• Aucun résultat trouvé

Le mode du dôme métamorphique extensif (« metamorphic core complex »)

3. Modes d’extension de la lithosphère continentale

3.3. Le mode du dôme métamorphique extensif (« metamorphic core complex »)

Ce mode d’extension introduit par Buck et al. (1991) (Fig. 1.4c) est à l’origine un cas particulier de structure extensive, mis en évidence dans les années 60-70, à la suite d’études structurales dans la province du « Basin & Range ». Ces travaux ont montré la présence de dômes métamorphiques associés à des failles normales de faible pendage. Ces failles sont l’expression d’une déformation fragile extensive le long d’une zone de cisaillement ductile, qui se localise entre une unité supérieure non-métamorphique ou au métamorphisme antérieur à la déformation et une unité inférieure au métamorphisme contemporain de la déformation (Misch, 1960). Dans un premier temps, ces structures ont été interprétées comme s’étant formées en relation étroite entre des chevauchements issus d’une tectonique d’épaississement crustal et des failles normales à faible pendage. Par la suite, la mise en évidence du découplage entre l’histoire compressive puis extensive de la région (Armstrong, 1972), a contraint la communauté scientifique à abandonner cette hypothèse. Ce n’est que vingt ans après les premiers travaux, que Davis et Coney (1979) ont proposé que le développement des dômes métamorphiques résulte de l’extension d’un large domaine crustal soumis à une intense activité volcanique.

Depuis les premiers travaux dans la province du « Basin & Range », les dômes métamorphiques sont devenus des structures fréquemment reconnues dans les régions orogéniques, comme la cordillère nord américaine (Davis et Coney, 1979 ; Crittenden et al., 1980 ; Vanderhaege et al., 1999), la Mer Egée (Lister et al., 1984 ; Jolivet et al., 1991 ; Sokoutis et al., 1993 ; Gautier et al., 1993 ; Gautier et Brun, 1994a ; 1994b), et la chaîne de l’Himalaya (Chen et al., 1990 ; Lee et al., 2000 ; 2004). Ces structures extensives ont aussi été décrites dans des orogènes plus anciens, comme la chaîne hercynienne (Van Den Driessche et Brun, 1989 ; 1991 ; Echtler et Malavieille, 1990 ; Malavieille et al., 1990 ; Burg et al., 1994 ; Cagnard et al., 2004), ou encore la chaîne calédonienne (Norton, 1986 ; Séranne et Seguret, 1987 ; Andersen et al., 1991). Depuis le milieu des années 90, des dômes métamorphiques extensifs ont été régulièrement découverts et étudiés en Asie orientale (voir le chapitre 2).

La particularité des dômes métamorphiques est la présence d’un contact soustractif entre deux unités, inférieure et supérieure. La première se compose de roches métamorphiques et plutoniques, affectées par de la déformation ductile. À l’échelle de la structure, les trajectoires de foliations dessinent généralement une forme en dôme. L’unité

métamorphique. La zone de séparation entre ces deux unités, le détachement extensif, correspond à une zone de forte déformation généralement peu pentée. Le long de ce détachement, dont l’origine reste très controversée depuis de nombreuses années (e.g. Wernicke, 1981 ; 1985 ; Buck, 1988 ; Wernicke et Axen, 1988 ; Tirel et al., 2006 ; 2008), la superposition complexe des fabriques ductiles puis fragiles témoigne du caractère progressif de la déformation. Brun et Van Den Driessche (1994) ont décrit les structures qui peuvent être observées dans un dôme métamorphique, des niveaux les plus profonds au plus superficiels (Fig. 1.5a). Au flanc du dôme métamorphique (zone D1), les roches montrent des structures mylonitiques de type C/S (Cisaillement/Foliation) (Berthé et al., 1979a) développées dans des conditions métamorphiques de haute température. Durant le fonctionnement du détachement, ces roches vont franchir la transition fragile-ductile, ce qui aura pour conséquence la formation de cataclasites (zone D2). En dessous (zone D3), les roches mylonitiques montrent la présence de bandes de cisaillement extensives de type C’ (Berthé et al., 1979b ; Gapais, 1989). La partie la plus superficielle du détachement (zone D4) est marquée par une forte déformation fragile, se caractérisant par la présence de cataclasites et de brèches tectoniques. Ainsi, la progression des déformations depuis des structures ductiles de haute température, dans les parties profondes du dôme métamorphique, jusqu’à des structures fragiles vers les parties les plus superficielles, témoigne d’un refroidissement des roches durant leur exhumation. Malavieille (1993) fournit une description plus détaillée des structures, qui peuvent être observées dans un détachement (Fig. 1.5b). Ce schéma montre clairement l’enchaînement des structures ductiles puis fragiles, vers le toit du dôme.

Les dômes métamorphiques extensifs se localisent souvent au sein des zones affectées par de l’extension diffuse (« wide rift ») comme dans la province du « Basin & Range » et le domaine égéen. Cette caractéristique a été interprétée comme impliquant des phases successives d’extension dont les modes diffèrent (e.g. Sokoutis et al., 1993 ; Parsons, 1995). Toutefois, Brun (1999) a considéré les dômes métamorphiques extensifs comme des anomalies locales au sein du mode de rift large et non comme un mode particulier d’extension.

Fig. 1.5 : Description de structures associées aux dômes métamorphiques extensifs et à leur

détachement. (a) Figure illustrant les structures à l’échelle d’un dôme métamorphique (modifiée d’après Brun et Van Den Driessche, 1994). (b) Description détaillée des déformations qui affectent les roches au mur et au toit d’un détachement (Malavieille, 1983). 1, Roches foliées montrant des bandes de cisaillement extensives de type C’. 2, Zone de cisaillement normale macroscopique. 3, Intrusion granitique syn-cinématique, mylonitisé et boudiné. 4, linéation minérale et d’étirement. 5, Schistosité de crénulation extensive.6, boudinage à différentes échelles. 7, Indicateur de cisaillement (structure d’enroulement). 8, Plis en fourreau dans une zone de forte déformation. 9, Plis aux axes parallèles à la linéation d’étirement. 10, Plis isoclinaux aux plans axiaux subhorizontaux. 11, cristallisations en zones abritées sur des surfaces fragiles du détachement. 12, brèches cataclastiques. 13-18,

À partir d’exemples régionaux actuels, Buck (1991) proposa que la formation des dômes métamorphiques de type « core complex » soit liée à des températures particulièrement élevées au sein de la lithosphère. Ainsi, selon ce modèle, le flux de chaleur doit être initialement égal ou supérieur à 90 mW.m-2 et l’épaisseur de la croûte doit être au moins de l’ordre de 60 km. Plus récemment, des modèles numériques thermo-mécaniques imposent des températures au Moho d’au moins 800°C, un flux de chaleur élevé et une croûte épaisse d’au moins 45 km (Tirel et al., 2008). Dans ces conditions, l’enveloppe rhéologique de la lithosphère se caractérise par une croûte fragile qui repose sur une croûte inférieure et un manteau lithosphérique entièrement ductiles. Ainsi, l’amincissement de la croûte supérieure durant l’extension est compensé par une remontée locale de la croûte moyenne ductile. Le bombement qui en découle n’est en revanche pas compensé par une remontée locale du Moho (e.g. Tirel et al., 2004, 2009). En effet, les modèles de sismique réflexion et réfraction montrent que le Moho reste plat à l’aplomb des régions où se localisent des dômes métamorphiques (e.g. McCarthy et Thompson, 1988 ; McCarthy et al., 1991).

Documents relatifs