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5.2 Dispositif de production de données sur l’activité en système dynamique :

5.2.5 Mode d’emploi et mise en œuvre de DiSTASyD

Chaque séance d’une journée par participant débute par une présentation des objectifs de l’intervention et du dispositif expérimental. Après avoir exposé le cadre des missions à réaliser, l’animateur demande au participant d’élaborer un briefing pendant 10 à 15 minutes et, en tant qu’équipier, de lui exposer ensuite pendant 15 minutes. Ce briefing tactique est le moyen de découvrir les logiques d’action subjectives prévues par ce pilote pour réaliser la mission qui sera simulée. La phase de préparation à l’action (briefing) conditionne donc le succès de la simulation et nécessite quelques précautions.

Pour simuler son activité, le pilote déplace son avatar sur la table tactique, pas-à-pas, minute par minute, sans anticiper les actions ou les évènements à venir. Ce comportement est délicat pour un pilote dont l’entraînement quotidien vise à améliorer ses capacités d’anticipation. L’animateur doit informer le pilote qu’à chaque déplacement des maquettes correspondant à une minute d’activité réelle, ou à tout moment jugé important, la simulation sera interrompue et le pilote sera alors placé en condition réflexive sur ses propres actions. Cette démarche s’avère nécessaire si l’on veut identifier et proposer à terme la bonne information au bon moment dans un cockpit doté d’une interface dite « adaptative », si une telle solution est jugée pertinente par l’avionneur.

Au cours de la passation, deux processus sont mis en jeu et peuvent se révéler être concurrents. D’une part, une activité de production au cours de laquelle le sujet cherche à réaliser le plus fidèlement et efficacement sa tâche. D’autre part, une activité de conception créative en cherchant à développer son artefact et les schèmes d’usages afférents. Pour cela, il identifie les problèmes posés par la situation vécue pour les résoudre mais ne les évite pas comme il le ferait en réalité. Ce type d’environnement simulé non connecté est propice à exposer les difficultés éprouvées par le pilote qu’il cherche à révéler et à résoudre. Son ego est mis de côté sous réserve de lui offrir suffisamment d’intimité, de confiance et de lui garantir l’anonymat des résultats (cf. figure 18). Ce n’est pas forcément le cas lorsqu’on observe les missions réelles de plus en plus exposées et transparentes en raison des informations accessibles en réseaux.

Le scénario joué en simulation conduit le pilote à réaliser son activité dans des situations connues pour lesquelles il a développé des routines ou dans des situation de résolution de problème pour lesquelles il peut être amené à formuler un besoin d’évolution de l’interface cabine. L’expression de ce besoin nouveau émerge de manière opportuniste ou bien est provoqué par un questionnement régulier articulé autour du triptyque constituant les unités de l’activité humaine selon Leontiev (1984) : motif (je veux arriver à …), action (je fais ça

…), moyens (j’ai besoin de …) (cf. figure 19). Le pilote est ainsi orienté vers l’utilité

produit et/ou valeur : de quoi ai-je besoin en cabine à ce moment de l’action pour ne pas me retrouver bloqué et hypothéquer mon intention ? L’évolution du guidage au cours de la simulation est un marqueur de la compréhension de la méthode par le pilote (Antolin 1997 et Rogalski & Antolin 1997). Initialement assez directif, l’animateur recherche l’autonomie du sujet dans la gestion de la situation de simulation : le pilote manipule son avatar, puis celui de son équipier et finit par se poser lui-même de façon automatique les trois questions « intention, action, information nécessaire ».

Une position réflexive est systématiquement adoptée par le pilote à chaque fois qu’il doit prendre une décision ou qu’il doit déplacer son avatar sur la table tactique (minute par minute). Lorsqu’il élabore une solution pour résoudre un problème, le pilote explore deux univers (Nelson, 2011) :

- Le premier est considéré rétrospectif car il consiste à reconstruire des fonctions et/ou des usages sur la base de l’état actuel de la cabine Rafale au standard F3, des versions précédentes du Rafale voire des cabines d’autres avions qu’il connaît ; - Le second est considéré prospectif car il correspond à l’univers des fonctions et

des usages possibles relevant de son inventivité. Les informations qui en découlent peuvent être floues, partielles, marginales ou bien inversement s’avérer très

précises, complètes et partagées.

La discussion permanente entre ces deux univers et leur exploration approfondie, au besoin par le guidage de l’animateur, produit deux sortes de données (Loup-Escande et coll., 2012) :

- des informations dont l’utilité est réelle puisqu’elles s’appuient sur l’expérience vécue du pilote concepteur de l’idée (univers d’idées rétrospectives),

- des informations dont l’utilité est potentielle (univers d’idées prospectives). Ces dernières sont élaborées à partir de l’expérience individuelle et de la capacité créative de chacun des pilotes passant la simulation.

L’utilité réelle des informations à utilité potentielle ne peut pas être consolidée car elles portent sur un usage futur probable issu de l’exploration de l’univers prospectif. Seul un simulateur de conception dynamique haute-fidélité ou a minima « micro monde » pourrait y répondre sous réserve de l’avoir prototypé. A ce stade du projet qui se situe en amont de l’élaboration d’un prototype et qui consiste à adresser le besoin des armées vers le concepteur Dassault, les données recueillies et l’analyse des argumentations développées doivent s’avérer suffisantes pour formaliser les spécifications fonctionnelles (cf. figure 20). Le postulat de l’utilité intrinsèque aux propositions faites repose sur le choix de participants : les pilotes sont les utilisateurs finaux qui recherchent la performance et leur sécurité. Ils connaissent les contraintes auxquelles ils sont soumis en opérations. Leurs propositions se doivent d’être pragmatiques.

Figure 20. Usages prospectifs et rétrospectifs atteints avec DiSTASyD adapté de Loup-Escande, Burkhardt et Richir, 2012.