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Modélisations des transformations de phases induites par broyage

A. Le broyage mécanique

A.2. Modélisations des transformations de phases induites par broyage

Les principales théories élaborées pour rendre compte des transformations induites par des sollicitations mécaniques sont : l’effet Gibbs-Thomson, le critère de Lindemann généralisé et la théorie de Fecht. A ces théories basées sur l’équilibre thermodynamique s’ajoute la théorie de Martin et Bellon qui suggère que les matériaux broyés se trouvent dans des états dynamiques stationnaires, hors équilibre. Une autre théorie, souvent invoquée pour expliquer l’amorphisation des composés sous broyage, stipule que l’amorphisation se produit à cause d’élévations locales de température lors des chocs ou des frottements de la substance broyée contre les différentes pièces du broyeur. Les températures atteintes seraient supérieures à la température de fusion du composé broyé et causeraient l’amorphisation de la substance par une suite de fusions locales suivies de trempes thermiques. Sa validité sera testée lors de l’étude des effets du broyage sur le lactose (chapitres IV et V).

A.2.1. Effet Gibbs-Thomson

L’effet Gibbs-Thomson est dû à la réduction de taille des grains causée par le broyage [19]. Cette réduction de taille provoque une surpression ∆P dans le grain donnée par la relation :

r

P=2γ

Où r est le rayon de l’agrégat microscopique et γ, l’énergie d’interface. Cette surpression augmente l’enthalpie libre et, par conséquent, diminue la température de fusion

[20] comme illustrée sur le schéma ci-dessous [4] :

Cet effet rend compte de l’évolution des températures de fusion des composés en fonction de certains paramètres de broyage (durée du broyage, fréquence des chocs…). Par contre, il ne fournit aucune explication relative aux transitions de phases qui se produisent dans certains cas.

Fig. I.1 :

Diagramme de Gibbs représentant G(T) pour un cristal non broyé macroscopique et pour un agrégat microscopique. L’interface plus importante dans le cas de l’agrégat perturbe l’enthalpie libre et

décale la fusion vers des températures plus basses

G

T

Macro.

Nano.

∆T

T

f

T

f

liquide

G

T

Macro.

Nano.

∆T

T

f

T

f

liquide

A.2.2. Critère de Lindemann généralisé

Les premiers travaux sur la fusion avaient pour objectif de trouver un critère physique simple permettant d’expliquer ce phénomène. Au début du XXe siècle, Lindemann a proposé un modèle reposant sur les vibrations atomiques au sein d’un solide [21]. L’amplitude des vibrations atomiques augmente avec la température. Lindemann stipule que, lorsque l’amplitude de ces vibrations atteint une certaine fraction de la distance interatomique dans le réseau, le solide fond. Ce modèle a par la suite été généralisé pour prendre en compte le rôle des défauts induits par broyage au sein de la matrice cristalline. Ces défauts introduisent un déplacement statique des atomes par rapport à leur position dans le cristal parfait dont il faut tenir compte dans l’expression du déplacement quadratique moyen des atomes [22] :

tot sta

vib

µ µ

µ

2

+

2

=

2

vib2> représente les vibrations atomiques causées par la température ; <µsta2> , le déplacement statique causé par les défauts ;

tot2> , le déplacement quadratique moyen des atomes. La fusion du composé se produit lorsque :

cri

tot

µ

µ

2

=

2

cri2> correspond au déplacement critique des atomes conduisant à la destruction du réseau cristallin.

A l’examen de ces équations, on s’aperçoit que la fusion peut être provoquée par deux phénomènes :

• le chauffage du cristal à la température de fusion Tf où <µvib2> = <µcri2>.

• l’introduction de défauts qui augmentent le terme <µsta2> et qui peuvent induire la fusion du solide à des températures nettement inférieures à Tf.

Ce critère est compatible avec les modèles microscopiques qui expliquent la formation des défauts dans les cristaux. Pour autant, il ne prend pas en compte les transitions polymorphiques observées dans de nombreux cas.

A.2.3. Théorie de Fecht

Le modèle de Fecht [23] permet de rationaliser le phénomène de fusion induit par l’introduction de défauts dans le cristal. Ce modèle, basé sur la thermodynamique d’équilibre, suppose que les défauts (trous, dislocations…) font partie intégrantes de la structure cristalline. Ces défauts peuvent être introduits par des sollicitations externes telles que l’irradiation ou le broyage.

Habituellement, le critère thermodynamique traduisant la fusion s’écrit :

0

=

=

G G

liq

G

sol Avec :

Gliq : enthalpie libre de la phase liquide Gsol : enthalpie libre de la phase solide

La présence des défauts modifie cette équation qui devient :

0

=

=

G

G G

d Avec :

∆Gd : terme rendant compte de la présence de défauts. ∆Gd = C[∆Hd - T∆Sd] + kT [C lnC + (1-C) ln(1-C)] C : concentration de défauts.

∆Hd : variation d’enthalpie associée aux défauts. ∆Sd : variation d’entropie associée aux défauts.

La figure 2 [4] illustre cette condition. Elle montre que plus la concentration de défauts est grande, plus la température de transition cristal Æ liquide est basse. Pour une concentration limite de défauts (C2), l’enthalpie libre du cristal défectif devient tangente à celle du liquide. Le cristal fortement défectif se trouve alors dans une situation thermodynamique qui le pousse à basculer vers la phase liquide. En ce point, la transition est

est inférieure à la température de transition vitreuse, on assiste à une transition directe cristal Æ verre.

Ce modèle n’explique pas non plus les transformations polymorphiques pouvant survenir au cours du broyage de substances pharmaceutiques.

Fig.I.2 :

Représentation schématique du diagramme de Gibbs pour un cristal parfait (C=0), un cristal contenant une concentration C1 de défauts, et un cristal contenant une concentration C2

A.2.4. Théorie des alliages forcés

La théorie des alliages forcés de Martin et Bellon a d’abord été développée pour l’étude des transformations de phases d’alliages métalliques sous irradiation [24]. Elle a par la suite été étendue aux transitions de phases d’alliages induites par sollicitations mécaniques [7].

Dans des conditions thermodynamiques standards, un alliage explore son espace des configurations de sorte que la configuration la plus stable soit la plus fréquemment visitée. Cette configuration est telle que l’énergie libre du système soit minimale. Dans le cas simple de transformations contrôlées par la diffusion, cette exploration se fait au moyen de sauts thermiquement activés des atomes. La fréquence de ces sauts dépend de l’environnement atomique qui est lui-même influencé par les mouvements des atomes. Dans ce cas, la configuration d’équilibre du système est décrite par un profil de concentration qui est une solution stationnaire de l’équation de diffusion appropriée [24].

Sous irradiation ou sous broyage, l’environnement des atomes est influencé non seulement par les sauts thermiquement activés mais aussi par le forçage externe dû à l’irradiation ou au broyage : collisions nucléaires sous irradiations, glissements des dislocations induits par des déformations plastiques, fracture sous broyage intense… Les déplacements atomiques causés par ce forçage, nommés « sauts balistiques », ne dépendent pas de la température mais de l’intensité du forçage externe. Par exemple, dans le cas d’un broyeur vertical à une bille, cette intensité est définie comme la quantité de mouvement cédée à la poudre par unité de masse et de temps [15]. Cette intensité s’écrit [15, 25] :

p b b

M

f

V

M

I=

Avec : I : intensité Mb : masse de la bille

Vb : vitesse de la bille lors de l’impact f : fréquence des impacts

Selon Martin et Bellon, les effets du broyage peuvent être décrits en fonction de 2 paramètres : I et T (température à laquelle le broyage est réalisé). L’état du système est caractérisé par S, le paramètre d’ordre. Dans le cas d’alliages FeAl, ce paramètre traduit le degré d’ordre dans l’alliage [25].

Contrairement aux sauts thermiquement activés, les sauts balistiques sont fortement corrélés dans l’espace et le temps. Par exemple, dans le cas du broyage, le déplacement d’une dislocation dans son plan de glissement provoque un décalage égal de tous les atomes situés au-dessus de ce plan par rapport aux atomes situés en dessous. L’état atteint par le système sous forçage est généralement différent de l’état d’équilibre thermodynamique. Il s’agit d’un état stationaire, hors équilibre. Ainsi, le système explore toujours son espace des configurations mais selon une règle différente puisque la fréquence des sauts résulte de deux mécanismes agissant en parallèle. Cela amène à définir, pour le système sous broyage, une « énergie libre effective » dont les minima correspondent aux états stationnaires qui sont accessibles au système sous broyage et qui sont différents des états d’équilibre.

La théorie des alliages forcés ne fait aucune hypothèse quant à la nature des états stationnaires atteints. Elle peut donc aussi bien s’appliquer à l’amorphisation qu’aux transformations polymorphiques. Cependant, certaines difficultés apparaissent si on veut la transposer aux études réalisées au laboratoire :

• Dans le cas du broyeur planétaire, l’intensité de la sollicitation est plus délicate à définir que celle définie pour un broyeur vertical à une bille. Selon Gaffet et Abdellaoui, le paramètre pertinent est la « puissance de choc injectée » qui est définie comme étant le produit de l’énergie cinétique des billes par la fréquence des chocs[26, 27].

• Ce modèle a été développé pour des alliages métalliques. L’adaptation à notre étude est plus délicate. La définition d’un paramètre d’ordre pertinent reste un problème non résolu.

B. Propriétés générales des verres

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