefois les aspects et les conditions de l’abandon de la servitude ne sont pas précisés dans le projet de réforme.

I.2.2.2

La fixité de la servitude

Parce qu’elles sont perpétuelles, qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté des personnes et aux caractères sacrés et inviolables du droit de propriété, la loi impose une fixité aux servitudes. La fixité dont fait l’objet les servitudes émane de l’article 701 du code civil. Ainsi nait de cet article l’obligation de ne pas diminuer l’usage et la commodité d’une servitude. « Il (fonds servant) ne peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée. »50

Par exemple, si le propriétaire d’un fonds grevé d’une servitude de passage conserve le droit de clore son terrain, il ne doit rien entreprendre qui puisse diminuer l’usage et la commodité de la servitude51.

Associé à cette fixité de la servitude, l’article 70152 prévoit toutefois la possibilité de déplacer

l’assiette de celle-ci. Ce déplacement est soumis à deux conditions :

Dans un premier temps, le propriétaire du fonds servant ne peut demander la modification de l’assiette de la servitude que si l’assignation primaire contenue et définie dans le titre ou dans la convention est devenue plus onéreuse pour lui. Dans un second temps, le nouvel emplacement de la servitude doit être aussi commode pour l’exercice des droits du propriétaire du fonds dominants. Il est nécessaire que ces deux conditions soient cumulatives pour remporter le déplacement de l’assiette de la servitude sans quoi les juges ne pourraient satisfaire à la demande du propriétaire assujetti.

50. Article 701 du code Civil

51. Ex : Cass.civ. 3e, 21 novembre 1969, Bull.civ. III, n°764

52. Alinéa 3 de l’article 701 du code Civil : « Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au

propriétaire du fonds assujetti […..], il pourrait offrir au propriétaire de l’autre fonds un endroit aussi commode pour l’exercice de ces droits, et celui-ci ne pourrait refuser. ».

Si aucun commun accord53 n’est nécessaire entre les propriétaires pour appliquer l’alinéa 3 de

l’article 701 du code civil, le propriétaire du fonds servant (demandeur) à l’obligation de supporter en totalité les frais du déplacement sauf stipulation contraire.

Le projet de réforme a, au vu de l’article 621, une approche moins directe. Il énonce : « […] en cas de refus, le juge détermine l’assiette la plus appropriée eu égard aux intérêts en présence. » En ouvrant la possibilité d’un désaccord, le groupe de travail a souhaité faire peser la charge de ce dispositif à l’appréciation souveraine des juges. Dans le même esprit, l’article 621 du projet de réforme ne pose pas de condition sur l’existence de la nouvelle assiette. En effet, la notion de commodité présente à l’article 701 pour satisfaire l’emplacement d’un nouvel endroit a disparu. Ainsi le propriétaire du fonds servant peut offrir n’importe quelle autre assiette au propriétaire du fonds dominant si tant est que les juges l’acceptent.

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