Ces mod`eles s’appuient directement sur l’observation des ph´enom`enes responsables de
la d´eformation plastique, c’est-`a-dire la dynamique des dislocations, pour en d´eduire des
lois de comportement du monocristal. Quelques mod`eles d´evelopp´es pour les applications
m´etallurgiques sont pr´esent´es, puis des mod`eles pour la glace sont expos´es.
Dans les m´etaux, l’´etude de l’´evolution de la densit´e et de la structure des
disloca-tions repose souvent sur la n´ecessit´e de mieux connaˆıtre et mod´eliser les ph´enom`enes
d’´ecrouissage lors de la d´eformation plastique. La plupart des mod`eles existants visent
`
a repr´esenter l’´evolution de la densit´e de dislocationsρ en fonction de la d´eformation en
cisaillement γ pour les diff´erentes ´etapes de la d´eformation plastique des m´etaux :
• r´egime I (r´egime transitoire) : un seul syst`eme de glissement est activ´e, le taux de
production de dislocations est suppos´e constant ;
• r´egime II (r´egime stationnaire) : un deuxi`eme syst`eme est activ´e, il apparaˆıt donc
des interactions entre les dislocations des deux syst`emes qui durcissent le
mat´e-riau. La densit´e de dislocations mobiles (seules responsables de la d´eformation) est
consid´er´ee quasi-constante ;
• r´egime III (r´egime de restauration dynamique) : des processus d’annihilation entrent
en jeu, par glissement d´evi´e en particulier, et la densit´e de dislocations d´ecroˆıt.
Dans la suite, on s´eparera les mod`eles prenant en compte l’´evolution d’un seul
para-m`etre repr´esentant les dislocations, des mod`eles prenant en compte les interactions entre
plusieurs syst`emes de glissement.
2.3.1 Mod`eles `a une variable interne
Les mod`eles pr´esent´es dans ce paragraphe ne tiennent compte que d’une seule variable
interne, qui est souvent la densit´e totale de dislocations.
Le mod`ele de Kocks–Mecking (Kocks, 1976; Mecking et Kocks, 1981; Mecking, 1981)
est bˆati sur l’hypoth`ese que la cin´etique de l’´ecoulement plastique d’un mat´eriau est
d´etermin´ee par un seul param`etre structural S repr´esentant la structure actuelle. Deux
´equations permettent alors de d´ecrire le comportement plastique :
• une´equation cin´ematique reliant la contrainte d’´ecoulementσ au param`etre
struc-tural S, au taux de d´eformation ˙εet `a la temp´erature T :
(2.1) σ=σ(S,ε,˙ T),
• une ´equation d’´evolution d´ecrivant la variation du param`etre structural S :
(2.2) dS
Ce mod`ele a ´et´e d´evelopp´e pour mod´eliser l’´ecrouissage `a basse temp´erature (T <
0.5T
f usion). Le taux d’´ecrouissage θ =
∂σ∂εd´epend lin´eairement de la contrainte sur
une partie de la courbe σ−ε, sur un intervalle de d´eformation qui diminue au fur et `a
mesure que la temp´erature augmente.
Pour les temp´eratures moyennes et ´elev´ees (T > 0.5T
f usion), Roberts (1984) a
pro-pos´e un mod`ele s’appuyant sur l’observation d’une lin´earit´e entre le taux d’´ecrouissage
θ et l’inverse de la contrainte σ
−1. Ce mod`ele est correctement corr´el´e en dehors des
premiers stades de la d´eformation (σ → 0 entraˆıne θ → ∞). Le mod`ele de Roberts
utilise aussi un seul param`etre structural, la densit´e totale de dislocations.
Liu (1996) a propos´e un mod`ele unifi´e, valable quelle que soit la temp´erature, prenant
en compte l’influence des structures de dislocations sur le comportement. Ce mod`ele
int´egre un param`etrenli´e `a la mobilit´e des dislocations dans une bande de dislocations.
naugmente avec la temp´erature de fa¸con `a simuler soit un mat´eriau `a basse temp´erature
(mod`ele de Kocks, n= 0), soit un mat´eriau `a haute temp´erature (mod`ele de Roberts,
n≫1). Le taux d’´ecrouissage est donn´e par :
(2.3) θ= dτ
dγ =
αµ
2βn 1−e(
−n(ρ/ρs)1/2)
!
ρ
sρ
1/2−1
!
,
avec αetβ constantes,µmodule de cisaillement du mat´eriau, ρ
sdensit´e de dislocations
au stade stationnaire de la d´eformation.
2.3.2 Mod`eles multi-variables
La formulation `a un seul param`etre structural donne une bonne repr´esentation du
com-portement lorsqu’on consid`ere des grandes d´eformations monotones continues.
Cepen-dant les mod`eles de ce type correspondent `a un ´ecrouissage isotrope et ne permettent pas
de simuler les ph´enom`enes locaux d’instabilit´e, ni le d´ebut de la d´eformation plastique
pour lequel un seul syst`eme de glissement est actif. De mˆeme, lorsque l’objectif est de
mod´eliser un comportement cyclique, ou un comportement avec des changements rapides
dans les conditions de d´eformation, les mod`eles monovariables sont mal adapt´es.
Des mod`eles multi-variables sont alors apparus pour aller au-del`a des limites de la
formulation `a un seul param`etre (Estrin et Kubin, 1986; Jain, 1990; Teodosiu et al.,
1993). Suivant les auteurs et suivant les ph´enom`enes ´etudi´es, les param`etres structuraux
peuvent ˆetre :
• la densit´e de dislocations vis et la densit´e de dislocations coins (Essmann et
Mugh-rabi, 1979) ;
• la densit´e de dislocations mobiles totale et la densit´e de dislocations fixes totale
(Es-trin et Kubin, 1986) ;
• les densit´es de dislocations mobiles d’un signe et de l’autre (Jain, 1990) ;
• ou encore les densit´es de dislocations mobiles et totales de chaque syst`eme (Teodosiu
et al., 1993).
Ces mod`eles sont en g´en´eral d´efinis `a l’aide d’´equations de trois types (Estrin et Kubin,
1986; Jain, 1990; Teodosiu et al., 1993) :
• une loi d’´ecoulement, qui relie la contrainte `a la vitesse de d´eformation et tient
compte des param`etres structuraux directement ou indirectement ;
• une loi d’´ecrouissage cin´ematique traduisant l’´evolution de la r´esistance au
cisaille-ment des syst`emes de glissecisaille-ment en fonction des param`etres structuraux ;
• des lois d’´evolution, qui traduisent l’´evolution des param`etres structuraux en
fonc-tion de la d´eformafonc-tion ou de la vitesse de d´eformafonc-tion, et/ou des autres param`etres
structuraux. Ces lois sont souvent coupl´ees, les dislocations des diff´erents syst`emes
interagissant entre elles.
Ces mod`eles permettent d’´evaluer les populations de dislocations statistiques et/ou les
po-pulations de dislocations g´eom´etriquement n´ecessaires. Les dislocations statistiques sont
responsables de la d´eformation “moyenne” du cristal, il s’agit par exemple de la densit´e
totale de dislocations mobiles d’un syst`eme, sans tenir compte du signe des dislocations
(c’est la densit´e qui intervient dans la loi d’Orowan). Les dislocations g´eom´etriquement
n´ecessaires sont les dislocations responsables des courbures locales du r´eseau
cristallo-graphique : ce sont les dislocations d’un signe en exc`es par rapport aux dislocations du
signe oppos´e dans un syst`eme de glissement (Jain, 1990).
Quelques auteurs ont propos´e des mod`eles physiques pour la glace. Ainsi, le premier
mod`ele ´elabor´e pour simuler un essai sur monocristal de glace `a vitesse de d´eformation
impos´ee est celui de Jones et Glen (1969). Il s’appuie sur les travaux de Johnston (1962)
sur le fluorure de lithium (LiF), qui a obtenu exp´erimentalement le mˆeme type de r´esultats
que ceux obtenus avec les monocristaux de glace. Jones et Glen ont appliqu´e le mod`ele
propos´e par Johnston et ont pu reproduire les r´esultats exp´erimentaux. Cependant,
les hypoth`eses faites sont incompatibles avec les observations effectu´ees ult´erieurement
sur la glace. En particulier, le mod`ele pr´evoit une d´ependance en τ
3de la vitesse des
dislocations, alors que les observations ont montr´e une d´ependance en τ (Fukuda et
Higashi, 1973; Ahmad et Withworth, 1988; Shearwood et Whitworth, 1991). De plus, ce
mod`ele ne permet pas non plus d’expliquer la variation de la pente observ´ee `a l’origine
des courbes σ−εen fonction de la vitesse de d´eformation (dans le cas de LiF, la pente
initiale est constante et ind´ependante de la vitesse de d´eformation).
Le mod`ele de Brown (1991) est fond´e sur l’´evolution des densit´es de dislocations des
syst`emes de glissement basaux, prismatiques et pyramidaux. Il consid`ere tous les
sys-t`emes potentiellement actifs, avec cependant des densit´es de dislocations faibles sur les
syst`emes prismatiques et pyramidaux par rapport `a celles du syst`eme basal. Pour chaque
syst`eme, les densit´es de dislocations positives et n´egatives sont prises en compte,
per-mettant ainsi d’´etudier l’´evolution des dislocations g´eom´etriquement n´ecessaires. Brown
(1991) a effectu´e quatre applications de son mod`ele : un essai de fluage de longue dur´ee,
suivi d’un d´echargement, un essai d’inversion de la contrainte, un essai `a vitesse
impo-s´ee et un essai de relaxation. Ses simulations montrent un bon accord avec la forme
des courbes exp´erimentales, la difficult´e principale du mod`ele ´etant la d´etermination des
densit´es initiales de dislocations sur chaque syst`eme de glissement.
Le mod`ele propos´e par Fukuda et Shoji (1981) traite surtout de la r´esistance au
mouvement des dislocations. Sur la base d’observations par diffraction X (Fukuda et
Higashi, 1969), les dislocations sont suppos´ees ˆetre structur´ees en rang´ees de dipˆoles,
chaque dipˆole ´etant constitu´e d’un couple de dislocations de signes oppos´ees. Ces dipˆoles
sont stables grˆace `a l’absence de glissement d´evi´e qui permettrait de faire s’annihiler
les dislocations qui les composent. Les param`etres du mod`ele sont l’´ecartement entre les
dislocations d’un dipˆole et l’espacement entre deux dipˆoles d’une mˆeme rang´ee. Ils ont ´et´e
´evalu´es `a partir des observations de l’´ecartement des lignes de glissement. Selon Nakaya
(1958), Rigsby (1957) ou Steinemann (1954), celles-ci sont espac´ees de 50 `a 60µm quel
que soit le taux de d´eformation. Cependant, d’autres auteurs ont observ´e des plans de
glissement beaucoup plus espac´es (Steinemann (1958) : 600µm) ou, pour de plus fortes
cissions r´esolues, plus proches (Wakahama (1962) : 15µm). Selon Wakahama (1962),
l’espacement entre deux plans de glissement voisins serait inversement proportionnel `a
la cission r´esolue dans ces plans.
isotrope
Le mod`ele ph´enom´enologique de Glen (1955) est utilis´e pour simuler le fluage de la glace
polycristalline isotrope sous ´etat de chargement uniaxial. Dans sa g´en´eralisation au cas
multiaxial, la vitesse minimale du fluage est bien d´ecrite par une loi puissance de type
Norton-Hoff (appel´ee loi de Glen en glaciologie) reliant la vitesse de d´eformation d au
d´eviateur des contraintess :
(2.4) d
ij= 1
2B
n(T)τ
n−1
s
ij,
o`u τ est la contrainte de cisaillement efficace d´efinie parτ
2=sijsij/2 (2
einvariant de la
contrainte d´eviatoire), etB
n(T) est un param`etre de fluidit´e d´ependant de la temp´erature
T suivant la loi d’Arrhenius :
(2.5) Bn(T) =Bn(T
0) e
−QR( 1T0−1
T)